Robot de peinture : la révolution est en marche

Un an après son arrivée en Europe, dans la carrosserie Rabatel de Saint-Marcellin (38), le premier robot d'application de peinture PaintGo-90E suscite l'intérêt croissant des réparateurs. Cet automate chinois, conçu par Wuhan Onew Technology, marque un véritable tournant technologique en réparation.
Doté d'intelligence artificielle et de connectivité, il a atteint une maturité technique confirmée par les carrossiers chinois, qui utilisent déjà cette neuvième génération depuis plusieurs années. Le jury des Grands Prix d'Equip Auto ne s'y est d'ailleurs pas trompé en récompensant sa version adoptée par Ixell.
De nouveaux robots de peinture en approche
En France, ses premiers utilisateurs se montrent aussi enthousiastes. "Avec six mois de recul, on mesure les gains de qualité grâce au robot, témoigne Sébastien Gabriel, cogérant de la carrosserie Hervé. On a beaucoup moins besoin de poncer et de lustrer après sa phase de pistolage. Il réduit le gaspillage de produits et permet d'éviter les mouvements répétitifs, ainsi que les inhalations de vapeurs de peinture et de vernis." Le dirigeant précise toutefois que son usage exige l'expertise d'un peintre confirmé. Ses équipes l'ont ainsi adopté sans réserve.
Le succès commercial du PaintGo-90E, plus rapide que prévu, surprend même ses importateurs. Face à cet intérêt grandissant, plusieurs fabricants lorgnent le marché français, dont le chinois BZB – l'un des plus grands fabricants mondiaux de cabines de peinture – commercialisant son CurveRobot.
Nous sommes passés de quatre à deux passes pour peindre certains éléments Sébastien Gabriel, cogérant de la carrosserie Hervé
Pour l'heure, Onew garde une longueur d'avance, avec huit robots PaintGo installés en France (chez des carrossiers, au Technocentre Renault ou au centre de formation du distributeur Antonin), et onze livraisons supplémentaires à venir. Et il a déjà été adopté à travers l'Europe (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Suisse, Portugal, Suède, Italie, Grèce, Turquie, Roumanie et Norvège).
Une innovation adaptée à tous les types d'ateliers ?
Pour mémoire, PaintGo avait été dévoilé à Automechanika Francfort 2024, en Allemagne, à un tarif supérieur à 110 000 euros HT. Compact et monté sur des rails démontables, il peut être transféré d'une cabine à l'autre. L'outil connecté nécessite uniquement d'être paramétré selon le chantier à réaliser et les caractéristiques du produit à appliquer. Une fois lancé après avoir été approvisionné en peinture, il travaille en autonomie.

Avant chaque opération, le robot PaintGo scanne entièrement le véhicule et recroise ses informations avec sa base de données, avant de prendre en compte les ordres de son opérateur. ©Onew
Avant même sa présentation outre-Rhin, deux investisseurs français – dont Gregory Chave, dirigeant de la carrosserie Rabatel – s'étaient rendus en Chine pour découvrir cette innovation (que le J2R avait filmée dès son arrivée dans son atelier). Là -bas, il équipait déjà des concessions BMW, Honda, Mercedes ou Tesla.
Conquis, ses exportateurs y ont vu une réponse à la pénurie de main-d'œuvre qui pénalise la profession. L'équipement peut également accompagner les réparateurs face aux impératifs RSE, auxquels ils sont de plus en plus soumis, tout en les aidant à optimiser leurs ateliers. Ces atouts ont achevé de convaincre les deux Français, qui créent alors PaintGo France pour importer l'automate chinois.
Mais dans l'Hexagone, la commercialisation du robot n'obéit pas aux plans prévus par ses importateurs, qui visaient plutôt de grandes structures. Des ateliers de taille modeste, comptant parfois trois salariés seulement, ont franchi le pas. "Le robot a été adopté par divers types de carrosseries, en réseau ou hors réseau. D'autres sont sous enseigne de constructeurs, précise Théo Wattel, responsable marketing Europe de PaintGo. À Marseille et Bordeaux, ce sont même des carrossiers agréés Tesla qui l'utilisent." Cette variété d'utilisateurs permet de l'expérimenter dans plusieurs formats d'organisations.
Des performances en progrès constants
Les robots PaintGo, connectés, transmettent en permanence leurs données (température, hygrométrie, cadence…). PaintGo France observe leur utilisation et conseille les clients si nécessaire. "Nous suivons leur activité et nous accumulons des données précises sur leur emploi (hygrométrie, température de cabine, etc.). On observe aussi s'ils sont utilisés, et s'ils le sont correctement", rapporte Théo Wattel. Ces remontées d'informations facilitent l'amélioration du développement de la machine, via des mises à jour nocturnes.
En la matière, l'équipe d'Onew semble être plutôt efficace. Alors que ses premiers robots livrés étaient limités à certaines opérations, ils effectuent aujourd'hui des peintures complètes. Les automates ont été programmés à distance pour peindre capots et pavillons, ainsi que pour réaliser des raccords. "Le robot utilisé aujourd'hui n'est plus le même que celui acheté six mois plus tôt", souligne Théo Wattel. Sébastien Gabriel ajoute : "Son IA le fait progresser. En quelques mois, nous sommes passés de quatre à deux passes pour peindre certains éléments."
Vers un nouvel écosystème de travail
PaintGo France accompagne aussi ses utilisateurs. Si l'équipe constate que l'un délaisse son robot, elle le contacte pour comprendre pourquoi et donner des conseils. L'objectif reste d'assurer un retour sur investissement rapide. Mais les importateurs préviennent : dans un atelier resté sur un mode de production artisanal, le robot n'apporte pas de valeur ajoutée.
Le robot est l'avenir de la profession, dans la continuité des automatisations en cours Benoît Mayet dirigeant de LBS
"Il doit être intégré dans une chaîne de production, avec les outils informatiques qui transforment le travail des carrossiers. Il y a une réflexion à mener sur sa coordination avec le spectrophotomètre, et éventuellement la machine de mélange de teinte automatique", insiste le responsable marketing Europe de PaintGo.
L'automate chinois n'a pas été conçu pour remplacer le peintre : il l'assiste en réalisant certaines tâches, tandis que celui-ci se consacre à des opérations à plus forte valeur ajoutée (masquage, gestion des stocks…). On retrouve cette philosophie chez Les Bonnes Solutions (LBS). Cette société de conseil, spécialisée dans la réparation-collision, propose le robot concurrent conçu par BZB.
Le garage MNA de Genas (69) l'a déjà adopté. Cependant, il l'a acquis auprès de l'entreprise helvétique Best Paint, sous la marque CurveRobot. Celle-ci a présenté cet automate à Equip Auto, au prix de 200 000 euros – bien supérieur à celui envisagé par LBS. Un tarif jugé excessif par certains observateurs, soulignant la difficulté à atteindre un retour sur investissement pour ce montant.
Temps masqué
Dans l'atelier, l'automate produit par BZB est fixé à six poteaux suspendus au plafond de la cabine de peinture. Ce robot semble donc offrir moins de souplesse que le PaintGo. Mais il affiche néanmoins de belles perspectives.
En effet, "sa V2 sera présentée à Automechanika Shanghai en novembre prochain, annonce Benoît Mayet, dirigeant de LBS. Elle sera capable de charger des produits de peinture sans action humaine, passant tour à tour de la base au vernis. Il sera donc possible de la laisser entièrement seule travailler dans la cabine le soir."
Le robot a été installé dans une carrosserie suisse en octobre 2025. Sans prix officiel pour l'instant, il devrait être commercialisé à un tarif attractif. "Nous comptons proposer un prix compétitif. Sans chercher à casser le marché, nous voulons permettre aux carrossiers d'amortir leur investissement plus vite", précise Benoît Mayet.
Raison pour laquelle il ne communique – comme son concurrent – aucun chiffre sur les performances de son outil. Mais sur le plan technique, la pertinence des automates ne ferait aucun doute.
Carrosseries à deux vitesses ?
"Le robot est l'avenir de la profession, dans la continuité des automatisations en cours, affirme Benoît Mayet. Il protège d'abord la santé des salariés en les retirant de la cellule où les produits de peinture sont pulvérisés. Ensuite, il permet d'économiser de la peinture et de travailler en temps masqué. Il faut donc l'introduire dans la carrosserie, mais sans oublier l'humain." Une aide précieuse alors que la pression des assureurs s'ajoute à l'inflation des salaires, du prix des peintures et des pièces.
Reste à savoir comment évolueront ces technologies si, du fait de la baisse de la sinistralité automobile, le nombre de carrosseries diminue. La pénurie de peintres pourrait alors s'atténuer… mais dans un monde à deux vitesses, scindé entre ateliers rationalisés et structures restées artisanales.
