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Amortisseur et suspension : le mur de Berlin

Publié le 19 avril 2013
Par Clotilde Chenevoy
6 min de lecture
Si, mécaniquement, l’amortisseur et les pièces de suspension sont liés, d’un point de vue commercial, il s’agit de deux univers bien distincts. Le premier enregistre des pertes d’année en année, tandis que le deuxième surfe sur la croissance.
Si, mécaniquement, l’amortisseur et les pièces de suspension sont liés, d’un point de vue commercial, il s’agit de deux univers bien distincts. Le premier enregistre des pertes d’année en année, tandis que le deuxième surfe sur la croissance.

Amortisseur et suspension rentrent dans la grande famille de la liaison au sol, et ces pièces jouent un rôle important dans la sécurité d’un véhicule. Pour autant, ces deux gammes ne bénéficient peu ou pas d’approche globale, commercialement parlant. Même parmi les acteurs jouant sur les deux tableaux, les approches diffèrent. Ainsi, chez TRW, qui dispose des deux univers, l’amortisseur est davantage lié à la roue, avec Corner Module, et est ainsi connecté avec le freinage. Les pièces de suspension, et de direction, sont envisagées dans une autre démarche. Chez ZF, il s’agit carrément de marques différentes, Sachs et Lemförder, avec chacune un programme propre. Même constat chez Quinton Hazell France (lire encadré ci-contre) ou encore febi bilstein. Pour Franck Thecua, directeur des ventes chez Federal-Mogul, “amortisseur et suspension se touchent, mais les résultats de ces produits sont bien différents. Et nous orienter vers l’amortisseur pour communiquer n’est pas attractif car ce marché se trouve moins dynamique”.

Quelques discours sont amorcés avec les réparateurs pour penser liaison au sol au sens large. Pour George-Henri Descos, responsable marketing de Monroe, qui commercialise depuis peu des pièces de suspension en plus de l’amortisseur, “ces deux univers sont complémentaires, et la suspension doit être traitée dans son ensemble. Mais sur le marché, ce sont deux choses bien différentes. Nous cherchons pourtant à parler “global” aux réparateurs, en utilisant un seul fournisseur”. Delphi se trouve aussi dans cette logique, et adopte une approche châssis au sein de son réseau labellisé Delphi Service Centre, y consacrant un module spécifique qui inclut autant amortisseurs que pièces de direction et suspension. Le service marketing se charge de créer des offres de ventes associées pour les distributeurs. Pour autant, cette démarche commerciale ne trouve pas forcément le succès escompté. Pour développer les ventes additionnelles, des suggestions existent au sein de TecDoc, proposant, par exemple en cas d’intervention sur un amortisseur, les pièces de son environnement. Mais encore une fois, le marché ne saisit pas toujours ces opportunités.

Cependant, si commercialement parlant, cette approche amortisseur et suspension ne fait pas recette, elle se retrouve cependant dans toutes les sessions de formation. Chaque équipementier rappelle aux réparateurs de toujours vérifier le système dans sa globalité. Sans forcément utiliser des outils spécifiques, un simple contrôle visuel peut permettre d’identifier l’état général, et de détecter ainsi des soufflets abîmés, par exemple.

Au final, ce message n’est pas nouveau, mais il convient de le rappeler sans cesse, et surtout de pointer le gain économique que les réparateurs peuvent en tirer. Mais ces derniers se montrent réticents à adopter une telle approche, car cela signifierait alourdir la facture. Or, les automobilistes retardent les interventions sur leur véhicule, la crise économique obligeant les ménages à réaliser des arbitrages dans leur budget. Et bien souvent, ils privilégient les réparations empêchant le véhicule de rouler. Pourtant, “quand un amortisseur est usé, il usera prématurément un grand nombre de pièces du châssis, allant jusqu’au pneumatique”, commente Gilbert Soufflet, directeur marketing de ZF Trading. Meyle, comme toutes les autres marques, rappelle également que les amortisseurs défectueux représentent un grand danger pour la sécurité puisqu’ils rallongent énormément la distance de freinage, provoquent une tenue de route instable dans les virages et ont un impact sur les systèmes modernes tels l’antiblocage ABS, ESP ou ASR.

De plus, “quand les gens ne changent pas leurs amortisseurs, les chocs se trouvent directement supportés par les pièces de suspension, qui en viennent à casser, alors qu’elles ne devraient pas, soulignait Christophe Espine, directeur marketing IAM de Delphi Solutions Produits & Services. On arrive sur un marché de panne, alors qu’à l’instar de l’amortisseur, il faudrait agir en préventif”.

Amortisseur, toujours en baisse

Le marché de l’amortisseur représente environ 2,2 millions de pièces, dont 65 % sont écoulées par le canal IAM, contre 35 % pour l’OES. Les constructeurs ont repris quelques parts de marché ces derniers temps avec la mise en place de forfaits. Et au global, sur 2012, selon les estimations des différents équipementiers, le marché de l’amortisseur a enregistré une baisse de ses volumes de l’ordre de 6 à 8 %. Baisse du kilométrage, crise économique, fiabilité des systèmes ou encore réseau routier en bon état sont autant de facteurs qui concourent à cette baisse. En valeur, la tendance flirte aussi avec la négative, pour tourner autour de - 2 à - 3 %. Selon Roland Mensa, en charge du marketing chez TRW, l’année a connu un premier trimestre 2012 compliqué, avec un mois de janvier à - 10 % et un mois de mars à - 14 %. Le reste de l’année a permis de rattraper un peu les résultats. “Le marché continue de dégringoler année après année, précise le responsable marketing de TRW. L’amortisseur est perçu comme une pièce de confort et non de sécurité. Il ne fait pas partie des interventions prioritaires aux yeux des automobilistes.”

Mais, de l’avis des équipementiers, le potentiel du parc roulant n’est pas exploité, et de nombreux véhicules roulent avec des amortisseurs usés. “Cette pièce technique ne dispose pas de témoin d’usure, précise Vincent Devaux, responsable marketing chez KYB. Par ailleurs, le contrôle technique, qui “aide” à développer les ventes, n’inclut que la fuite d’huile. Cette dernière peut facilement passer inaperçue avec un bon nettoyage au préalable… Il faut forcément un contrôle visuel du garagiste.”

Le rêve des équipementiers serait que d’autres défauts de l’amortisseur se rajoutent au contrôle technique. L’enjeu sécurité est bien réel, mais se pose la question de la méthode pour vérifier l’état des pièces. Il ne peut y avoir de démontage. Le Secur, avec la Collective des amortisseurs, milite sur ces ajouts au CT auprès de l’Utac. Il se lance également dans une nouvelle campagne de communication, financée par les différents équipementiers adhérant à la collective. Le but final étant toujours d’inciter l’automobiliste à faire contrôler ses amortisseurs tous les 20 000 km et à les changer au bout de 80 000 km.

Suspension aidée par le CT

Contrairement aux amortisseurs, les pièces de suspension et direction rentrent davantage dans les vérifications du contrôle technique. Elles représentent même le deuxième motif de contre-visite, contrairement à l’amortisseur, loin derrière. Et ce fait permet au marché de la PSD de mieux s’en sortir que celui des amortisseurs. Arnaud Pénot, directeur marketing pour bilstein Group, annonce une progression de ses ventes de 14 %, et rappelle qu’en 2011 le marché a connu une progression de l’ordre de 6 à 10 %. “Le train avant représente une part importante des motifs de contre-visite aux contrôles, précise-t-il. Nous avons donc sensibilisé nos clients sur le potentiel existant de ces pièces. Nous commercialisons également depuis quelques années un testeur de jeu qui permet d’identifier rapidement une défaillance sur la liaison au sol. Le coût de 1 650 euros pour l’investissement s’amortit entre trois à six mois.” Monroe commercialisera également dans peu de temps un outil pour aider les réparateurs à diagnostiquer des défauts sur la liaison au sol. Pour un coût attendu autour de 70 euros, celui-ci permettra, en mettant la voiture sur un pont, roue ballante, de vérifier le jeu dans la suspension. Si du mouvement se fait sentir, cela signifie qu’une pièce est usée, et demande donc un contrôle plus poussé. L’équipementier estime que le marché de la PSD enregistre une croissance de l’ordre de 3 % et représente un marché pérenne pour le distributeur.

Chez Moog, Franck Thecua, directeur général, note également “un ralentissement du marché, qui reste cependant globalement en croissance car le parc vieillit”. Les résultats, pièce par pièce, se révèlent en revanche très variables. Il évoque ainsi une hausse de l’ordre de 35 % des pièces caoutchouc métal. Un travail sur les kits a été effectué chez Federal-Mogul pour travailler la suspension dans son ensemble (voir encart Kit ou pas kit), et un nouveau catalogue a été imprimé pour présenter ces nouvelles offres.

Le son de cloche se trouve quelque peu différent chez ZF Trading, qui estime que le marché de la suspension, incluant rotule, bras de suspension, biellette, pièces de caoutchouc métal, barre stabilisatrice, hors crémaillère et pompe de direction, s’est montré plutôt plat sur 2012. Gilbert Soufflet évoque même “un coup de frein, et nous ne sommes pas sûrs que le marché reparte sur 2013”. Il pointe, comme pour l’amortisseur, un arbitrage dans les dépenses des ménages. Malgré tout, ZF Trading compte augmenter sa part de marché, estimant que sa forte présence en première monte ne se retrouve pas en rechange. ZF Trading vient de signer avec des gros distributeurs, valorisant la longueur et la largeur de ses gammes, ainsi que l’accompagnement des ventes. Il cible ainsi un quadruplement de ses parts de marché d’ici 2015, en France.

Au global, ces pièces représentent un volume de 6,1 millions, pour une valeur d’environ 84 millions d’euros. Ce marché se répartit à 43 % pour l’OES et 57 % pour l’IAM. La rechange indépendante continue de grappiller des parts aux constructeurs, grâce au développement de l’offre chez les distributeurs.

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ZOOM - Kit ou pas kit ?

A côté de l’amortisseur, les pièces périphériques, comme les semelles et les kits de protection, ne reflètent pas plus de dynamisme. Certaines marques créent des offres commerciales incluant ces pièces avec l’amortisseur. KYB, qui a retravaillé sa gamme de kits, en révisant notamment ses tarifs, annonce une progression de ses ventes, tournant sur un ratio de vingt amortisseurs pour un kit, et une semelle pour trois amortisseurs. Monroe propose également des kits, mais les résultats ne se montrent pas à la hauteur de ses espérances. Encore une fois, il devient difficile d’alourdir la facture pour le client final. Un amortisseur a un prix moyen d’une centaine d’euros. Le kit complet affiche tout de suite un tarif plus élevé, malgré le gain économique du groupage. Chez ZF, Gilbert Soufflet ne croit pas à cette offre, car “amortisseurs, ressorts et semelles ont des cycles de vie trop différents et le coût final pour un consommateur se trouve trop élevé. De plus, la variété des pièces rend complexe la confection des kits. Le marché enregistre une explosion des références”.

Dans les pièces de suspension, Moog relance d’ailleurs ses kits de réparations, qui apportent un gain de 15 % environ, incluant rotule, biellette, etc. “Il s’agit qu’un package complet qui contient les pièces judicieuses à changer en même temps, explique Franck Thecua. Le nombre de pièces varie d’un pack à l’autre, nous les adaptons selon les applications.” La gamme reste restreinte, avec peu de références.

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FOCUS - Quinton Hazell dans l’attente

QH France se trouve depuis le 4 février en redressement judiciaire, avec l’ouverture d’une période d’observation de six mois. La maison mère, Klarius Group, se trouvant actuellement en dépôt de bilan. La filiale française subit un jeu de domino… A l’heure de notre bouclage, aucune décision n’a été annoncée, mais QH France devrait être rachetée, puisqu’au moins deux offres de reprise ont été déposées.

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