Fidélité : une histoire d’hommes
Le salut passera par les petits “plus”. Sur un marché toujours aussi incertain, nonobstant un exercice 2014 globalement passable, et surtout diablement bataillé avec une quinzaine d’acteurs, chacun tente de trouver la bonne formule pour capter et garder le client. Distributeurs, réparateurs, clients finaux s’avèrent être aujourd’hui les grands gagnants d’un secteur éclaté et tirent profit d’une guerre des prix de plus en plus intense sans que personne ne puisse légitimement leur jeter la pierre. Désormais, aux acteurs historiques sont venus s’ajouter les marques de distributeurs, celles à bas coût et, dans une moindre mesure concernant les courroies et roulements, les pure-players du net. Sans doute mal anticipée par les anciens, cette multiplication des marques nécessite plus que jamais une profonde remise en question de la part des principaux intéressés. Chef de groupe marketing de Schaeffler, Benoît Lepot fait état de cette tendance : “Nous sentons bien que le marché est de plus en plus resserré, c’est assez perceptible, et nous en venons presque à nous demander pendant encore combien de temps il y aura de la place pour tout le monde ?”. Une inquiétude légitime qui n’empêche pas l’action et la prise d’initiative de la part de tous afin de relever le défi, aussi immense qu’entêtant, de la fidélisation client. Dans un univers aussi technique et spécifique que les courroies et les roulements, un phénomène notable semble être en train d’émerger. Etonnant au premier abord, plusieurs acteurs du marché expliquent vouloir se tourner vers le grand public, pourtant peu sensible à ce type de pièces, pour réussir à se développer. Ainsi, en 2014 et encore plus en 2015, le client final se dresse dans l’objectif de Dayco ainsi que de Schaeffler pour ne citer qu’eux. En menant une telle stratégie, chacun souhaite mettre en lumière la qualité de ses produits mais aussi la haute technicité condensée dans chacun d’eux. Directeur commercial France aftermarket de Dayco, Christian Sauvestre explique à ce propos que sa communication est désormais “clairement orientée vers le grand public. Cela nous permet de lui présenter notre savoir-faire même si aujourd’hui il en apprend déjà beaucoup par lui-même en fouillant sur Internet”. Benoît Lepot ne dit pas le contraire et avance “ce besoin, indispensable pour les fabricants, de savoir valoriser le produit. Sur des éléments aussi complexes, et de fait très méconnus, c’est à nous de faire un effort”. En procédant de la sorte, les marques estiment qu’elles pourront se développer mais aussi fidéliser le distributeur et le réparateur au travers d’une marque qui fait tilt dans l’esprit du client final. Un billard à trois bandes en somme, permettant de ratisser large.
Entre tradition et innovation
Ce besoin de visibilité se conjugue aussi avec un besoin de reconnaissance, pour permettre au client de demeurer dans son propre giron. Directeur marketing de NTN-SNR, Christophe Espine détaille ceci : “Aujourd’hui, la fidélisation tourne autour de deux éléments principaux. Le premier concerne la reconnaissance du produit, de sa technicité, de ce qu’il offre en matière d’innovation. Le second tourne autour de l’aide offerte aux professionnels pour bien vendre le produit, pour bien remplacer la pièce, pour bien être informé et pour bien être livré”. C.Q.F.D. ! Dans cette lignée, il est intéressant de voir que la communication, si elle tend aujourd’hui à changer de cible, demeure très “ancestrale” dans sa forme. A l’heure du 2.0, des objets connectés à tout va, le monde de la réparation demeure fidèle à son historique campagne de com’ papier. Loin de s’en offusquer, Christian Sauvestre évoque ainsi “une période d’entre deux” dans laquelle il est de mise de jouer sur plusieurs tableaux. A ce propos, le directeur commercial de Dayco note que “même s’il nous serait difficile aujourd’hui de supprimer le papier, nous avons fait de gros efforts en matière de communication digitale et nous sommes à présent bien plus en avance que certains de nos voisins, tels que l’Espagne ou l’Italie”. S’il s’avère réel, ce constat pourrait être une très bonne chose pour l’après-vente tricolore, confrontée, tôt ou tard, à un renouvellement massif de ses membres avec “une nouvelle génération qui arrivera dans les garages et à qui il faudra être capable de donner des outils correspondant aux nouveaux usages” (Benoît Lepot). D’ici là, chacun pourra toujours s’enorgueillir de surfer un tant soit peu dans l’air du temps, en déployant des outils digitaux. Dans le but de faciliter la vie du réparateur, Dayco a ainsi inséré des QR Codes sur l’ensemble de ses packagings. Une innovation offrant à l’utilisateur l’accès à une infographie complète du produit avec l’aide de son Smartphone ou de sa tablette complétée, chez la plupart des marques, par les désormais traditionnelles bases d’informations techniques, remplissant un rôle identique, ou encore des magasins en ligne et programmes d’e-learning. Un arsenal qu’il convient de compléter, pour réussir à garder le chaland, par un programme de fidélisation censé le récompenser. Sorte de marotte dans le domaine de l’après-vente, les initiatives de ce type ne datent plus d’hier et se sont généralisées à tous. Responsable marketing d’Hutchinson, Olivier Berlioz souligne que sa marque “a souhaité développer son propre programme, car cela permet d’avoir un rendez-vous régulier avec nos clients”. Loin des yeux, loin du cœur… De son côté, NTN-SNR a choisi de rejoindre NGK, Philips Automotive, Mann Filter et Fulmen au sein d’un programme commun, First Class, en début d’année “pour récompenser ses réparateurs autour d’une qualité et d’une culture Premium commune” aux dires de Christophe Espine.
Rencontrer les clients
Une initiative de plus que tous les acteurs, assez unanimement, résument à peu de chose si elle n’était pas accompagnée d’une action beaucoup plus vaste sur le terrain. On en vient là au maître mot de la fidélisation client. “Quoi que vous imaginiez, quoi que vous fassiez, le facteur humain demeure incontournable et la tendance n’est pas près de changer !” affirme Jean-François Guern, responsable des ventes France de Gates. On y revient ! Quoi qu’en disent les geeks, Smartphone, montres connectés et autres messageries instantanées ne sont pas l’apanage de tous et ne semblent pas avoir franchi les portes des garages. Dans le monde qui est le nôtre désormais, il est presque rafraîchissant de constater que demeurent des secteurs propices aux rencontres, aux échanges, aux débats enflammés, aux envolées lyriques. Responsable marketing de Febi-Bilstein, Arnaud Pénot s’inscrit pleinement dans cette logique : “Notre idée du marché, ce n’est pas de mettre du stock chez le client et de partir mais davantage de le rencontrer, de s’engager à ses côtés et de l’aider en ayant un rôle actif”. Une activité qui prend, par exemple, la forme de journées ou de soirées techniques chez Febi, au travers des événements Play by Bilstein Group, permettant au fabricant et au réparateur de dialoguer dans un cadre convivial à même de déboucher sur un échange constructif. “Le but consiste vraiment à entendre les problématiques quotidiennes de nos clients, pour pouvoir leur proposer des solutions”, ajoute Arnaud Pénot. Mais en matière d’action terrain, SKF s’inscrit comme l’un des plus actifs au travers de ses Rendez-vous d’Experts. Le premier d’entre eux, consacré aux stocks, a permis aux distributeurs de la marque d’inviter leurs garagistes pour assister à un événement aux contours très vastes. Présentation d’une étude de marché pour permettre d’optimiser les stocks selon les zones de chalandises, distribution de fiches performance pour assimiler plus rapidement les nouveaux produits, partage d’expériences, échanges business ont ainsi rythmé cette première journée. “Aujourd’hui, vous ne pouvez pas fidéliser le client sans aller à sa rencontre, ou le convier à de grands rassemblements”, note Nourddine El Gersifi, Responsable marketing et service clients de SKF. Bien conscient du coût conséquent de ce type d’opération, l’ensemble des acteurs s’accorde sur leur portée, autant que sur leurs retours et n’envisage pas de faire sans. Ni de faire sans leur équipe terrain d’ailleurs, garante d’une reconnaissance non pas du produit cette fois-ci, mais “des hommes qui incarnent la marque”, selon Jean-François Guern. Si rien ne dit que toutes ces idées se prolongeront et suffiront à se défaire d’un contexte difficile, elles ont au moins le mérite de faire phosphorer les méninges de chacun, au nom du client. Les petits plus font souvent de grandes différences et sur un marché aussi resserré, il devient capital de n’en oublier aucun.