Freinage : morosité ambiante
On fait la grimace dans le paysage archi-concurrencé du freinage. Mais où la fait-on ? Le marché est considéré comme stable, entre 0 et - 3 %. Une tendance qui confirme ce qui a été constaté les années précédentes, et qui devrait se poursuivre en 2013. Le kilométrage annuel va continuer de diminuer, le ratio idéal de remplacement des disques n’est toujours pas atteint (changement tous les trois jeux de plaquettes en moyenne actuellement) : pas de grosse variable à attendre.
Etonnamment, point d’abattement dans les rangs des équipementiers. De quel côté faut-il aller chercher, si les principaux (Federal-Mogul, TMD Friction, Delphi, Valeo, ATE, MGA, Bosch, TRW…) nous expliquent que leur année, si elle ne se situe pas, a minima, dans la tendance (“- 0,9”, “année étale”, “pas une année rose”) est au contraire bien plus profitable ? Quant au leader, Honeywell, il préfère rester silencieux.
Christophe Espine, directeur marketing IAM France chez Delphi, prévient, en effet, que “le freinage est une famille assez difficile”. Il prend pour exemple la chute constatée sur les kits de frein, estimée entre - 8 et - 10 %. Dès lors, les possibilités de croissance ne se bornent qu’à la prise de parts de marché à la concurrence. Exercice difficile ? “Non, mais c’est coûteux, à en croire Roland Mensa, directeur marketing de TRW. Tout dépend de la stratégie d’entreprise qui est mise en place. S’il s’agit d’une stratégie de volumes consistant à faire tourner votre outil industriel, c’est facile. Si c’est pour viser une croissance économique, c’est un peu plus compliqué.”
“On ne va pas bien”
L’heure n’est cependant pas au catastrophisme. “Nous avons un parc qui est là, et qu’il faudra toujours entretenir. Nous ne sommes pas sur un marché de rupture”, poursuit Christophe Espine. Il reste cependant indéniable que la situation économique ne favorise pas l’activité. “Structurellement, l’économie française est en mauvais état, et on communique beaucoup sur le “On ne va pas bien”. Cela s’est emparé de tout le monde et, aujourd’hui, la relance est difficile. Il y a un climat d’inquiétude qui fait que les gens font attention à leurs dépenses. Cela a pour conséquence de différer ce qui peut être fait”, déplore Bernard Bruneaux, directeur IAM France et Maghreb chez ATE.
Sur la même longueur d’onde, Roland Mensa estime que, “face à certains arbitrages que les consommateurs doivent faire, ils vont avoir tendance à s’abonner à des bouquets de télévision pour se vider la tête, plutôt que de procéder au changement de leurs disques de frein… La demande se déporte vers les produits d’appel et c’est normal. Il faut être conscient de cela”.
Pas de quoi effrayer Benoît Pradaud, directeur aftermarket France de TMD Friction. Faisant fi du contexte, la marque maintient son objectif de 10 % de parts de marché à l’horizon 2015, déjà bien engagé. “Cette année, nous allons continuer de prouver que nous pouvons être un acteur majeur du panorama de la rechange. Nous avons des accords régionaux avec les plateformes, et nous sommes en discussion avec des groupements pour développer nos parts de marché.”
Chez TRW, on prévient cependant “que l’on ne connaîtra plus les mêmes volumes, et il se peut que certains acteurs disparaissent. Aujourd’hui, ce qui fait la force d’un équipementier, c’est la largeur de gamme. Nous allons vers de la concentration. Un spécialiste de la plaquette de frein aura de plus en plus de mal”. Un marché qui, donc, ne se renversera pas, mais doit s’attendre à quelques mutations.
Multi-canal par excellence
Du côté des canaux de distribution, pas de révolution. Chez Valeo, on note cependant un fait marquant : “La progression des parts de marché des MRA, tendance engagée en 2010 et poursuivie en 2011, semble se confirmer en 2012. A l’inverse, les ventes de plaquettes de frein en hyper se sont effondrées et la nouvelle distribution en général semble marquer un peu le pas en 2012.” L’équipementier français met la progression des MRA sur le compte “du travail de fond engagé par les grands groupements pour structurer et dynamiser leur enseigne de garages, et plus généralement, de la vitalité d’un secteur composé d’artisans, très adroits et réactifs en temps de crise”.
Christophe Espine confirme que le canal des distributeurs traditionnels reste le plus important. “Nous travaillons aussi avec les circuits plus courts, dans le retail, les chaînes de réparation rapide. Et nous nous inscrivons dans la proximité, avec la représentation de Delphi au plus près des clients, pour que le message passe”, tempère-t-il. A l’évidence, beaucoup ont des accords avec les plateformes, nationales ou régionales. Selon Bernard Bruneaux, “comme en 2012, les plateformes vont continuer à prêter une attention particulière aux immobilisations”. Et de préciser : “Nous disposons de notre organisation logistique, ce qui nous permet de ne pas être dépendants des cycles de l’aftermarket.”
Maîtrise de la distribution
Chez TRW, Roland Mensa décortique l’approche multi-canal. Il constate d’abord que “beaucoup de groupements s’étoffent au niveau logistique. De plus, avec les plateformes, il y a énormément de chaînons logistiques. Dans le même temps, nous-mêmes, nous n’avons plus les moyens de pouvoir travailler avec un distributeur-stockiste qui affiche un CA de moins de 20 000 euros. Il y a une répercussion économique sur les équipementiers, avec des forces de vente parfois amoindries, malheureusement”. Voilà peut-être un élément de réponse, quelques stigmates d’un marché baissier, qu’on le veuille ou non. Chose rassurante, “nous pouvons compter sur les distributeurs qui défendent la marque Premium, qui participe de l’innovation croissante sur les véhicules. Si demain on se focalise sur une bataille des prix, on n’innove plus”, argue-t-il.
Dans ce domaine, Bosch travaille à étendre la liste de ses clients. Romain Guerardelle, chef de produit freinage, signale “qu’il fait aider ses distributeurs à optimiser le stock. La clé, c’est la disponibilité de la pièce. On ne peut plus immobiliser le véhicule. Nous avons développé le service “Stock for you”, en fonction des stocks régionaux. Les gammes de tous les équipementiers augmentent en effet, et un stock mort coûte très cher”.
Yvon Granier, directeur général de MGA, rejoint Christophe Espine sur la priorité donnée à la distribution traditionnelle. Si la marque fait le choix de dédier toute son énergie aux grossistes, elle garde cependant toute la maîtrise de la distribution et de la commercialisation de ses produits. “En règle générale, une référence, donc le même produit avec le même code-barres, peut être livrée à des prix différents, d’un distributeur à l’autre. C’est quelque chose qui n’est pas envisageable pour nous”, assure le directeur général.
Préparer l’avenir
Au vu des circonstances, il revient à chacun de se mettre en ordre de bataille pour affronter une nouvelle année morose en termes de volumes. “A nous d’être sur le bon quai pour prendre le bon train”, comme le dit si bien Bernard Bruneaux. Il poursuit : “Nous avons la chance d’animer une marque qui s’est bien située en 2012. Et quand j’entends les distributeurs, peu se plaignent d’un marché faible.” Le directeur IAM peut également compter sur le label Centre Freinage ATE : “Nous n’en sommes qu’au début du maillage. A terme, il faut que les garages soient régulièrement formés et équipés. Cela nous arrange, puisque nous sommes davantage technique que merchandising. Nous en comptons 150 à ce jour, et souhaitons atteindre les 200 fin 2013.”
Chez Federal-Mogul, Nourddine El Gersifi, responsable marketing opérationnel, confie avoir “constaté une légère baisse sur les plaquettes Ferodo VL en 2012, compensée par une forte progression sur le VUL. A l’évidence, nous ne nous cantonnons pas au segment VL, même s’il existe toujours des marges de progression en prise de parts de marché. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes très optimistes concernant 2013. En plus de Ferodo, nous avons le programme Wagner, qui est encore en progression”. Federal-Mogul a également opté pour un nouveau packaging Premium, suite à des retours clients. Un emballage plus pratique (plus léger, ouverture facile), qui héberge plus d’informations (QR code, code-barres, schéma taille réelle qui sert de gabarit).
Benoît Pradaud, lui, capitalise sur le gain de notoriété de TMD Friction acquis ces cinq dernières années. “Nos marques se font connaître dans l’Hexagone, et nous sommes un peu plus que le Petit Poucet. Une arrivée tardive, donc, mais aujourd’hui, nous constatons que de grands distributeurs classiques veulent nous consulter, plutôt que le contraire, se réjouit-il. Pour accélérer la cadence, nous avons besoin de déployer des programmes produits et marketing plus agressifs. Nous sommes en phase de démarrage quand d’autres sont en phase de maturité, ce sont eux qui ont le plus à perdre. Nous devons prouver que nous sommes capables de nous développer sur tous les canaux.”
Enfin, MGA va continuer sa diversification et poursuivre sa volonté de dégainer le premier sur les pièces de rechange. “Nous sommes dimensionnés pour augmenter le nombre de nos gammes. Nous lançons 300 nouvelles références chaque année, et nous travaillons déjà sur 50 références de disques. Il n’y a jamais eu autant de diversité sur le freinage, et nous n’avons jamais été aussi bouclés, packagés, que nous le sommes pour l’année 2013.”
Plus que jamais, les spécialistes du freinage apparaissent conquérants. De l’avis général, cette famille reste, dans un contexte difficile, le premier poste pour un distributeur. Voilà de quoi remiser toutes les inquiétudes au placard.
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VERBATIM - Ce qu’ils pensent d’Internet
“Nous avons une position attentiste. Je pense que c’est un canal qu’il ne faut pas négliger. Aujourd’hui, on fait tout avec l’index ou une souris, et je ne vois pas comment on va arrêter cela. Il y a beaucoup d’acteurs, et certains vont subsister quand le réseau va se structurer. Cependant, il ne faut pas oublier ce phénomène : c’est le marché qui décide pour nous tous.”
Roland Mensa, TRW
“Nous n’y sommes absolument pas, cela ne fait pas partie de notre stratégie. Nous restons attentifs à certains schémas de développement. Si ce canal devait s’imposer sur des relations BtoB, alors cela nous intéresserait davantage.”
Benoît Pradaud, TMD Friction
“MGA n’a pas choisi cette voie. Aujourd’hui, nous voyons bien que certains acteurs, malgré des pieds d’argile, affichent un CA conséquent, avec une croissance exponentielle qui peut faire rêver. Ils auront leur part, mais MGA continue de dédier toute son énergie aux grossistes.”
Yvon Granier, MGA
“Les plateformes et les distributeurs sont libres d’acheter la pièce où ils veulent. Nous ne faisons pas de procès d’intention et encore moins juridiques. Je sais que certains de nos clients livrent les sites, ce à quoi nous nous efforçons de veiller. Nous essayons de sensibiliser à la non-nécessité de pratiquer des remises, qui pourraient tirer le marché vers le bas.”
Bernard Bruneaux, ATE
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FOCUS - Services : les 8 piliers de la relation fournisseur/distributeur
- Un bon service logistique
- Un support de gestion des stocks
- Une gamme
- Un support pour les forces de vente
- Une gestion qualitative des données produits
- Un bon positionnement tarifaire
- Une politique commerciale
- Des conditions commerciales tarifaires compétitives
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ZOOM - MyFerodo fait peau neuve
Fin 2012, Federal-Mogul a propulsé sur la Toile le nouveau site pour la marque Ferodo (www.ferodo.fr). Il concentre en un seul endroit à l’ergonomie améliorée toutes les informations dont les réparateurs ont besoin. La version française est arrivée fin janvier, et profite de mises à jour régulières de son contenu. Comme l’explique Nourddine El Gersifi, responsable marketing opérationnel, ce site, couplé aux programmes de formation, “doit rendre accessible divers outils d’analyse, à destination des réparateurs, pour le bénéfice de l’activité”. Typiquement, une sensibilisation sur l’usure prématurée des plaquettes améliorera le ratio de changement des disques.