Freinages "fantômes" : Digital Car dénonce les carences de calibrage des Adas

De nombreux professionnels de l’après-vente automobile établissent un lien direct entre freinages intempestifs ou "fantômes" et défauts de calibrage des capteurs de systèmes d'aide à la conduite (Adas). Selon eux, les véhicules sortis d’usine ne sont pas en cause. Les difficultés apparaissent plutôt lors des interventions en atelier.
Digital Car fait partie des spécialistes mobilisés sur le sujet. Grâce à ses 50 unités mobiles, l’entreprise propose de calibrer les systèmes directement dans les ateliers de réparation, presque partout en France.
"Il existe une grosse problématique sur le calibrage des Adas en France, affirme Jean-Christophe Canavesio, dirigeant de l'entreprise. Alors, bien sûr, il s'agit de mon business, mais objectivement je constate que ce sujet n'est pas pris au sérieux par une grande partie de la profession".
Une négligence qu’il juge d’autant plus grave qu’elle a des répercussions directes sur la sécurité routière, alors que le nombre de véhicules équipés de ces technologies ne cesse d’augmenter. La réglementation européenne GSR2 (de 2018) les impose sur tous les véhicules neufs depuis juillet 2024. Tandis que de nombreux modèles haut de gamme en sont équipés depuis plus longtemps.
Opérations de géométrie, pare-brise et pare-chocs en cause
Par ailleurs, certains des 250 dysfonctionnements soupçonnés autour des freinages intempestifs pourraient provenir de capteurs mal équilibrés. Ceux-ci enverraient des informations erronées (véhicule arrivant faussement de face, etc.) à l'ordinateur de bord, provoquant ainsi un freinage d’urgence.
"Dans mon équipe, j'ai un salarié qui a participé à la mise au point des Adas chez un constructeur, explique le spécialiste. Il témoigne qu'avant d'être validées, pour être installées sur les voitures, les aides à la conduite ont subi des millions de tests". Les voitures neuves ne seraient donc pas en cause.
En revanche, dans les ateliers des réseaux constructeurs et chez les indépendants, les manquements seraient fréquents. Or, caméras, radars et lidars fixés sur les pare-brise et pare-chocs doivent être systématiquement calibrés après un remplacement, un démontage ou une opération de géométrie. Ces réglages sont parfois oubliés, ou effectués de manière approximative, faute d’équipements adaptés et de formation suffisante. L’investissement reste lourd pour de nombreux réparateurs.
"Dans le domaine du bris de glace, globalement, les principaux acteurs sont sensibilisés", constate Christophe Canavesio. Il estime néanmoins que jusqu'à trois calibrages sur dix ne seraient pas effectués dans les ateliers. Si les leaders du marché s’avèrent globalement irréprochables, certains ateliers manquent de rigueur. Plus grave encore, plusieurs professionnels n’hésiteraient pas à facturer l’opération sans l’avoir réalisée.
Information et pédagogie encore nécessaires
Côté carrossiers, la situation serait pire. "Les assureurs ont mis la pression sur les réparateurs au sujet du calibrage des Adas. Mais ils ne vérifient pas s'ils sont réalisés et ne réclament pas de rapport sur cette opération", constate-t-il. Pourtant, aujourd'hui, une grande partie des outils de calibrage éditent ce type de document.
Le problème vient de la méconnaissance et du manque de sensibilisation des réparateurs sur le sujet. Cela, malgré les efforts de pédagogie des centres comme le Cesvi, les réseaux de réparation, les syndicats professionnels, des fabricants et distributeurs d'outils, ainsi que de la presse spécialisée, depuis des années… Certains réparateurs sous-estiment la problématique ou pensent ne pas être concernés. "Nous faisons de la pédagogie auprès d'eux, mais le message ne passe pas toujours tout de suite", explique le dirigeant.
Jean-Christophe Canavesio pense aussi que les pratiques varient d'une région à l'autre. Par exemple, les carrossiers du sud-ouest de la France seraient de meilleurs élèves qu'ailleurs. Tandis que certains concessionnaires – aussi bien de marques françaises qu'étrangères – agréés par les assurances, feraient parfois l'impasse sur le calibrage. Cependant, la situation serait encore pire dans les centres autos. Beaucoup feraient l'impasse sur le calibrage après les opérations de géométrie qu'ils réalisent quotidiennement…
Ce nouveau témoignage d'un professionnel souligne l'importance que revêt l'enquête du ministère sur les freinages intempestifs et la nécessité qu'elle ne se limite pas aux seuls témoignages de constructeurs et équipementiers.
Des spécialistes de terrain, comme certains réparateurs engagés, des experts automobiles, le technocentre du Cesvi (spécialiste du sujet depuis des années), des fournisseurs et distributeurs d'outils apporteraient également un éclairage constructif sur la réalité des pratiques de calibrage.