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La pièce de réemploi, part importante du système de recyclage

Publié le 14 février 2014
Par Frédéric Richard
6 min de lecture
Au-delà de son intérêt économique pour le consommateur, la seconde vie d’une pièce automobile permet de se rapprocher des objectifs de recyclabilité fixés par Bruxelles. Encore faut-il lever les freins à son développement à grande échelle…
La pièce de réemploi peine à s’imposer, alors qu’elle présente pourtant toutes les vertus économiques et écologiques.

Le parc auto continue de vieillir, et la fidélité aux réseaux de marques décroît à mesure que le véhicule vieillit, en raison du prix des pièces neuves notamment. Le pouvoir d’achat en berne incite le consommateur à trouver une alternative économique pour l’entretien de son véhicule. Dans le même temps, depuis quelques mois ou années, des systèmes informatiques voient le jour, et se proposent de donner la visibilité des stocks de pièces de réemploi à leurs utilisateurs. Une véritable avancée, de nature à démocratiser et moderniser le marché de la pièce de seconde vie. Les pouvoirs publics sont de plus plutôt ouverts sur le sujet en ce moment, crise du pouvoir d’achat et politique environnementale obligent. Sans parler de l’autorisation faite en 1999 aux assureurs de chiffrer des sinistres avec la pièce de réemploi.

Tous les éléments semblent donc réunis pour voir enfin la pièce de réemploi se développer largement. Economique, écologique et permettant l’atteinte des objectifs fixés par la Commission européenne, elle se pose définitivement en pierre angulaire de l’économie de la filière VHU.

Le nerf de la guerre pour le développement de la pièce de réemploi à grande échelle reste le système informatique capable de mutualiser les stocks des centres VHU et d’y donner accès simplement, aux professionnels et/ou aux particuliers, par l’intermédiaire d’un référencement spécifique ou par recherche de véhicule, voire immatriculation. Deux systèmes luttent actuellement pour s’attirer les faveurs des centres VHU. La course est lancée entre ceux qui auront intégré dans leur base un maximum de centres de qualité, répartis au mieux sur le territoire, pour proposer le plus large stock, avec une qualité de traçabilité, de disponibilité et de réactivité sans faille.

Le premier projet de mutualisation et d’identification des pièces de réemploi vient de Global PRE, le système imaginé par le CNPA. La volonté de départ était de concevoir un outil qui appartienne à la profession, et non à une société privée. Aujourd’hui, les 90 actionnaires de la société Global PRE sont d’ailleurs tous des recycleurs. Le CNPA s’est attaché les services d’un prestataire éditeur de catalogue, ETAI, pour constituer une base de données pièces. Puis, afin d’être sûr de parler la même langue, une référence unique “Global PRE” unique a été créée pour chaque pièce. Ce qui est intéressant, car de nombreuses pièces identiques renferment des références différentes parce que montées sur des véhicules de plusieurs marques. On est ainsi assuré de la disponibilité de la pièce que l’on recherche. Mais cela pose un problème au départ, lié à l’important travail de croisement nécessaire au moment du référencement.

PRECIS, le concurrent

Il faut bien reconnaître que Global PRE et PRECIS (Pièces de RéEmploi du Circuit Indra-Sidexa), le système d’Indra SAS, présentent des fonctionnalités assez proches. En revanche, dans la philosophie, leur conception diffère. Alors que Global PRE se veut le système de la profession, basé sur les problématiques des démolisseurs, Indra s’est plutôt attaché aux attentes des clients pour créer son système de mutualisation des stocks. D’où sa volonté de se rapprocher de clients d’envergure, les constructeurs. Des groupes qui recherchent tout d’abord une offre nationale pour leur réseau commercial. Et qui souhaitent également éviter que le système propose des pièces d’occasion pour des véhicules trop récents, afin de ne pas cannibaliser les ventes de pièces neuves. Ils ne veulent pas non plus qu’on puisse y trouver des pièces de sécurité. “D’où l’importance de mettre en place des filtres par matériels sur PRECIS, paramétrables selon le choix du client”, rappelle Régis Poulet, directeur commercial d’Indra.

Pour que le système fonctionne, “il nous fallait également intégrer des centres VHU qui mutualisent leurs stocks selon un référentiel très précis, afin que tout un chacun soit sûr d’identifier simplement la bonne pièce, en entrant par exemple l’immatriculation du véhicule. Pour cela, nous nous sommes attaché les services de Sidexa, dont l’expertise dans le chiffrage et le référencement n’est plus à démontrer”, se félicite Régis Poulet.

Enfin, il faut aussi que les utilisateurs de la pièce, les ateliers, soient convaincus par le bien-fondé de la démarche… Car, aujourd’hui, on leur oppose une pièce d’occasion, dont ils ne connaissent pas forcément la disponibilité, le délai de livraison, ni même la marge qui leur sera offerte, à une pièce neuve, facile à commander, qui arrive chez eux rapidement. Il est vrai que “la pièce de réemploi souffre d’un problème chronique, lié à la concurrence des pièces neuves. Pour fonctionner, la pièce d’occasion ne peut être que moins chère que la moins chère des pièces neuves. Or, sur certains sites Web, on voit des offres en neuf, venant parfois de pays exotiques, qui sont moins chères que nos pièces d’occasion. Et avec tous les coûts engendrés, on ne peut pas brader la pièce de réemploi”, s’inquiète Patrick Poincelet, président de la branche recycleurs du CNPA.

Deux constructeurs français ­engagés

Chez les constructeurs, la pièce de réemploi a souvent fait peur, car elle a longtemps été perçue comme un facteur de cannibalisation de la vente de pièces neuves. Pourtant, aujourd’hui, elle nourrit la réflexion des marques sur les meilleurs moyens d’aller chercher le parc ancien et les propriétaires de ces véhicules, qui leur échappent après quelques années.

Chez PSA, on a choisi de s’appuyer sur un professionnel unique de la gestion-distribution, Indra, qui sera prestataire pour des missions précises concernant la pièce de réemploi. Il s’agit notamment de proposer au constructeur et à son réseau commercial un système informatique capable de s’interfacer avec le système interne de PSA (le fameux PRECIS). Ce n’est aujourd’hui qu’un projet, dont la matérialisation devrait se concrétiser pour le réseau en milieu d’année. “Nous n’avons pas la prétention de faire des milliers de pièces la première année. PSA s’inscrit plus dans une “mouvance” et veut bénéficier de systèmes permettant la mutualisation de stocks pour faire un pas supplémentaire vers la pièce de réemploi”, tient à relativiser Arnaud Bouchoux, responsable Carrosserie à la direction Pièces et Services de PSA.

Renault, pour sa part, bénéficie d’une longueur d’avance. Le constructeur a très vite été confronté à la démolition par le biais de sa filiale Indra SAS, ce qui lui a permis d’apprendre et de se familiariser avec la pièce de réemploi. La marque au losange appréhende ainsi plus sereinement l’enjeu, dans son réseau, de la réparation avec des pièces de réemploi. Car il ne faut pas se tromper : un constructeur qui s’implique engage sa marque, pas de droit à l’erreur ! A ce titre, Renault dispose notamment d’une expérience dans la pièce de réemploi mécanique avec son usine de rénovation de moteurs à Choisy. Grâce au suivi de sa production depuis des années, les équipes du constructeur ont par exemple travaillé sur l’eco-conception, ou comment améliorer la fabrication du neuf, pour lui offrir une meilleure recyclabilité ultérieure.

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FOCUS - L’export pénalisé par le statut de déchet

Les marchés étrangers constituent une opportunité pour les pièces de réemploi. La filière française est déjà bien structurée sur ce point, puisque certaines entreprises ont créé des plateformes de regroupement pour l’export, afin que les plus petites structures accèdent aussi à ces marchés. Autour de la Méditerranée, les marchés s’organisent, la consommation automobile se développe et, dans l’avenir, ces pays présenteront des débouchés pour la pièce de réemploi, si tant est que l’on parvient à gérer les droits de douane. On rappelle à ce titre que le Maroc a interdit l’import de PR, considérées comme un déchet. La directive européenne 2000/53/CE du 18 septembre 2000 relative à la gestion des véhicules hors d’usage (VHU) précise que les VHU sont considérés comme déchets dangereux, en raison de la présence de différents liquides et solides classés comme tels par la réglementation : huiles, filtres à huile, liquides de frein et de refroidissement, batteries au plomb, fluides de climatisation. Toutefois, la pièce détachée automobile devrait sortir du statut de déchet, une fois démontée, stockée, débarrassée de sa nature dangereuse… En effet, elle présente alors un débouché économique. Pour autant, les directives européennes imposent de considérer comme déchet tout ce qui provient d’un déchet initial.

Au-delà de l’appellation, ce statut juridique pose de larges problèmes, notamment à l’export. Car les réglementations qui encadrent le transfert de déchets d’un pays à l’autre sont très contraignantes. Il faut des garanties, des accords, ce qui complique énormément la donne, selon la catégorie de déchets. La France a donc entamé une procédure de sortie du statut de déchet auprès des pouvoirs publics européens, en partenariat avec les organisations professionnelles. Mais le vrai problème reste que, pour sortir du déchet, les entreprises de démolition devront montrer patte blanche, comme par exemple être certifiées ISO, ce qui est tout simplement impensable pour les petites structures… “Au CNPA, on essaie de faire valoir les certifications de services comme des conditions suffisantes pour instruire le dossier de sortie du statut de déchet”, explique Patrick Poincelet. Et il faut aller vite car, selon Fabrice Henriot, président de la branche Déconstruction automobile de Federec, “il faut sortir du statut de déchet d’ici dix-huit à vingt-quatre mois, sinon ce sera la fin de l’export de pièces de réemploi”.

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