S'abonner
Carrosserie

Réparation de pare-brise : la FFC dénonce les dérives des assureurs

Publié le 9 décembre 2025
Par Nicolas Girault
4 min de lecture
Alors que les assureurs remettent régulièrement en cause l'honnêteté des réparateurs de vitrage indépendants, la FFC contre-attaque. Le syndicat professionnel alerte le ministre de l'Économie et les parlementaires sur les dérives de certains assureurs. Objectif : faire appliquer le libre choix des automobilistes et préserver l'équilibre économique de la réparation.
Pare-Brise réparation
En tirant les prix vers le bas et en anéantissant les marges, les assureurs handicaperait l'investissement des réparateurs non agréés dans les équipements et la formation, pour réparer un élément de sécurité essentiel sur les véhicules. ©J2R/NG

La Fédération française de carrosserie Mobilité Réparation et Service (FFC M) a fait demander au ministre de l'Économie si le gouvernement souhaite engager une concertation entre tous les acteurs de la réparation automobile, notamment concernant le remplacement de pare-brise. Cette question écrite déposée par Jean-Pierre Bataille, député du Nord (du groupe Liot) a été publiée au Journal officiel le 11 novembre 2025.

Son objectif déclaré est "d'encadrer les pratiques commerciales et contractuelles du secteur et d'assurer un fonctionnement transparent, équilibré et durable du marché de la réparation automobile". Cela, alors que les réparateurs affirment subir des dérives sur le terrain. Celles-ci menacent les principes de concurrence, d'indépendance de l'expertise et de protection des consommateurs.

Parallèlement, un autre courrier a aussi été adressé à un sénateur. Celui-ci attire son attention sur "le développement de pratiques déloyales de nombreux assureurs qui ont mis en place des systèmes de contournement de la loi au préjudice de l’ensemble du secteur de la réparation automobile et des assurés". Cette non application de la loi Hamon sur le libre choix du réparateur entraînerait des impacts négatifs sur les droits des consommateurs, les entreprises de réparation, mais également sur les finances publiques (en réduisant le montant de la TVA).

Les marges des réparateurs dans la ligne de mire

Ces démarches de la FFC sont inédites dans le conflit opposant assureurs et réparateurs de vitrage indépendants. Alors que d'importants assureurs – soutenus par leur syndicat – mettent régulièrement en cause l'honnêteté des réparateurs indépendants via des campagnes de presse. Ils s'appuient notamment sur des abus avérés de quelques-uns pour jeter l'opprobre sur l'ensemble des non-agréés. Ils les accusent notamment de financer des cadeaux commerciaux aux automobilistes, avec les indemnisations des assurances.

En retour, les réparateurs accusent les assureurs de chercher à abaisser au maximum les coûts de réparation en alimentant l'affaire de "la mafia du parebrise". Cela, dans un contexte où ceux-ci ont fortement augmenté en peu de temps. Ils viseraient ainsi à s'emparer de la marge des réparateurs, aux profits de leurs actionnaires. De leur côté, les indépendants se justifient en indiquant reverser une partie de cette même marge à leurs clients, via des remboursements de franchise et des cadeaux promotionnels.

"Les assureurs considèrent que le tarif des remises concédées par leurs agréés, avec des ristournes de 25 à 30 %, sont la norme des prix, remarque Christophe Bazin, secrétaire général de la FFC M. Alors que tous les réparateurs travaillent au tarif constructeur, qui a augmenté de 20 à 30 % en quelques années, comme l'a observé l'observatoire des assurances SRA".

Enregistrement de multiples abus

Ce dernier relie cette inflation des coûts de réparation aux évolutions technologiques, à la conception et au design, ainsi qu'à la composition du parc roulant. La généralisation des Adas et le nombre croissant de SUV, plus coûteux à réparer, pèsent ainsi sur les factures de vitrage. Autant d'explications que les assureurs éludent, préférant reporter la responsabilité de cette inflation sur les non-agréés pour les discréditer et rabattre les assurés dans leurs réseaux.

Problème : à ce jeu, certains assureurs sortiraient plus ou moins du cadre de la loi. Sur le terrain, les réseaux non agréés les abus croissants tout au long du parcours de la gestion de sinistre de vitrage auto. Leurs ERP (logiciels de gestion) enregistrent des comportements abusifs.

Parmi de nombreux exemples, "un même expert, missionné le même jour par trois assureurs différents sur un même site de réparation, a rendu trois taux de main-d’œuvre différents, avec un écart-type de 50 euros", raconte Christophe Bazin. Un cas précis qui illustrerait la dépendance (illégale) de cabinets d'expertise automobile, tentant d'imposer des prix dictés par les assureurs. Beaucoup émettraient ainsi des "avis d'expert" plutôt que des "rapports d'expertise", tenus d'être impartiaux.

Il s'agit de l'un des biais par lesquels les assureurs abusifs parviennent à imposer leurs tarifs, au mépris du droit du commerce. Par ailleurs, "une intervention payée 80 euros il y a quatre ans est parfois indemnisée 59 euros, alors que SRA observe un coût moyen situé autour de 96 euros. Il s'agit donc d'une déflation organisée", précise le secrétaire général.

Des factures jamais réglées

Un moyen d'imposer la baisse des prix passe par certaines closes dans les contrats d'assurance, fixant des plafonds, si l'assuré se rend chez un non agréé. "Il s'agit alors d'une franchise discriminatoire, affirme Christophe Bazin. La FFC a d’ailleurs assigné en justice la Matmut en 2024 à ce sujet. Le procès est attendu en 2026".

Enfin, un autre moyen de pression des assurances sur les réparateurs est l'étirement des délais de remboursements. "Ils s'étendent régulièrement sur plusieurs mois. Cela alors que, comme toutes les entreprises, les réparateurs doivent régler mensuellement les salaires, leurs fournisseurs et les impôts. À cause de cette pratique, certains ont fait faillite, rappelle Christophe Bazin. Un réseau de réparation pourtant structuré m'a même rapporté que certaines factures qui avaient traîné plus de deux ans n'avaient jamais été réglées".

À la FFC, on est intarissable sur ces exemples de contournement de la loi Hamon. C'est la raison pour laquelle la Fédération veut la faire renforcer. En son état actuelle, "elle laisse aux assureurs des marges d’interprétation permettant de contourner le libre choix du réparateur. Il devient nécessaire d’y ajouter un texte interdisant toute clause contractuelle portant atteinte à ce libre choix". D'où les démarches lancées par le syndicat auprès des responsables politiques.

Le syndicat veut préserver un équilibre entre les différents modèles économiques – agréés ou non agréés. En défendant le libre choix du réparateur, la FFC veut éviter l'uberisation de la réparation et ses dérives dans les domaines de la qualité et de la sécurité, au détriment des automobilistes. Par ailleurs, elle craint que la généralisation de ces dérives puisse aussi s'étendre plus largement à tout le marché de la carrosserie… La balle est maintenant entre les mains des décideurs politiques.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

cross-circle