““GARAC, Campus de l’Automobile” signifie aussi centre de ressources pour la profession”
Le GARAC, instrument pilote de la politique de formation des professions de l’automobile, a-t-il encore besoin de recruter ?
Assurément, le GARAC s’appuie sur un recrutement national principalement lié au niveau d’expertise qu’il développe, en ayant mis en place des cursus de formation qui vont du niveau V (CAP) jusqu’au niveau I (Ingénieur). Il ouvre donc aux jeunes des perspectives de formation dans les trois grandes filières auto, moto, poids lourd et dans les différents domaines, mécanique, électronique, carrosserie, tertiaire, vente et gestion. Nous demeurons, ainsi, le seul établissement qui bénéficie d’une telle arborescence et poursuit dans cette vocation. Nous persistons d’autant plus que nous entretenons des relations privilégiées avec les professionnels, que nous cultivons non seulement en invitant ceux-ci à participer à la vie du GARAC, par l’intermédiaire de conférences ou de nos opérations portes ouvertes, mais aussi par le travail quotidien avec nos enseignants.
Vous insistez beaucoup sur les échanges entre enseignants et entreprises, est-ce une nécessité aujourd’hui ?
Cela fait partie des gènes de notre établissement et c’est aussi une nécessité. C’est ainsi que, pour les jeunes sous statut scolaire ou bien dans le cadre du contrat d’apprentissage, nous envoyons nos propres enseignants assumer les visites aux entreprises et établir le dialogue entre le jeune et l’entreprise, en travaillant, par exemple, sur le référentiel. Ce sont des moments d’échanges très privilégiés qui contribuent à une formation moins désincarnée, vécue comme véritablement suivie. Cela donne aussi l’occasion au chef d’entreprise de s’exprimer sur ce qu’il ressent des compétences techniques du jeune et aussi sur ses aptitudes sociales. Nous avons un objectif très pragmatique que nous voulons continuer d’assumer avec beaucoup de détermination.
La dimension sociale semble importante pour vous, jusqu’à quel point ?
Nous ne faisons pas d’œuvre sociale ! Néanmoins, nos approches qualitatives consistent à privilégier les méthodes qui fassent que les jeunes reprennent confiance en eux. Cela constitue un élément majeur car ils choisissent souvent la voie professionnelle et technique en se sentant un peu pris en défaut par rapport à leurs plus ou moins grands succès en cursus général. Nous nous fondons donc sur des méthodes inductives et sur la valorisation de projets transversaux. Les jeunes abordent ainsi l’ensemble des disciplines par l’intermédiaire d’un projet.
Pourriez-vous nous délivrer quelques exemples d’acquisition de compétences par projets transversaux ?
Nous avons participé cette année, par exemple, à l’expérience menée par l’association “Entreprendre pour Apprendre” qui intervient auprès de l’Education Nationale et aussi des professionnels, en incitant vivement les enseignants à mettre les jeunes en situation de créer des entreprises et des projets. Cela a parfaitement fonctionné puisque l’une des classes de BTS a conçu un produit, qui sera sans doute industrialisé. L’intérêt de ce projet s’est révélé dans l’appréhension d’une création dans sa globalité, de la conception du produit à la création de l’entreprise qui allait le porter jusqu’à la vente. Autre exemple, cette fois mené avec le Journal de l’Automobile, au niveau des Bacs pros vente, qui a consisté à monter une enquête de A à Z, autour d’un site “j’aime ma voiture.com”, pour déterminer ce que les jeunes aiment dans la voiture de l’année. Cela leur a appris à travailler ensemble et à monter un projet. Le challenge majeur étant d’amener les enseignants, investis dans leur travail pédagogique, à comprendre que les disciplines dont ils sont porteurs, peuvent être abordées non pas seulement sur un mode didactique, mais en travaillant transversalement, avec d’autres collègues, sur un projet commun. De la même façon, nous avons soutenu des projets comme le 4L Trophy, projets qui nous semblent intéressants parce qu’ils font travailler des jeunes à la fois sur un domaine technique (remettre une 4L en état de marche) et à la fois aborder la recherche de financements, la gestion d’un budget, l’organisation d’un planning d’exécution, et se mettre dans la perspective de faire aboutir une idée en un temps donné. Non négociable…
Les projets concernent-ils tous les domaines d’activité ?
Les premiers projets étaient pour les ventes, d’autres sont plus axés “technique” comme la participation à la “montée impossible” en moto, épreuve qui a demandé aux élèves de modifier une moto et de s’organiser pour être opérationnels sur le terrain pendant plusieurs jours dans le sud de la France. Nous allons encore plus loin en impliquant les élèves dans une démarche plus sociale comme de prendre en mains la participation d’enfants malades à des tours sur circuit, enfants qui n’auront pas la possibilité de suivre comme eux une vie normale.
Combien d’élèves pouvez-vous accueillir par an ?
330 à 350 jeunes intègrent le GARAC chaque année.
Recrutez-vous sur toute la France ?
Le GARAC a effectivement une résonance en France entière. Ce qui n’exclut pas la concurrence ! Nous sommes, en effet, face aux CFA régionaux, qui appartiennent ou sont financés par la branche. Parfois même, la démultiplication des sections, induite par la nécessité de répondre aux besoins locaux ou régionaux, conduit à un brouillage auprès des parents, puis des professionnels, qui ont du mal à se retrouver dans certaines appellations. Il faudrait, sans doute, travailler davantage sur des pôles de compétence bien outillés, pour anticiper sur les besoins réels du futur et intégrer l’employabilité dans la formation initiale. Enfin, apporter aux jeunes une véritable expertise par l’agrégat des compétences.
Mais, vieille antienne, vous n’avez toujours pas dupliqué votre modèle ?
C’est vrai et ce n’est pas vrai, à la fois, car les jeunes peuvent venir à Argenteuil, grâce à toutes les structures d’accueil du GARAC. Nous avons un internat de 250 places, une résidence étudiante de 60 places et un internat traditionnel de 190 places. Les opportunités pour suivre un cursus ici dans de bonnes conditions ne manquent pas. Et ces places sont bien occupées même s’il faut mentionner que les gens ont toujours du mal à quitter leur cocon. Et ne pas vouloir quitter ce cocon familial interpelle sur la capacité à travailler soi-même sur le vrai sens de la mobilité. Comment le jeune réagira-t-il face aux nécessaires stages et déplacements à l’étranger ou même en France ? Comment sera-t-il insérable s’il refuse la mobilité ? Ils ne sont pas seuls responsables, puisque les diplômes en enseignement professionnel ne sont pas encore répertoriés dans le catalogue des diplômes qu’on peut obtenir avec le système ECVET, ce qui est un frein pour déployer la mobilité. Mais on revient aussi sur ce qu’est l’enseignement technique ou professionnel en France, puisque la mobilité est réservée aux formations de haut niveau, en gestion, littéraires ou scientifiques de très haut niveau et pas à l’enseignement professionnel “industriel” de premier niveau qui est le lycée professionnel ou l’enseignement technique.
Le diplôme d’ingénieur en maintenance fait la part belle à l’apprentissage, un remède à tous les maux ?
D’abord, il faut reconnaître que nous avons une situation et donc une vision un peu à part, puisque le taux d’insertion professionnelle de notre lycée est identique à celui du CFA. Ce qui est exceptionnel au regard de la moyenne nationale : l’insertion professionnelle dans les domaines qui nous concernent, est de 48 % quand nous sommes à 80 % (auprès des groupes de distribution, des indépendants de petite ou grande structure et, dans une moindre mesure, auprès des constructeurs, des équipementiers, etc.). Il est donc possible de faire du bon travail en lycée professionnel polyvalent. Tout dépend de la culture de l’établissement. Mais les CFA en province ont de bien meilleurs résultats en insertion, ce qui porte à croire que l’apprentissage s’impose comme la voie la mieux adaptée pour trouver un emploi. Or, c’est un double leurre. On joue sur l’appétence vis-à-vis d’une rémunération, en occultant le fait que lorsqu’on est en apprentissage on passe le même diplôme et qu’il faut encore plus s’investir sur la formation initiale et sur sa formation théorique car, lorsqu’on est une semaine sur deux en dehors de l’école, il faut travailler soi-même les matières générales. C’est un vrai challenge que tout le monde ne peut pas se permettre, et qui implique beaucoup de motivation et de maturité, une détermination. L’alternance n’est pas une solution aussi magique que cela.
Compte tenu des résultats, peut-on parler de méthodes magiques, entre guillemets, au GARAC ?
Cela nous aiderait ! Former les jeunes, c’est leur donner une vision globale et les former de façon globale sur l’auto, la moto et le PL. Notre spécialisation joue pour nous, c’est vrai, car nous créons un contexte, nous portons des exigences qui sont transversales, et dans différents domaines, les compétences techniques requises aujourd’hui, impactant tous les secteurs du VL, du PL et de la moto. Il existe une cohérence en cela. Une cohérence qui touche aussi l’approche sociale, dans la rigueur dont on se réclame pour soi, par rapport aux méthodes d’apprentissage, et bien sûr dans la reconnaissance du client, dans ce que l’on lui doit, comme dans ce que l’on doit comme rigueur dans la vie de l’atelier, dans la relation avec le partenaire. D’un côté, il y a le matériel et, de l’autre, tout ce que l’on a développé en termes d’hygiène, de sécurité, d’environnement et qui participe à la cohérence d’acquisition des compétences techniques et sociales tel que le conçoit le GARAC.
Est-ce que les jeunes ont bien compris qu’en arrivant au GARAC, ils peuvent avoir une splendide progression grâce, justement, à la transversalité, aux ponts entre les formations et les secteurs ?
Globalement, ils le savent, même si, au début, cela leur paraît inaccessible. L’intérêt du GARAC repose pourtant sur cette ouverture, cette capacité de ponts permanents. On peut passer du VI à la moto, de la moto au VL, d’un bac pro industriel à un BTS vente. Il existe différentes possibilités qui ne sont pas forcément exploitées. Quand ils entrent, les jeunes visent le Bac Pro ; c’est durant le cursus, qu’ils prennent conscience des autres pistes possibles à l’intérieur même de l’établissement. Ils ressentent aussi certains besoins en effectuant des stages qui leur donnent d’autres idées.
Vous accordez beaucoup d’importance à la notion de “Campus Automobile” pour le GARAC, que recouvre-t-elle ?
Dans cette idée de “Campus”, nous voulons voir tous les métiers, toutes les filières, tous les domaines, auxquels s’ajoute le choix du statut, scolaire ou en apprentissage, sans compter tous les outils associés. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer les internats et les résidences, ou encore de vrais services de restauration, (etc.), réunis sur un site de 24 000 m2 en plein cœur de ville, dont 17 000 m2 en ateliers développés, ce qui offre effectivement une dimension de Campus à notre établissement. “GARAC, Campus de l’Automobile” signifie aussi centre de ressources pour la profession, conçu pour tester les formations, accompagner la préparation de nouvelles formations, positionner l’école au niveau de l’enseignement supérieur. Dans cette optique, le partenariat que nous avons tissé avec le Cnam, pour la formation d’ingénieurs en maintenance, nous envisageons de le développer aussi à d’autres niveaux, à celui des licences et des maîtrises. C’est une volonté forte du président Bartholomé, qui estime que, derrière le caractère propre du GARAC et ce que l’on a su valoriser, la dimension globale qu’on lui a donnée, nous sommes un centre de ressources qui doit se développer et dont la position doit être affirmée dans la profession. C’est ce qu’acteront les prochains statuts.
C’est dans cette perspective que la Feda, comme d’autres fédérations du “deuxième cercle”, doivent obtenir une place plus “opérationnelle” dans le conseil d’administration ?
Historiquement, le GARAC a été fondé par quatre syndicats professionnels (CNPA, GNESA, FFC, FNCRM), et ce sont ces mêmes branches qui ont souhaité faire évoluer les statuts de l’association en actant le fait, lors du Conseil d’administration, que nos organismes associés comme le CCFA, la CSIAM, la Feda et la Fiev disposent d’une voix délibérative, et soient associés pleinement aux autres branches. Ce qui s’apparente, en fait, à une petite révolution, une reconnaissance, car, en filigrane, réside l’idée que les problématiques automobiles en France sont globales et touchent tous les échelons de la filière, que tous les intervenants ont intérêt à se retrouver, à agréger leurs compétences et leurs réflexions et à se placer dans un continuum. Renouer, en réalité, avec le principe de base qui avait présidé à la décision de 1992, d’ouvrir le conseil simplement consultatif aux 4 branches : on ne peut pas envisager la distribution et les services de l’automobile, la vente et l’après-vente, sans impliquer les partenaires qui conçoivent en amont et les autres distributeurs qui sont partie prenante dans le besoin en compétences, l’appareil de formation et la façon dont sont préparées les compétences dont ils ont besoin après. Cela s’inscrit naturellement dans cette continuité.
Comment caractériseriez-vous les relations du GARAC avec la Feda ?
Nos relations avec la Feda sont excellentes à différents niveaux parce que nous sommes tout à fait en convergence de vue dans la vision que nous avons de la montée en puissance permanente des besoins en compétences, qu’elles soient technologiques et sociales, scientifiques, en expertise technique ou dans la dimension services, c’est-à-dire en vente et en tertiaire. Sur cette dernière dimension, depuis un certain nombre d’années, nous avons développé au niveau des bacs professionnels, une formation spécifique avec les professeurs de vente, pour approfondir la dimension distribution et répondre aux attentes spécifiques de la Feda dans ce domaine. Ces formations-là fonctionnent bien et elles ouvrent, en outre, des perspectives, des opportunités pour les stages des jeunes en entreprise vers les distributeurs automobiles.
Pour autant, la vente, sur le versant “distribution des pièces”, ne va sans doute pas de soi dans le choix des jeunes, n’est-ce pas ?
C’est tout le travail que nous réalisons avec la Feda, qui ouvre, ainsi, la vision des jeunes sur la globalité du métier. Souvent, en effet, les jeunes se dirigent vers la vente en ayant une représentation mentale axée sur le véhicule, ils découvrent alors les autres composantes et aussi les critères de rentabilité, les contraintes que cela implique en termes de gestion et de logistique, comme une complexité qu’ils n’appréhendaient pas forcément. En réalité, un domaine d’expertise et de technicité qui sont envisagées comme des perspectives d’évolution au niveau des diplômes. Un bac pro 3 ans en vente que l’on prolonge par un BTS négociation-relations clientèle constitue une incitation forte ! Et n’oublions pas la vraie rencontre que cela induit et qu’ont bien comprise les entreprises : des présences en entreprise plus importantes sont un bon moyen de repérage des compétences et du potentiel des jeunes. Ils contribuent mieux à l’acquisition des compétences.
Et le GARAC dispense aussi une formation “CAP vente magasinage” ?
Cette formation - bien mal nommée -, qui existait antérieurement au GARAC, part d’un niveau V. Mais elle manque de visibilité en termes d’évolution, hormis via un certificat de qualification de la branche. Ce sujet est d’ailleurs à l’étude au niveau de la branche professionnelle, afin de donner une ouverture et une perspective d’évolution, que les jeunes ne ressentent pas forcément. Le CAP vente magasinage n’est pas suffisant aux yeux des professionnels, car un conseiller commercial, c’est aussi un gestionnaire ! Autant au niveau Bac pro vente et du BTS, les voies sont clairement dessinées, autant au niveau inférieur, on a du mal à relier le CAP à un Bac.
Le CAP a-t-il encore sa place dans les cursus de formation aujourd’hui ?
Les jeunes qui viennent dans un CAP sont souvent tellement fragilisés qu’ils ont du mal à construire une vraie perspective en termes d’acquisition de compétences supplémentaires. Théoriquement, les cursus de formation prévoient que les jeunes puissent aller d’un CAP en deux ans, vers un Bac pro en 2 ou 3 ans. Mais, en réalité, nous comptons très peu de jeunes capables de suivre cette filière-là, notamment au niveau des prérequis et de la culture générale. Nous pensons que les CAP, qui occupent 17 % des effectifs au GARAC actuellement, ne représenteront que 7 % dans trois ans.
Et, parallèlement, votre déploiement à l’international se poursuit-il dans de bonnes conditions ?
Nous y sommes toujours attachés, en Chine par exemple. A cause ou grâce à la mobilité, il apparaît important que les jeunes partent à l’étranger, rencontrent d’autres jeunes et comprennent le travail dans des entreprises étrangères. Nous collaborons avec la République Tchèque, nous envisageons des échanges avec la Norvège et puis nous avons aussi notre formation d’ingénieurs qui comprend des stages à l’étranger. Cela s’avère d’autant plus important qu’offrir une vision élargie, donner l’idée aux jeunes, que par rapport à notre marché national qui est mature, il existe sans doute des activités qu’ils lanceront et qui donneront aux entreprises françaises l’occasion de développer des valeurs ajoutées ou de capter de nouvelles activités en s’appuyant sur une demande économique à l’international. Sans être les seuls, nous avons quand même, globalement, un savoir-faire à transmettre et à exploiter, notamment dans les domaines de la distribution. Dans les pays émergents, il y a cette culture de la distribution à créer et donner aux jeunes cette idée qu’ils peuvent être moteur demain en ce domaine ou pour des constructeurs ou des distributeurs, qu’ils peuvent être partenaires, c’est aussi ce qu’on a voulu dire avec le Campus de l’Automobile. Un lieu où les branches professionnelles viennent, organisent des réunions, des conférences, des échanges et participent à une dynamique dans une vision évolutive des marchés et des lieux où ils se développeront.
Propos recueillis par Hervé Daigueperce le 12 juin 2012