Equip Auto Algeria : toujours plus de business
“Cette année, il ne fallait vraiment pas rater le salon, les enjeux étaient trop importants avec la nouvelle dimension qu’on prenait, la réservation du plus grand pavillon du parc des expos et le nombre des exposants. Mais après deux jours de salon, je sais qu’on atteindra les objectifs parce qu’on a déjà recensé plus de 5 000 visiteurs !” expose Nabil Bey Boumezrag, un directeur de salon souriant et épuisé. Car monter un salon international à Alger exige beaucoup de réactivité - notamment en période de pré-élections - donc de compromis et de savoir-faire. Nabil Bey Boumezrag a ainsi dû libérer le pavillon quelques heures avant l’horaire prévu pour laisser la place au salon automobile afin que celui-ci ne soit pas empêché de paraître à cause de l’interdiction de rassemblement préélectoral. Rompu aux exercices de haute voltige, le patron d’Equip Auto Algeria avoue son contentement au vu du nombre des exposants, plus de 300 dont 80 % d’exposants internationaux. Un ratio qui s’explique par plusieurs raisons, la première étant que les Algériens réagissent moins vite que les étrangers, qui doivent programmer beaucoup plus en amont leur venue et réservent donc en avance en privilégiant, de surcroît des surfaces plus importantes. La seconde étant que le territoire national présente de telles opportunités, que les prétendants au commerce augmentent sans cesse : l’Algérie (5 fois la France en taille) dispose des ressources de son sous-sol pour accélérer sa croissance et cherche à construire un tissu industriel permettant son indépendance. Enfin, étant le premier vendeur de véhicules neufs de la région (l’importation de véhicules d’occasion étant interdite), l’Algérie change son parc à très grande allure, les véhicules anciens vieillissent davantage quand le pourcentage de véhicules récents augmente. Une aubaine pour les équipementiers en pièces ou équipements de garage, et aussi pour les fournisseurs de diagnostic et autres outils innovants. La professionnalisation des acteurs est également en route, ce qui amène de nouveaux besoins en formation, matériels, enseignes, etc. Et cela sans compter la nouvelle usine de Renault et les sites dédiés au PL de Daimler, SNVI…
Les tentations de Renault
Au vu de l’accueil des exposants, et de l’actualité politico-économique de cette année, déjà se profilent les contours de la prochaine édition. C’est ainsi que le nombre des internationaux va encore augmenter quand celui des importateurs et des entreprises d’Etat va croître davantage, la venue de Navtal (Total) entreprise semi-publique, celle SG Equipag, de la SNVI, et de Renault Algérie Production donnant déjà le ton en 2014. Nabil Bey Boumezrag envisage donc, en parallèle, des conférences, des forums et la création de pavillons thématiques comme le lubrifiant, par exemple, en parallèle des pavillons nationaux comme la Turquie, le Maroc, la Pologne, la Tunisie, la Chine, la France (…) déjà présents cette année. Aux sceptiques évoquant la baisse des immatriculations de 2013, le directeur du salon se montre serein et renvoie à l’actualité. En effet, le gouvernement a tenu cette année à développer l’acquisition de logements pour les familles et accordera dans les 350 000 à 400 000 aides au logement alors que 700 000 dossiers sont éligibles. Les 350 000 qui ne pourront pas obtenir de logements, achèteront, en priorité, des véhicules. Or le marché ne peut pas absorber plus de 350 000 à 400 000 véhicules. Les prévisions ne sont pas difficiles à faire ! Et puis, ce qui aura marqué et fait entrer Equip Auto Algeria dans l’histoire des salons dédiés automobiles, c’est la conférence de presse d’ouverture, “cédée” à trois acteurs majeurs de l’économie algérienne, SGP Equipag, (gestion des participations de l’Etat, représentée par son président du directoire Bachir Dehimi, la SNVI, société nationale des véhicules industriels, présidée par Hamoud Tazerouti, et Renault Algérie Production, présidée par Bernard Sonilhac). Un triplé gagnant par la force de leurs propositions et les enjeux soulevés, ce qui n’a pas manqué d’intéresser à la fois les journalistes (révélés par une forêt de caméras !) et les investisseurs de tous bords, soit une centaine de personnes particulièrement à l’écoute des tentations.
Investir avec la bénédiction de Renault et de l’Etat
En ligne avec les prévisions, Renault Algérie Production soit la société mixte composée de Renault à 49 %, de la SNVI à 34 % et du FNI (Fonds national d’investissement) à 17 %, sortira ses premiers véhicules (des Renault Symbol), du site de production d’Oran, dès novembre 2014. Dans les quatre ans qui viennent, RAP devra procéder à 42 % d’intégration de sous-traitants locaux. Dès aujourd’hui, plus d’une centaine d’entreprises algériennes ont postulé mais une seule, le groupe Joktal, spécialiste de l’injection plastique a été validée. Ce qui fait râler nombre d’industriels qui s’inquiètent de la lourdeur des audits, de leur durée (presque trois ans) et du peu de résultats. “On nous considère comme des potentiels” s’insurge Ahcene Betatache, d’Africaver, mais “combien de temps allons-nous le rester ?”. Il reconnaîtra d’ailleurs que les standards de qualité sont établis en Algérie au niveau national et non international, ce qui nuit à leurs candidatures, car Renault Algérie Production fonctionnera de la même façon que dans tous les autres sites du constructeur français. Par ailleurs, le tissu industriel algérien dans ce domaine n’existe pas et il faut le construire de toutes pièces avec le soutien des équipementiers internationaux. En effet, la loi algérienne stipule que toute création d’entreprise doit garantir la majorité à un algérien, soit au minimum 51 % des parts. Les investisseurs étrangers accepteront-ils de n’avoir que 49 % des parts, alors qu’ils amènent la technologie, les process, les savoir-faire ? Du côté de SGP Equipag et de la SNVI, on se veut rassurant car la loi n’impose pas les règles de fonctionnement à l’intérieur du 51/49, dès lors, il est tout à fait possible de conserver le management, la direction des opérations et la décision des investissements, contractuellement. L’Etat voulant surtout produire sur son territoire et fournir des emplois pérennes à ses habitants. Un gros travail de communication est donc à faire et c’est sur Equip Auto Algeria que le coup d’accélérateur a véritablement été donné, puisqu’étaient rassemblés les grands investisseurs et importateurs algériens ainsi que les équipementiers première monte et rechange internationaux. Les enjeux sont tellement importants que l’Etat n’a pas hésité à “inciter” lourdement les concessionnaires algériens à soutenir l’industrie automobile locale. En clair la loi de finances algérienne de 2014 oblige les concessionnaires à investir dans une entreprise industrielle automobile dans les trois années à venir. Une décision qui ne recueille pas que des suffrages, les concessionnaires se déclarant incapables d’y arriver aussi rapidement, en appuyant leurs dires par un constat : “nous sommes déjà en retard sur l’après-vente dans nos entreprises et il faudrait qu’on crée quelque chose de nouveau, ce n’est possible”. Ils enchaînent en s’inquiétant des conséquences qu’entraînerait une implantation trop rapide, pour eux, et aussi pour les équipementiers auxquels ils auraient du mal à garantir la protection de leurs technologies. Il n’en demeure pas moins que l’offre existe et que la SNVI comme SGP Equipag se disent prêts à accompagner les entreprises internationales dans leurs implantations. Et l’écho s’avère plutôt positif. A noter que les institutionnels comme les importateurs reconnaissent une préférence pour s’allier avec les Français (en priorité), les Italiens, les Espagnols ou encore les Allemands !
Les équipementiers toujours plus engagés
Si l’on peut regretter que beaucoup d’équipementiers préfèrent venir sur les stands de leurs distributeurs - qu’ils aident néanmoins - (comme Valeo ou Bosch), on notera une plus forte mobilisation des grands fournisseurs internationaux dont les volumes de vente croissent fortement. Parce qu’en deçà des 25 000 véhicules Renault puis des 75 000 de l’année suivante, les autres marchés sont déjà bien porteurs. La rechange s’organise et se professionnalise pour répondre aux exigences des nouvelles technologies présentes dans les voitures. Il faudra se contenter de la satisfaction des fournisseurs pour valider ce constat puisque les chiffres manquent cruellement. Sur cette question, un espoir se porte sur l’action du Gipa puisqu’Eric Devos a “ouvert” l’Algérie et commence les études ! Quoi qu’il en soit, le travail des grands importateurs porte ses fruits, les Siad, Ben Bot, Bareche, AM Distribution, Douadi Automotive, Gemapro etc. ne cessent d’augmenter leur présence terrain avec des produits d’origine ou de qualité d’origine. Ce sont même eux, comme le rappelle Mohammed Siad, qui ont réclamé la fin des lettres de créance, certes des outils utiles pour déjouer les fraudes mais tellement contraignants au niveau administratif, que les distributeurs n’en pouvaient plus. En effet, le process était le même pour les réassorts, ce qui entravait les importations. Cette décision, cependant, ne séduit pas tout le monde, les mauvaises pratiques revenant à vive allure. De cela le gouvernement algérien devra s’occuper urgemment.