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Equipementiers

Le marché de la PSD au centre de toutes les convoitises

Publié le 13 juin 2023
Par Nicolas Girault
8 min de lecture
De plus en plus de fournisseurs confirment leur attrait pour le marché des pièces de suspension et de direction, les PSD. La concurrence se renforce pour proposer aux réparateurs des organes qui perdureront sur le parc automobile électrifié.
ZF technicien PSD suspension direction
Si les nouveaux entrants sur la PSD sont nombreux, les marques historiques de cette gamme de produits font valoir leur expertise et leur savoir-faire. ©ZF

Pour Daniel Rochefort, pas de doute : "La pièce de suspension et de direction représente un marché porteur, car il ne sera pas pénalisé par l'électrification du parc". Le directeur France et Benelux Aftermarket de Delphi Technologies résume ainsi les principaux enjeux autour de cette gamme de produits qui suscite toujours plus d'intérêt sur le marché de la rechange. Sur le plan technique, le passage du moteur thermique à la chaîne de traction électrique entraîne des modifications relativement mineures pour ces organes. En revanche, dans le domaine commercial, la PSD fait face à de nombreux changements. "C'est un marché sur lequel il faut se battre tous les jours pour maintenir sa place", lance Arnaud Pénot, directeur marketing et expérience client de bilstein group.

La PSD, un marché sur lequel il faut se battre tous les jours pour maintenir sa place

En France, le marché global de la PSD représente quelque 7 millions de pièces, pour un chiffre d'affaires de 105 millions d'euros par an. Il est approvisionné à 59 % par des marques indépendantes de la rechange, et à 41 % par des références d'origine. "Leur taux de remplacement est de 15 à 18 %. Sur les véhicules thermiques, les premières interventions sont autour de 80 000 kilomètres… Ce qui ne sera peut-être plus vrai demain, avec l'électrification du parc", indique Daniel Rochefort.

 Acteurs historiques et nouveaux prétendants

Les principaux fournisseurs du marché sont Corteco, Delphi, Fag, febi, Moog, Schaeffler et TRW… En tout, une quinzaine d'acteurs y sont présents. Et ce chiffre ne cesse de grossir. "Ce marché connaît une croissance légèrement positive. Mais il voit la concurrence s'accroître", confirme Gilbert Soufflet, responsable marketing et communication France de ZF Services. "Il va plutôt bénéficier de la mutation du secteur automobile et attire de plus en plus d'acteurs, avec soit des marques qui s'y remettent, soit d'autres – asiatiques notamment – qui arrivent. De nombreux groupements ont aussi décidé de sortir leur MDD pour cette gamme", complète Daniel Rochefort.

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Baromètre Vroomly PSD

©Vroomly

Ainsi, lors de la dernière édition d'Equip Auto, on a vu Alliance Automotive Group (AAG) lancer une gamme de PSD sous sa propre marque Napa. Celle-ci compte 460 références de suspension (triangles, bras, biellettes de barre stabilisatrice…) et 201 de direction (rotules, silentblocs…). Le groupement annonçait alors que ce catalogue permet de couvrir plus de 80 % du parc français de véhicules de particuliers et utilitaires. La filiale du groupe GPC n'est pas seule à prendre cette voie. D'autres groupements comme Autodistribution et Alternative Autoparts ont également développé des gammes de suspension et direction sous leur propre marque de distributeur.

Cette concurrence ne semble pas inquiéter les fournisseurs historiques de cette famille de produits. "Ces MDD ne concurrencent pas directement les marques premium du marché. Elles s'adressent à des clients qui ont un budget moins élevé et des véhicules plus âgés", assure Daniel Rochefort, ajoutant que les produits des fournisseurs haut de gamme, en outre, répondent à des exigences tout autres que leurs homologues en MDD.

D'abord, la présence de ces équipementiers sur les chaînes de montage des constructeurs est un premier gage de qualité. "Quand on est présent aussi en première monte, on doit obéir par défaut à des cahiers des charges plus complexes que d'autres fabricants de pièces", souligne Daniel Rochefort. Il rappelle ainsi que ses pièces bénéficient de traitements spécifiques, un facteur de sécurité incontournable pour ces composants de direction et de liaison au sol.

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"Nous employons des matériaux de qualité pour fabriquer l'ensemble de nos gammes de liaison au sol afin d'assurer leur durabilité. Par exemple, de la graisse de haute spécification pour fournir une friction réduite et un fonctionnement en douceur à toutes les températures et dans toutes les conditions. Elle procure une souplesse et un agrément de conduite par tous temps. Nous utilisons des protections en caoutchouc chloroprène pour protéger toute la composition interne des organes de liaison au sol. Ils bénéficient aussi de revêtements cataphoriques contre la corrosion. Nous avons également des embouts en composite hybride."

Dans un marché où rares sont les fournisseurs à produire eux-mêmes l'intégralité de leurs références de PSD, d'autres fournisseurs historiques font valoir leur expertise et l'exhaustivité de leur gamme. "ZF est, avec ses marques Lemförder et TRW, le seul équipementier d'origine à fabriquer et commercialiser la totalité des pièces du train avant d'un véhicule", met en avant Gilbert Soufflet.

Les MDD ne concurrencent pas directement les marques premium du marché

Mais certaines marques de la rechange indépendante, à défaut d'être présentes en première monte, n'en demeurent pas moins très exigeantes vis-à-vis de leur catalogue. Parmi elles, febi (bilstein group) revendique une qualité première monte. Au-delà de la direction et la suspension, le groupe fait partie des équipementiers qui se présentent en systémiers de la roue, et enrichit ses gammes en suivant une stratégie de « one stop shop ». Cela le mène à proposer une offre complète de pièces autour de la roue pour les véhicules européens et asiatiques avec les roulements et les moyeux febi, ainsi qu'une offre freinage sous sa marque Blue Print (plus de 3 400 références de disques et plaquettes).

Assurer les services

Si la qualité de fabrication demeure le maître-mot chez les acteurs de la PSD, le service est aussi un atout essentiel pour se démarquer auprès des réparateurs. Sur ce point, les équipementiers tiennent avant tout à promouvoir leur taux de couverture du parc. À l'instar de ZF qui totalise 10 500 références sous ses deux marques. Febi en aligne plus de 9 000, répondant à la quasi intégralité des besoins du parc roulant des véhicules européens et asiatiques (VL et VUL). De son côté, Delphi en présente 6 000, dont 1 000 pour les véhicules électriques et hybrides.

Moog PSD

La majorité des références de PSD sont distribuées en France sous forme de kit (ici Moog), pour remplacer toutes les pièces usées autour de celle défectueuse. ©Moog

Au-delà de la largeur de l'offre, la mise à disposition des nouvelles références est une priorité. "Chez febi, la stratégie « fast to the market » est très importante. Elle nous pousse à mettre à disposition les pièces six mois après l'entrée des nouveaux véhicules", expose Arnaud Pénot. Elle implique aussi une logistique parfaitement huilée. Il s'agit de mettre à disposition des distributeurs le bon stock, au bon endroit.

"Nous fournissons nos pièces via des plateformes de groupement partenaires et les nôtres. Elles sont donc, par exemple, à disposition sur les plateformes du groupement ID Rechange, mais également sur la plateforme nationale et les plateformes régionales d'AAG. Nous disposons aussi de 8 dépôts en France qui réalisent la livraison en H+4 sur 96 % du territoire national", détaille Daniel Rochefort.

L'autre point important dans l'arsenal des fournisseurs porte sur les forces dédiées à l'accompagnement des ateliers et des distributeurs. Delphi Technologies dispose d'un service de 20 commerciaux et techniciens pour accompagner ses clients – sur le terrain et en service après-vente. Le plus souvent, ils ne sont pas en relation directe avec les garagistes. La marque laisse cette tâche à ses clients distributeurs. Seule exception : elle entretient aussi des accords commerciaux directs avec certains retailers comme Speedy. Ses équipes assurent notamment des formations dans les centres du réseau.

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À ce niveau, Daniel Rochefort estime qu'un véritable travail pédagogique reste à faire. "Parce qu'avant que le consommateur final puisse se soucier de l'état des PSD de son véhicule, il faut déjà que le professionnel puisse l'alerter lorsque nécessaire. C'est un frein à cette activité. Pour changer un pneu par exemple, le réparateur ne vérifie pas toujours l'état des plaquettes et du train avant quand il descend la roue."

Le contrôle technique, prescripteur essentiel

Pourtant, les besoins sont réels pour un parc automobile qui dépasse désormais les 11 ans d'âge moyen. Ces pièces s'usent et nécessitent d'être régulièrement remplacées. À l'instar de l'amortisseur, grand oublié de la suspension. Pour beaucoup de fournisseurs, 40 à 45 % du parc roulent avec des amortisseurs défectueux. Les automobilistes s'accommodent de la réduction de leur confort de conduite et retardent ce type d'intervention. Aussi, le contrôle technique joue un rôle de prescripteur indispensable sur ce marché de la liaison au sol.

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Ses règles se sont d'ailleurs durcies en 2018, en étendant l'examen sur la partie pièce de châssis. Environ un véhicule sur dix présenté au contrôle technique a un défaut de liaison au sol. "21 % des altérations décelées par le contrôle technique sont imputables à un défaut relevé sur le demi-train avant", pointe Daniel Rochefort. De son côté, Gilbert Soufflet relève que si "le nombre de contre-visites a très légèrement baissé en 2022, la liaison (pièces de direction, suspension, biellettes…) reste à un niveau très élevé, soit environ 6 % des interventions" , ajoutant : "Cela donne une opportunité importante aux réparateurs."

L'évolution technologique de la conception des châssis et trains roulants tend à la complexification

Si le contrôle technique joue pleinement son rôle, les spécialistes estiment que beaucoup de véhicules seraient encore insuffisamment entretenus sur ce poste, par manque de rigueur. "Le contrôle technique est le premier prescripteur pour le remplacement des PSD. Néanmoins, sans réforme depuis 2018 et celle-ci ne le faisant évoluer que très peu sur les défauts liés aux PSD, on ne peut pas considérer qu'il dope le marché", affirme Georges-Henry Descos, responsable marketing de DRiV (détenteur de la marque Moog). Il constate que l'essentiel des réparations sur ces organes est réalisé soit en prévision de l'inspection (notamment lors des visites de précontrôle), soit à la suite d'un défaut constaté lors du contrôle. “Cette tendance reste stable depuis quelques années.

 VE : de nombreuses contraintes pour la PSD

Nul doute que l'électrification du parc devrait changer la donne, à terme. La sophistication des châssis nécessaire pour répondre aux exigences liées aux motorisations électriques ne sera, en effet, pas sans conséquences à l'après-vente. "Quel que soit le type de motorisation, la conception du châssis et des trains roulants est similaire. L'évolution technologique au niveau de la conception des châssis et trains roulants tend à la complexification et à la généralisation des trains multibras. Cela augmente le nombre de pièces potentielles à remplacer, et entretient la bonne santé du marché", analyse Pierre Écorchon, responsable produits de DRiV.

Febi PSD

Parmi leurs services, les fournisseurs s'assurent que le réparateur va recevoir la bonne pièce (ici Febi), au bon moment. Au besoin, ils l'accompagnent pour s'assurer de son montage. ©Febi

Parallèlement, les équipements des dernières générations de véhicules, notamment électriques et hybrides, améliorent leurs performances, mais les alourdissent aussi. Ce qui implique le développement de PSD de plus en plus sophistiqués et d'une qualité renforcée. "Moog s'est engagé dans un processus d'amélioration et d'innovation permanente afin de renforcer la qualité de ses produits. Dans ce cadre, nous avons initié un programme de différenciation incluant le développement de technologies exclusives et brevetées telles que l'hybrid core", détaille Pierre Écorchon.

Cette innovation de la marque vise à renforcer la qualité et la durée de vie de ses rotules, ainsi que l'emploi de nouveaux matériaux TPU pour ses soufflets de rotules. Ces améliorations permettent à l'équipementier de garantir trois ans l'ensemble de sa gamme.

Autre contrainte : à la recherche de gain de poids, les constructeurs demandent aussi aux équipementiers d'alléger ces éléments. La tôle emboutie est remplacée par de la fonte d'aluminium. "À l'extrême, l'électrification du parc aurait même un impact positif sur les PSD dans la mesure où les véhicules électriques, plus lourds, sollicitent plus les pièces de châssis", note Georges-Henry Descos. Une perspective qui n'a évidemment pas échappé aux nombreux nouveaux fournisseurs de cette famille de produits.

"Delphi, Febi et TRW sont des acteurs historiques de ce marché. Mais aujourd'hui, entre les spécialistes, les généralistes et les autres, il est difficile de définir des leaders. Et l'apparition de nouveaux acteurs nous a poussés à fournir un gros effort sur la PSD et à reprendre des parts de marché aux marques de pièces d'origine", explique Arnaud Penot. Dans ce contexte, la disponibilité des pièces mentionnée plus haut, même pour des véhicules récents, revêt une importance primordiale, selon le directeur marketing de bilstein group. "Lorsqu'un véhicule tape trop fort contre un trottoir, qu'il ait 12 ans ou quelques mois, il faut fournir les pièces. Cela pousse les équipementiers à développer une dynamique sur les produits pour présenter une gamme plutôt large."

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Les ressources nécessaires pour pouvoir proposer les plus de 9 000 références nécessaires à la couverture du parc ne sont donc pas négligeables, et les nouveaux entrants peuvent très difficilement y parvenir. Dans ce contexte, les fournisseurs historiques font valoir leurs atouts et entendent bien capitaliser sur leur expertise.

"C'est un marché sur lequel on est très présent, car la liaison au sol est un domaine dans lequel on veut encore avancer. Notre équipe après-vente a renouvelé son approche en réduisant les lignes de produits que nous proposons, pour mieux les commercialiser suivant trois critères : la couverture de marché, « fast to market », avec un catalogue très fort", résume Daniel Rochefort. Pour les spécialistes de la PSD, la transition énergétique se prépare dès maintenant.

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