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Climatisation : entre 2 gaz

Publié le 24 avril 2015
Par La Rédaction
7 min de lecture
Renouveler sa station de recharge en R134a ou investir dans une machine capable d’accepter le gaz HFO-1234yf ? Renouveler, ou pas, son attestation de capacité ? Telles sont les questions… Car si le marché de la climatisation devrait, demain, représenter une manne financière non négligeable pour les équipementiers et les garages, il est aujourd’hui à la croisée des chemins.
Renouveler sa station de recharge en R134a ou investir dans une machine capable d’accepter le gaz HFO-1234yf ? Renouveler, ou pas, son attestation de capacité ? Telles sont les questions… Car si le marché de la climatisation devrait, demain, représenter une manne financière non négligeable pour les équipementiers et les garages, il est aujourd’hui à la croisée des chemins.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les chiffres diffusés tous les ans par le Gieg ne sont pas encore tombés, mais les prévisions des acteurs de la station de climatisation vont bon train. Des prévisions qui tendent à montrer que, si le marché repart légèrement à la hausse, il est encore très loin d’atteindre les chiffres de 2007. En témoigne cette évaluation de Francis Pegues, directeur de Texa France : “Il ne devrait pas s’être vendu plus de 1 500 stations en 2014. Un chiffre en légère hausse, puisque le marché s’établissait à 1 200 stations en 2012… Mais qui est tout de même très loin des quelque 3 500 machines écoulées en 2007”.

Pourtant, le potentiel d’entretien de la climatisation est énorme. En effet, d’après l’Insee, en 2012 déjà, 72 % du parc automobile français était équipé d’un système de climatisation. Un chiffre qui, d’après les prospectives de l’Ademe, devrait s’élever à quelque 90 % d’ici 2020. D’équipement de luxe, la climatisation est donc quasiment devenue un équipement de série proposée, à grand renfort de publicités et d’opérations commerciales, pour “1 euro de plus” par la plupart des constructeurs. Alors pourquoi le marché de l’entretien n’est-il pas plus florissant ? Sûrement parce que les automobilistes, crise économique oblige, préfèrent aujourd’hui en majorité entretenir les organes de sécurité de leurs véhicules plutôt que de faire les recharges annuelles de leur climatisation. “Une grosse partie du marché nous échappe, car les réparations sont déjà très chères. Or, lorsqu’une climatisation tombe en panne, sur la seconde voiture du foyer par exemple, les automobilistes ne font pas la réparation, parce que la climatisation est perçue comme un élément de confort”, analyse Régis Berdoulat, directeur général de SNDC-Ecoclim.

Un cadre légal décourageant

Le marché de la station de recharge se prend également de plein fouet des cadres législatifs qui, pour l’heure, ne jouent pas en sa faveur. Si les équipementiers sont tous prêts à répondre à la demande du marché, les réparateurs, eux, restent frileux. Et pour cause. En effet, depuis le 4 juillet 2009 : “L’objectif de la réglementation nationale est de sécuriser l’utilisation des fluides frigorigènes. Ainsi, la manipulation de ces derniers ne peut être effectuée que par une entreprise certifiée (détentrice d’une attestation de capacité délivrée par un des organismes agréé à cet effet) et employant du personnel certifié (détenteur à titre individuel d’une attestation d’aptitude délivrée par un organisme évaluateur certifié à cet effet)”, peut-on lire sur le site du Ministère du Développement durable. D’après Jacques de Leissègues, Président de DAF Conseil, organisme certifié en tant que centre habilité à délivrer des attestations d’aptitude en climatisation automobile : “De 2009 à fin 2014 DAF Conseil a formé 4 500 personnes à la maintenance du circuit de climatisation, a fait passer 3 950 évaluations pour l’obtention du certificat d’aptitude et a délivré 3 530 certificats. Dans le top 10 des formations dispensées par DAF Conseil, la formation Clim arrive en tête, à égalité avec la formation Diagnostic !”. Pourtant, d’après les acteurs de la climatisation, cette attestation de capacité, renouvelable tous les 5 ans, aurait fortement déstabilisé les réparateurs indépendants. “La loi a fait entrer dans un cadre légal tous les opérateurs de la climatisation. Or, beaucoup d’entre eux ont arrêté de faire de la climatisation car les formations et les audits nécessaires à l’obtention d’une attestation de capacité sont beaucoup trop contraignants en temps et en coût. De fait, avant même d’avoir fait une seule recharge, les garagistes qui veulent intervenir sur les boucles de climatisation automobiles ont déjà des frais…Cela en a forcément découragé plus d’un”, regrette Jacques Harivel, responsable Equipements d’ateliers chez Groupauto France. Des réparateurs indépendants qui doivent aujourd’hui, en plus, composer avec la fin annoncée, mais pas encore prononcée, du gaz R134a.

Un potentiel… Mais pas pour aujourd’hui

Car voilà : le gaz réfrigérant R134a, ou Tétrafluoroéthane pour les intimes, serait responsable, en partie, du réchauffement climatique. Qu’à cela ne tienne. Au prix d’âpres discussions, la Commission européenne décidait qu’à partir du 1er janvier 2013 (selon la directive MAC de mai 2006), tous les systèmes de climatisation équipant les véhicules légers neufs devraient avoir recours à des fluides à plus faible pouvoir de réchauffement global (PRG). En 2017, plus aucun VN produit, nouveau ou ancien modèle, ne devra utiliser de fluides dont le PRG sera supérieur à 150. Or, si la directive européenne n’imposait aucun gaz en particulier, les constructeurs se sont, pour la plupart, mis d’accord sur l’utilisation du HFO-1234yf mis au point par Honeywell et DuPont, dont le PRG s’établit à 4 quand celui du R134a s’élève, lui, à 1 300.

Pour faire court, donc : le R134a est mort, vive le 1234yf ! Enfin mort le R134a ? Du point de vue réglementaire, oui, mais sur le parc roulant, c’est une autre histoire. Car la quasi-totalité des véhicules arrivant aujourd’hui sur le marché de la rechange – ceux produits avant le 1er janvier 2013, donc – est équipée d’un système de climatisation refroidi au R134a. Tandis que ceux dont la production est postérieure à cette date et donc encore sous garantie constructeurs, devraient arriver en rechange indépendante d’ici 2016, voire 2017, de manière plus flagrante. Deux gaz et une valse d’hésitations. Car si les équipementiers voient arriver le nouveau gaz comme un potentiel réel de marché et font face, dans le même temps, au renouvellement du parc de stations de recharge pour le R134a, les garagistes et carrossiers eux, hésitent encore entre faire l’achat d’une nouvelle machine répondant uniquement à la majorité des demandes d’entretien, ou investir également dans une station au 1234yf (mono-gaz ou bi-gaz)… Un vrai casse-tête.

R134, 1234yf ou CO2… à en perdre son latin

Pourtant, cette situation-là, équipementiers et réparateurs l’ont déjà vécue lors du passage du R12 au R134, en 1993. “A l’époque, l’événement nous avait déjà obligés à jongler, comme aujourd’hui, entre une machine bi-gaz ou deux machines. Or, entre la décision d’arrêter le R12 et la stabilisation, sur le marché, du R134, il avait fallu environ 2 à 3 ans”, se souvient Jacques Harivel. Un délai finalement assez court, qui devrait d’ores et déjà pousser le marché de la rechange à s’intéresser de près aux stations fonctionnant au nouveau gaz 1234yf. Las, la révolution n’aura pas lieu. Pas maintenant, en tous cas. D’autant que le lobbying allemand représenté en l’occurrence par Mercedes et Volkswagen, milite davantage pour des boucles de climatisations fonctionnant au CO2 (dioxyde de carbone). Or, si l’initiative a fortement contrarié l’Union européenne, il n’en reste pas moins que le Groupe Daimler continue de faire cavalier seul, arguant que le 1234yf, trop dangereux en cas de collision, car inflammable, n’a pas sa place dans ses voitures. Au point d’indiquer à l’Agence France Presse en septembre 2014 continuer à développer un nouveau fluide à base de CO2 qui devrait être prêt à l’emploi à l’horizon 2017.

Bref, entre la fin annoncée du R134a qui réfrigère encore la plupart des climatisations du parc roulant, l’arrivée prochaine mais en douceur du 1234yf – actuellement seuls une vingtaine de modèles de VL disposent d’une climatisation fonctionnant avec ce nouveau gaz – et l’éventualité de la mise sur le marché d’un gaz à base de CO2, les professionnels de la climatisation ont de quoi en perdre leur latin… Au point de voir arriver ces nouvelles perspectives de marché d’un œil positif mais plutôt hésitant, comme le résume Philippe Bouvier, responsable diagnostic chez Bosch/Robinair: “Dans la mesure où nous sommes aujourd’hui en phase de renouvellement des stations fonctionnant au R134a, qui ont une durée de vie d’environ 6 à 7 ans, nous savons que cela représente une aubaine pour les équipementiers et que cela va forcément engendrer une croissance du marché pour cette année. Mais, pour ce qui est du gaz 1234yf, même si nous sommes prêts à équiper les professionnels, nous savons qu’il intéresse surtout, pour le moment, le réseau constructeur et les carrossiers. Sur le marché de la rechange, c’est encore très balbutiant, même si nous pensons que cela devrait décoller dans les mois qui viennent”.
 
Des investissements pour les réparateurs…et un coût pour l’automobiliste

D’autant que les réparateurs ont de quoi hésiter. En effet, si une station de recharge de climatisation pour le R134a coûte de 2 000 à 2 500 euros, une station pour le 1234yf vaut, elle, de 4 000 à 4 500 euros en moyenne, tout comme les machines hybrides ou bi-gaz. De fait, investir dans une station pouvant fonctionner avec le gaz 1234yf représente aujourd’hui une pilule difficile à avaler pour les indépendants qui n’ont pas encore à intervenir sur des voitures répondant à la directive MAC. Or, si les réseaux de garages tels que Autodistribution ou Groupauto proposent à leurs adhérents des modes de financement leur permettant d’accéder à ces machines, quid des réparateurs indépendants ? Sans compter qu’outre les stations, le gaz aussi se révèle beaucoup plus cher que le R134a. Dix fois plus cher pour être exact. Car là où le R134a se négocie à 12 euros le kilo en moyenne, le 1234yf, lui, s’affiche à 130 euros le kilo ! La faute au monopole exercé sur ce gaz par Honeywell et DuPont d’une part. La faute à la loi de l’offre et de la demande, d’autre part. Mécaniquement en effet, plus la demande sera forte sur les recharges en 1234yf, plus les prix du gaz devraient baisser. CQFD. Une baisse qui n’interviendra vraisemblablement que lorsque l’ensemble des VN en seront équipés… Soit pas avant 2017 ! “Nous avons actuellement des discussions serrées avec nos fournisseurs de gaz pour faire baisser les prix à un niveau acceptable d’ici 1 à 2 ans, assure Jacques Harivel. Faire baisser les prix, c’est l’un de nos engagements, mais aujourd’hui ce gaz est produit en petites quantités, ce qui explique son coût”. Un coût qui se répercutera fatalement sur le client final, déjà peu disposé à faire entretenir régulièrement sa climatisation. Pour Matthieu Montchamp, responsable des équipements d’atelier pour l’Autodistribution : “Même si le prix de la recharge de gaz baisse, elle restera tout de même toujours beaucoup plus onéreuse que le R134a. Il n’y a guère que si les associations de consommateurs font entendre leur voix, qu’une alternative sera proposée… un autre gaz peut-être”. Difficile, dans de telles conditions de pousser les garagistes à s’équiper plus vite et, dans le même temps, de booster un marché de la station de recharge en perte de vitesse.

De l’art d’anticiper la croissance

Pourtant, les équipementiers continuent de croire en leur bonne étoile. Pour Régis Berdoulat : “60 à 70 % des MRA sont d’ores et déjà équipés de stations de recharge de climatisation. Et je pense, raisonnablement qu’un minimum de 30 à 40 % d’entre eux s’équiperont très prochainement de stations 1234yf, sans compter les carrossiers. Cela va forcément rebooster le marché de la vente des stations”. Un constat partagé par tous. Certains équipementiers anticipant même l’éventualité de l’arrivée sur le marché d’un fluide à base de CO2. C’est le cas notamment d’Ecotechnics, comme le souligne son dirigeant, Michel Palo : “Nous sommes prêts pour satisfaire tous les besoins du marché. Nous avons une gamme complète d’appareils, répondant à la fois aux besoins du petit garage indépendant, qu’à ceux des constructeurs, y compris des constructeurs allemands, car nous avons mis au point également une machine, certifiée TUV Rheinland. Enfin, nous avons en outre une gamme complète d’appareils conçus et réalisés en collaboration avec les constructeurs français Renault et PSA”. De son côté, Bosch/Robinair estime que les machines au 1234yf étant plus onéreuses, il y aura mécaniquement une augmentation de son chiffre d’affaires. Francis Pegues chez Texa, pense quant à lui que : “les réseaux intégrés vont, eux, continuer à gagner des parts de marché et chacun s’équipera en 1234, ce qui devrait fatalement faire croître le marché. Mais parallèlement, certains garages ne vont pas renouveler leurs certifications ou leurs machines. Alors le marché devrait augmenter, certes, mais pas de manière considérable”. Bref, chacun y va donc de ses pronostics en attendant la véritable embellie du marché de la station de recharge de climatisation. Une embellie, certes, mais probablement pas avant 2017. Une petite brise et vraisemblablement pas une bourrasque.

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