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Assurances

La "mafia du pare-brise" : des dérives sous haute surveillance

Publié le 26 novembre 2024
Par Tristan Baez
3 min de lecture
Les réparateurs de vitrages automobiles sont dans l’œil du cyclone ! Dans une récente enquête, Le Parisien dénonce une "mafia des pare-brise" à l’origine de pratiques abusives et de surfacturations à grande échelle. Du côté des ateliers, on craint l’amalgame…
vitrage pare-brise mafia
En renforçant l’usage d’outils de chiffrage standardisés et en encourageant des partenariats équitables, la filière du vitrage automobile pourrait retrouver un fonctionnement plus transparent et durable, au bénéfice des réparateurs et des assurés. ©AdobeStock

"Lots toujours plus gros, démarchage téléphonique trompeur, contrefaçons, surfacturation ou mêmes actes fictifs…" Pour nos confrères du Parisien, le secteur du vitrage automobile serait confronté à des dérives croissantes, pointées du doigt dans une enquête publiée ce lundi 25 novembre 2024, et intitulée "La mafia des pare-brise"...

En échange du remplacement d’un pare-brise, certains réparateurs non agréés promettent des cadeaux alléchants, allant bien au-delà des gestes commerciaux habituels, s'étonnent nos confrères. Consoles de jeux, spas, minimotos ou encore espèces sonnantes et trébuchantes sont offerts pour attirer des clients. Ces pratiques s’accompagnent souvent de surfacturations importantes. Selon les assureurs interrogés, les devis sont gonflés d’environ 50 %, avec des marges pouvant atteindre 65 %.

Certaines fraudes vont encore plus loin, en simulant des remplacements de pare-brise fictifs pour maximiser les profits. Des escroqueries téléphoniques, parfois orchestrées depuis l’étranger, manipulent les assurés en leur faisant croire que leur vitrage est défectueux afin de justifier une nouvelle intervention.

L'Alfa se penche sur le bris de glace

Or, souligne Le Parisien, ces dérives pèsent lourd sur les budgets des assureurs. En 2023, la charge des garanties bris de glace a atteint 1,73 milliard d’euros, en hausse de 10 % par rapport à l’année précédente.

Pour Florence Lustman, présidente de France Assureurs, ces pratiques sont non seulement illégales mais aussi injustes : "Une indemnité d’assurance doit remettre l’assuré dans la même situation qu’avant le dommage, sans gain supplémentaire." Face à ces pratiques frauduleuses, le quotidien indique que l’Agence de lutte contre la fraude en assurance (Alfa) a réuni 18 compagnies pour enquêter et proposer des solutions.

Rappelons, par ailleurs, que plusieurs députés avaient déposé l’an dernier une proposition de loi contre la surfacturation dans la réparation automobile. "Nous appelons à encadrer par la loi des dérives qui deviennent insupportables pour les Français car ils en paient tous les conséquences !", s’insurge Florence Lustman sur LinkedIn.

Vers une régulation équilibrée

Si ces dérives sont réelles, de nombreux professionnels du bris de glace ont réagi sur les réseaux sociaux à cet article en rappelant qu’elles restent isolées. "Merci de ne pas faire l’amalgame entre tous les réparateurs", insiste Samuel Brigantino, fondateur de l’enseigne Glass Express, sur LinkedIn. Même son de cloche du côté de Vincent Malfoy, cofondateur d’Ewiglass : "Il faut juste faire la part des choses et ne pas mettre tout le monde dans le même panier."

De son côté, l'association SRA rappelle que les coûts de réparation des sinistres automobiles de collision et de bris de glace ont explosé ces dernières années, principalement en raison des fortes augmentations des tarifs des pièces, de la généralisation de technologies coûteuses, ainsi que des crises énergétiques et de recrutement.

D’autres voix s’élèvent également pour dénoncer les pressions des assureurs sur les réparateurs à travers leurs conditions d’agrément. Ainsi, Lucie Marie, cofondatrice des réseaux ZeCarrossery et ZeParebrise, estime que l’organisation des agréments par les assureurs a, paradoxalement, accentué ces dérives, en favorisant une concurrence parfois déloyale et en marginalisant les professionnels indépendants.

"Nous dénonçons également ces pratiques qui dégradent l’image et la qualité du travail des carrossiers. Il est regrettable que des outils comme les logiciels de chiffrage, pourtant conçus pour garantir des tarifs justes et des temps de remplacement réalistes, soient sous-utilisés ou contournés. Ces logiciels permettent d’éviter les prix abusifs et les surfacturations. Alors, pourquoi les assureurs ne mettent-ils pas en place un système de paiement des factures basé sur des chiffrages standards issus de ces outils ?", s’interroge la dirigeante.

Tout aussi critique à l’égard des assureurs, Samuel Brigantino juge que ces derniers "cherchent à faire travailler les gens au rabais" et que leur "objectif est que tout le monde redevienne agréé pour pratiquer des taux de main-d’œuvre à 32 euros HT/heure".

"Ce n'est pas nouveau que les assurances cherchent à faire travailler les gens au rabais. Ne serait-ce pas là le problème de tous les réparateurs indépendants qui refusent désormais de travailler dans ces conditions ? Lorsqu’un marché est bloqué de cette manière depuis des années, le risque est que les gens finissent par chercher d'autres moyens", ajoute-t-il.

A lire aussi : Bataille en vue sur le vitrage

Si les abus dans le vitrage automobile nuisent à l’ensemble de la filière, professionnels et assureurs s’accordent donc sur la nécessité de trouver des solutions pour rétablir une concurrence saine. Ce qui passe par une régulation plus équilibrée, qui encadre non seulement les pratiques commerciales frauduleuses, mais aussi les conditions imposées par les assureurs.

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