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Laurent Frelat, Xerfi Specific : "Le baromètre de la Feda révèle des dynamiques clés pour l'avenir du marché"

Publié le 22 juin 2025
Par Tristan Baez
5 min de lecture
Depuis 2017, la Feda s'appuie sur un baromètre conjoncturel, désormais mensuel, réalisé en partenariat avec le cabinet Xerfi. Laurent Frelat, directeur général de Xerfi Specific, revient sur l'évolution et les enseignements de cet instrument de suivi désormais incontournable pour les professionnels de l'après-vente.
"Le marché de la rechange fait preuve d'une remarquable résilience", d'après Laurent Frelat, directeur général de Xerfi Specific. ©J2R
"Le marché de la rechange fait preuve d'une remarquable résilience", d'après Laurent Frelat, directeur général de Xerfi Specific. ©J2R

Le Journal de la Rechange et de la Réparation : Quelle a été la genèse de ce baromètre ?

Laurent Frelat : La Feda souhaitait disposer d'un outil de suivi économique régulier. La première note véritablement consolidée, sous la forme que nous connaissons aujourd'hui, remonte au troisième trimestre 2018. Elle retraçait l'évolution de l'activité depuis le début de l'année. Le choix d'un rythme trimestriel correspondait à un compromis : il permettait une vision assez fine de la conjoncture tout en ménageant le temps nécessaire à la collecte des données. Depuis janvier 2025, le baromètre est passé à une cadence mensuelle, dans une logique de réactivité accrue.

J2R : Pourquoi ce besoin d'un outil de suivi spécifique pour la rechange et la réparation ?

L. F. : C'est une démarche que l'on retrouve dans toutes les fédérations professionnelles. Il est indispensable de disposer d'indicateurs objectifs pour défendre les intérêts d'un secteur, notamment face aux pouvoirs publics ou aux institutions. Mais au-delà de cette dimension institutionnelle, le baromètre est également un outil conçu pour les adhérents eux-mêmes. Ceux-ci en sont à la fois les contributeurs, puisqu'ils transmettent leurs données, et les premiers bénéficiaires. Ils peuvent se comparer au marché national, identifier les postes où ils performent ou sous-performent, et ajuster si besoin leur gestion ou leurs priorités. En somme, le baromètre sert autant à objectiver les tendances générales du secteur qu'à permettre un retour d'information opérationnel pour les acteurs de terrain.

J2R : Quels sont les indicateurs analysés dans ce baromètre ?

L. F. : Nous avons fait le choix d'un cadrage assez sobre, pour assurer la régularité et la fiabilité des données remontées. Le baromètre distingue les activités liées aux véhicules légers (VL) de celles consacrées aux poids lourds (PL), avec une segmentation en grandes familles de produits ou de prestations. Pour les VL, nous suivons quatre grands postes : les pièces de mécanique, la peinture carrosserie, l'équipement et l'outillage, ainsi que les prestations atelier. Du côté du PL, nous avons retenu trois catégories : les pièces détachées, les prestations atelier et l'équipement/outillage. Cette épure permet de garantir une comparabilité constante et une vision claire de l'évolution des marchés, en évitant l'écueil d'une segmentation qui ne serait pas commune à tous les acteurs.

J2R : Pour les distributeurs, ce suivi mensuel fait-il encore plus sens ?

L. F. : La mensualisation du baromètre répond à une attente croissante des professionnels en matière de pilotage à court terme. Elle permet un suivi plus régulier de l'activité, avec un décalage de publication réduit à quelques semaines seulement. Cela leur offre un miroir fiable pour évaluer leur propre dynamique.

J2R : Comment avez-vous fait évoluer la méthodologie au fil des années ?

L. F. : Nous avons progressivement renforcé la robustesse du dispositif. Aujourd'hui, le baromètre s'appuie sur les données fournies par environ 115 entreprises pour les véhicules légers, et une cinquantaine pour les poids lourds. Mais surtout, la représentativité économique est exceptionnelle : nous couvrons près de 85 % du chiffre d'affaires réalisé par les professionnels. Peu de fédérations peuvent s'appuyer sur un tel périmètre pour un outil de suivi conjoncturel. Ce haut niveau de représentativité permet d'offrir une photographie très fidèle de l'état du marché.

J2R : Quelles grandes tendances ce baromètre met-il en évidence ?

L. F. : La première chose à dire, c'est que le marché de la rechange fait preuve d'une remarquable résilience. C'est un terme trop souvent employé de façon abusive, mais qui est ici tout à fait approprié. Malgré les crises économiques, sanitaires ou inflationnistes, le secteur est resté dynamique. Pour preuve, sur la distribution VL, le baromètre atteste d'une croissance proche de 30 % en sept ans, soit dix points de plus que l'inflation. Cette dynamique de moyen terme de plus de 4 % par an en moyenne s'explique en grande partie par le vieillissement du parc roulant, qui soutient mécaniquement l'activité de maintenance et donc celle de la distribution indépendante. Ce constat vaut aussi bien pour les pièces que pour les prestations. L'augmentation du coût des véhicules neufs, le développement du marché de l'occasion et les nouveaux canaux de distribution afférents, mais aussi l'assouplissement des réglementations relatives aux pièces captives, contribuent à cette dynamique. Nous observons une certaine stabilité dans les grandes tendances. Les hausses ou baisses restent contenues, sans à-coups majeurs si l'on fait abstraction du coup d'arrêt de la crise Covid et du rattrapage qui s'en est suivi.

La situation de la distribution PL est en revanche plus tendue avec à peine plus de 10 % de croissance sur les mêmes sept ans, ce qui traduit une contraction du marché en volume. D'une part, les obligations réglementaires en matière de sécurité et d'émissions poussent les entreprises à adopter des technologies récentes. D'autre part, la concurrence s'intensifie avec des concessionnaires et des SAV fabricants particulièrement actifs.

J2R : Sur la période récente, que nous dit le baromètre de la conjoncture ?

L. F. : La situation internationale – particulièrement anxiogène, de la succession des conflits armés à l'imprévisibilité de la politique étrangère de Donald Trump, les incertitudes fiscales en France et le retournement du marché du travail – impactent directement la propension à consommer et favorisent la préférence pour une épargne de précaution. Ce contexte défavorable limite l'activité des réparateurs auto et, par conséquent, celle des distributeurs de PDA. D'après notre baromètre, les activités VL + PL confondues ne progressent que de +1,4 % en janvier et se contractent de 2,9 % en février. La contreperformance de février mérite cependant d'être nuancée, compte tenu d'un effet calendaire négatif de l'ordre de 5 %. À noter concernant les VL : l'activité relevant de l'univers mécanique, qui constitue 60 % du chiffre d'affaires des distributeurs, résiste nettement mieux que celle relative à la peinture carrosserie ou à l'équipement/outillage.

J2R : Les grandes mutations du secteur – électrification, digitalisation, etc. – ont-elles déjà un impact mesurable ?

L. F. : Les mutations récentes du secteur n'ont pas encore d'impact de façon manifeste. L'électrification, par exemple, ne pèse pas encore suffisamment dans le parc pour bouleverser les équilibres du marché. Il y a probablement des mouvements internes – des substitutions entre types de pièces ou de prestations – mais cela ne transparaît pas encore dans les données agrégées. Même constat sur la digitalisation ou la montée en puissance des réparateurs-constructeurs. Ce sont des phénomènes réels mais leur impact structurel sur le volume d'activité globale reste, à ce jour, marginal. Le baromètre ne mesure pas de basculement significatif.

J2R : Ce baromètre peut-il aussi guider des décisions stratégiques ?

L. F. : Il faut bien distinguer le pilotage opérationnel et la planification stratégique. Le baromètre est un outil de court terme. Il permet de suivre des tendances, d'identifier un ralentissement ou un rebond, mais il ne remplace en aucun cas une étude stratégique. Il n'a pas vocation à orienter des investissements de long terme ou à redessiner des modèles économiques.

J2R : À quoi pourrait ressembler le baromètre de demain ?

L. F. : Je pense qu'il est important de préserver la simplicité du dispositif. Moins on multiplie les indicateurs, plus on garantit une participation élevée et une qualité de données optimale. Cela dit, des pistes d'évolution existent. On pourrait imaginer une déclinaison régionale, à condition d'avoir des volumes de données suffisants. Autre perspective : le croisement avec une étude annuelle plus approfondie. Beaucoup de fédérations associent une étude structurelle annuelle à leur baromètre conjoncturel. Elle pourrait venir compléter notre approche, en apportant une photographie plus détaillée du secteur : profil des entreprises, ressources logistiques et équipements des ateliers, ressources humaines, typologies de clientèle, importance de familles de produits et de prestations détaillées, sources d'approvisionnement… Le baromètre apporte une lecture rapide et régulière de l'activité, et un panorama annuel viendrait enrichir la compréhension globale du secteur. Ces deux approches sont complémentaires, et leur articulation permettrait à la Feda d'offrir un pilotage à 360° à ses adhérents.

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Bio express

Directeur général de Xerfi Specific, Laurent Frelat est titulaire d'un master en études et analyses marketing de l’université Paris Dauphine. Après un parcours initial en mathématiques appliquées et en économétrie, il rejoint dès 2000 l’Institut I+C, devenu Xerfi I+C. Il y gravit les échelons en tant que directeur d’études, puis directeur du développement et enfin directeur général. Depuis 2020, il dirige Xerfi Spécific, entité née de la fusion de Xerfi I+C et Xerfi MCI. Il est également membre du comité exécutif du groupe Xerfi depuis 2019.

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