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Assurances

Haro sur le CO2 de la réparation collision

Publié le 28 novembre 2024
Par Nicolas Girault
4 min de lecture
Assureurs, cabinets d'expertise et acteurs de l'après-vente devront publier l'impact environnemental de leurs activités dès 2025, a rappelé l'association SRA lors de sa journée technique. La directive européenne CSRD les y oblige, et affecte également les carrossiers.
SRA journée technique CSRD
De gauche à droite, les assureurs Bruno Lepoivre (Pacifica), Christophe Apolant (Groupama), Laurent Hecquet (animateur de la journée technique SRA), David Thévenot (Covéa) et Benjamin Vossey (Macif) exposent leurs contraintes et bonnes pratiques durables dans le domaine de la réparation auto. ©J2R/NG

La filière de la carrosserie se prépare à un virage écologique majeur : dès 2025, une partie de ses acteurs devra mesurer et publier l'impact environnemental de leurs activités. Lors de sa journée technique, organisée le 11 octobre 2024, SRA a mis en lumière les enjeux de cette transformation réglementaire, qui s'étend déjà aux carrossiers et à leurs partenaires. L'association a invité notamment des assureurs, experts automobiles, carrossiers et recycleurs à intervenir sur le thème : "Impact carbone des sinistres : mesurer pour réduire".

Obligation de transparence

Autour de trois tables rondes, les différentes parties prenantes ont pu présenter leurs initiatives et points de vue dans ce domaine. Pour l'instant, les réparateurs ne sont pas directement visés par la CSRD (Corporate sustainability reporting directive), concernant la publication d'informations sur la durabilité des entreprises. Mais leurs donneurs d'ordres et certains fournisseurs – notamment les fabricants de peinture – devront s'y soumettre à partir de 2025 (lire ici le détail du fonctionnement de cette réglementation). Ceux-ci sont donc mécaniquement contraints de guider les carrossiers vers l'écoresponsabilité.

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"La CSRD impose aux entreprises de justifier qu'elles ne nuisent pas à l'environnement, en les contraignant à être plus transparentes sur leur impact", précise François ­Garreau, président de la commission développement durable de France Assureur. Cette obligation s'ajoute à un contexte compliqué pour le monde de l'assurance déjà confronté au défi de "l'inassurabilité" de certains risques liés aux événements climatiques. Un "contresens pour notre métier", estime François Goureau. D'après lui, les primes d'assurance devraient tripler en moyenne dans les prochaines décennies.

Empreinte carbone du sinistre moyen

Pour aider les carrossiers à s'adapter à ce nouvel environnement, les groupes Covéa et Pacifica ont chacun publié un livre blanc. Le premier définit les bonnes pratiques économiques et environnementales dans les ateliers. L'ouvrage préconise de favoriser la réparation plutôt que le remplacement alors que "le taux de réparation a baissé de 2 % en deux ans dans les carrosseries", déplore David ­Thévenot, responsable du pôle auto de Covéa. Le livre blanc promeut aussi le recours aux pièces de réemploi (PRE) pour accélérer le mouvement de la réparation durable.

La CSRD impose aux entreprises de justifier qu'elles ne nuisent pas à l'environnementFrançois ­Garreau, président de la commission développement durable de France Assureur

De son côté, Pacifica s'est penché dans son étude sur l'empreinte carbone d'un sinistre moyen. Globalement, l'assistance émet 10 kg de CO2, la remise en état 40 kg et la peinture 39 kg. Tandis que le prêt d'un véhicule de remplacement représente 54 kg ! Mais d'un atelier à l'autre, ce bilan peut être plus ou moins favorable. "La réparation représente un rapport de un à cinq, selon les choix technique et de réparation", confirme Bruno Lepoivre, directeur des engagements sociétaux de Pacifica.

Préserver la rentabilité des carrosseries durables

Invitée par SRA, Catherine Morhet, codirigeante du garage Morhet, a tenu à rappeler la réalité économique du terrain. "Nous devons à la fois être rapides et réduire nos émissions de CO2 tout en restant rentables. Ces contraintes nécessitent des moyens souvent sous-estimés par beaucoup", résume-t-elle. La carrossière prend en exemple la réparation d'une porte de Twingo : "Si on la répare, on est moins cher que si on la remplace, mais cela prend un jour de plus… Et si on choisit une PRE, il faut compter deux à trois jours supplémentaires." Ces immobilisations réduisent sa productivité de 5,3 à 3 véhicules réparés par technicien et par semaine. Pour rester à la fois rentable et vertueux, Catherine Morhet soutient qu'il faut "sans cesse arbitrer au cas par cas".

Les émissions de CO2 représentent un rapport d'un à cinq dans la réparation dans la réparationBruno Lepoivre, directeur des engagements sociétaux de Pacifica

Raison pour laquelle David Thévenot préconise que "pour que le chantier soit rentable pour le réparateur, il faut sortir de la logique technico-financière". Il ajoute : "La formule écologico-économique permet de gagner de l'argent en étant plus écologique". Mais pour redistribuer cette valeur, les assurances doivent s'entendre entre elles et avec leurs partenaires, affirme François Goureau. Leur concurrence porterait alors davantage sur leur réseau de réparateurs. Mais "les pouvoirs publics doivent nous protéger d'une éventuelle action pour entente déloyale".

PRE : le cap des 20 % en ligne de mire

Bruno Pourret, responsable FLI et réseaux EMEA d'AkzoNobel, cite, parmi les initiatives qui vont dans le bon sens, l'exemple de LV General Insurance Group (filiale d'Allianz) au Royaume-Uni. "Cette assurance développe un programme de récompense des réparateurs. Ceux qui respectent une liste de critères environnementaux reçoivent environ 20 livres par dossier." Quant au groupe AkzoNobel, il a déployé son outil Carbon Pulse qui aide les carrossiers à réduire de manière significative leur empreinte carbone – démarche aussi suivie par les autres grands fabricants.

Développement durable carrosserie Parmi les intervenants de la journée technique de SRA, AkzoNobel a présenté les différents leviers existants pour que les carrossiers s'orientent vers l'écoresponsabilité, depuis l'organisation jusqu'aux procédés de réparation. AkzoNobel

Parmi les intervenants de la journée technique de SRA, AkzoNobel a présenté les différents leviers existants pour que les carrossiers s'orientent vers l'écoresponsabilité, depuis l'organisation jusqu'aux procédés de réparation. ©AkzoNobel

Le recours à la PRE fait partie des autres leviers pour atténuer l'impact environnemental de la réparation. Son taux d'emploi de 4,9 % en France pourrait toucher le plafond de verre de 20 % atteint par d'autres pays… voire le dépasser, si tout le monde joue le jeu. "Nous avons besoin d'obtenir les références des constructeurs, que les assureurs nous informent des éléments les plus recherchés, que les experts nous disent que telle carrosserie a besoin de telle pièce", réclame Johan Renaud, directeur de GPA, spécialiste du recyclage automobile.

En attendant, l'entreprise drômoise souhaite faire prendre conscience des atouts de la pièce issue de l'économie circulaire et a adopté, dans ce sens, l'Eco Repair Score. Ce baromètre permet de mesurer l'impact environnemental de la réparation d'un véhicule en un seul score. "Le bénéfice des PRE ne concerne pas seulement le pouvoir d'achat mais aussi l'environnement", étaye Johan Renaud.

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Une chose semble sûre : tous les acteurs de la filière paraissent aujourd'hui conscients des enjeux et leviers pour réduire l'impact environnemental de la réparation automobile. L'innovation et la formation des professionnels jouent un rôle clé pour rendre le secteur plus durable. Cette transformation implique aussi une synergie étroite entre assureurs, experts, réparateurs, constructeurs et recycleurs. Mais pas évidente à nouer équitablement. Tous devront pourtant s'adapter à des évolutions réglementaires toujours plus sévères.

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