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“L’innovation et la croissance externe sont les deux vecteurs de notre développement”

Publié le 19 août 2013
Par Hervé Daigueperce
7 min de lecture
Frédéric Champavere et Olivier Blanc, respectivement président et directeur général du groupe Sam Outillage - Alors qu’ils viennent de racheter SOVA2i, spécialisée dans la tôlerie, les deux dirigeants de Sam Outillage sont sortis de leur légendaire discrétion. Echos.
Frédéric Champavere (à gauche) et Olivier Blanc.

Sam Outillage sort enfin du silence ! Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
Sam Outillage est une vieille dame qui ne fait pas de bruit, il est vrai. Mais qui s’est réveillée, il y a deux ans, à l’occasion d’un changement au sein de la direction. Nous sommes une entreprise familiale, qui a longtemps pesé 30 millions d’euros de chiffre d’affaires en s’appuyant sur ses acquis. Aujourd’hui, son chiffre d’affaires se monte à 40 millions d’euros, c’est une véritable rupture.

Comment s’est opérée cette mutation ?
Nous sommes deux dirigeants, appartenant à la famille, qui ont croisé leurs compétences et expériences, pour proposer de nouveaux axes de croissance, ce qui a été accepté par le conseil d’administration. C’est ainsi que nous avons réussi à mener de front les innovations indispensables pour conserver nos positions et les acquisitions. En fait, nous pouvons dire que les acquisitions ont permis de stimuler un apport en Recherche et Développement, département que nous avons renforcé.

Quelle démarche avez-vous mise en place en prévision de ces acquisitions ?
Actionner la croissance externe, ce n’est pas tirer sur tout ce qui bouge, mais elle était nécessaire afin de redynamiser l’entreprise et la croissance interne. Nous avons mis le temps, puisque la précédente acquisition-fusion datait du début des années 60, lorsque Sam s’est rapproché de Lauravia, spécialisé dans l’équipement de garage ! Nos critères d’achat s’énoncent assez facilement, d’abord rechercher des entreprises dont l’activité se situe dans nos axes stratégiques, qu’elles soient financièrement en bonne santé et dont le management se montre partant dans le projet.

Ne serait-ce pas plus facile de s’attaquer à des sociétés en difficulté ?
Reprendre des entreprises, pour les revendre une fois rentables, n’est pas notre métier. Le nôtre consiste à compléter notre offre, nos compétences, et les synergies entre les activités, afin que le groupe soit pérenne dans sa globalité. C’est pourquoi, cela nécessite une pleine adhésion du management, parce que, nous devons être sûrs, dans une PME, de pouvoir intégrer une autre entreprise et surtout des hommes et des femmes.

Pourquoi avez-vous jeté votre dévolu sur PTS, par exemple ?
Nous voulions nous diversifier et étendre notre champ de compétence dans l’outillage pour l’automobile. PTS avait toutes les compétences requises dans l’outillage pneumatique, et sa commercialisation. Nous l’avons eu à la “barbe” d’un fonds d’investissement qui, du coup, a tenté un projet de rachat global de SAM et de PTS, et a fini par nous proposer la société hollandaise Rodac, qu’il détenait. Spécialisée aussi dans l’outillage pneumatique, Rodac s’intégrait, effectivement, à merveille dans notre stratégie. Et ouvrait le champ à d’autres territoires.

Intégrer de nouvelles sociétés, conduit à ouvrir de nouveaux marchés, l’export constitue-t-il un axe majeur pour vous ?
L’export s’inscrit dans une stratégie globale du groupe qui comprend quatre piliers : l’industrie, l’automobile (sauf GMS), le bâtiment et l’export. Avec ces deux acquisitions, nous développions plusieurs de ses piliers et notamment le dernier, puisqu’avec Rodac, nous mettions un pied en Europe du Nord, alors que Sam était plutôt tourné vers le Maghreb, et l’Espagne, les pays du sud. Avec Rodac, nous avons confirmé la présence en Europe du Nord également, au Benelux et surtout en Allemagne, où nous devions être.

Quel a été l’accueil réservé à ce redéploiement ?
Quand une vieille dame commence à s’habiller “sexy”, on se met à la regarder et à s’intéresser à elle. C’est exactement ce qui s’est produit. Voilà l’une des raisons pour lesquelles nous avons pu procéder au rachat, en mars dernier, de SOVA2i, une société de tôlerie fine industrielle spécialisée dans la fabrication de meubles pour l’industrie et les laboratoires. Ce qui nous permet de relocaliser une activité, qui correspond tout à fait à nos besoins (notamment pour les servantes). Nous avions déjà notre propre fonderie à Saint-Etienne, et cette entreprise vient la renforcer, parce que nous sommes convaincus que nous devons être maîtres, localement, de notre outil industriel, dans sa globalité. En outre, tous les développements passent par des essais que nous pouvons faire en direct. Nous sommes toujours tentés d’explorer les possibilités que nous offrent de nouvelles techniques et technologies. C’est un peu notre marque de fabrique.

Comment positionnez-vous Sam Outillage par rapport aux concurrents ?
Nous nous considérons comme généraliste, offrant une gamme unique Premium, et positionnée par rapport au marché, tant au niveau de la notoriété que de l’image de sa marque. Ses éléments de différenciation s’articulent autour de ces trois piliers, l’innovation, la marque et la gamme de généraliste, qu’aucun concurrent asiatique ne peut développer.

Quels leviers, en interne, comptez-vous utiliser pour assurer votre développement ?
Il est clair que l’innovation assurera notre croissance comme elle l’a toujours fait. Cependant, celle-ci ne repose pas seulement sur notre bureau de R&D et ses 7 ingénieurs, elle s’appuie aussi sur le savoir-faire des fournisseurs avec lesquels nous avons tissé des liens privilégiés. Ce cercle de sous-traitants nous est complémentaire dans la création de solutions, de produits exclusifs etc. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous investissons beaucoup sur l’outillage spécifique parce que nous savons le faire. De même, quand on sort un produit plus sophistiqué, les ventes augmentent fortement. Maintenant, il faut le faire savoir, donc nous communiquons davantage. Au final, trop peu de professionnels savent, par exemple, que nous avons développé une gamme spécifique pour intervenir sur les véhicules électriques. Cela doit changer.

La maison semble pérenne, cela est-il dû à une stratégie de management, axé sur la protection des savoir-faire ?
La première richesse de l’entreprise, sa raison d’être, c’est le savoir-faire de ses collaborateurs. Tout le reste, y compris les actionnaires, passe derrière cette priorité, celle de conserver les savoir-faire, qui assurent la performance et la pérennité de l’entreprise. Cela fait partie des valeurs fondamentales de Sam Outillage depuis toujours, comme de considérer que la multiplication entre compétence et motivation constitue la performance de chaque collaborateur.

Comment s’articulent ces deux notions de compétence et de motivation dans votre politique ?
Nous nous attachons à travailler ces éléments en permanence. La compétence ne peut être obtenue qu’en associant la formation à la capacité, quant à la motivation, elle résulte, bien sûr, de la stimulation, mais aussi de la communication. La fierté d’appartenance constitue chez nous, par exemple, un atout majeur de l’entreprise, que nous mettons en avant. Et c’est d’autant plus essentiel, aujourd’hui, que nous peinons à trouver de la main-d’œuvre qualifiée comme des jeunes à former en interne.

Comment résolvez-vous l’équation entre produire en France et être compétitifs malgré le coût élevé du travail ?
Nos coûts sont impactés par les fluctuations des matières premières, l’énergie et les frais de personnels. Pour les matières premières, nous ne pouvons pas faire grand-chose face aux variations de prix. En revanche, nous optimisons les coûts de production en baissant nos dépenses énergétiques. Nous adaptons nos horaires de travail sur les machines consommant beaucoup d’énergie, en condensant le travail l’hiver, ou en démarrant très tôt le matin, l’été. Notre gestion de production tient compte de la maîtrise des coûts énergétiques et de la répartition des machines, c’est en cela que nous pouvons absorber les frais de personnels.

Le canal Internet vous inquiète-t-il ?
Il nous sert plus qu’il ne nous inquiète. Dans une maison comme la nôtre, il est assez significatif de rappeler que nous avons toujours été précurseurs dans les “ntic”. Nous avons mis en œuvre le premier logiciel de gestion commerciale dans notre métier, le premier CRM. Nous sommes partis très tôt dans ce domaine et nous continuons avec notre site Internet qui s’avère très évolutif. Le premier niveau se veut informatif et donne tous les renseignements techniques nécessaires. Le second niveau est dédié aux actionnaires. Quant au troisième étage, il est spécifiquement étudié pour la distribution. En clair, les clients auront accès au site, pourront visionner quelque 40 vidéos de présentation produits, et surtout demander un devis en ligne, qui sera routé sur le distributeur le plus proche, tout en bénéficiant des offres promotionnelles communes à tous. Le distributeur restera maître du processus, de la commande à la livraison, grâce, également à un process de géolocalisation, tout cela en temps réel. A nous alors, de faire en sorte que la disponibilité soit bien là !

Envisagez-vous de développer des MDD ?
Dans l’automobile, il n’existe pas de MDD en outillage à main et nous ne croyons pas qu’il puisse y en avoir. L’outil est le prolongement de la main et le réparateur éprouve le besoin de posséder de la marque et de reconnaître ses outils. En outre, les développements sont très durs et onéreux. Nous avons des marques propres, que nous mettons à la disposition de grands distributeurs et nous restons sur notre positionnement haut de gamme, qui nous a plutôt réussi jusqu’à aujourd’hui.

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Sam Outillage en quelques dates

1906 Création des Forges Stéphanoises, entreprise de forgeage des outils, par François Blanc.
1921 François Blanc développe les outillages à main forgés et dépose le nom de Sam Outillage, en hommage aux Américains et à la qualité de leur outillage (Oncle Sam). Prend comme emblème, le coupe-boulons, encore un “must” aujourd’hui.
1927 Après le décès de François, Félicien Blanc, son frère, prend les rênes et invente “la garantie à vie” dans l’outillage professionnel.
1961 Pierre Blanc, son neveu, rapproche Sam Outillage et Lauravia et engage l’entreprise dans l’international.
2001 Scission géographique entre les forges stéphanoises et Sam Outillage.
2004 Arrivée de l’ancien responsable de la production, Noël Guichard, à la présidence.
2011 Olivier Blanc devient directeur général et Frédéric Champavere, président ; tous deux sont arrière-petits-fils du fondateur et donnent une nouvelle impulsion au groupe.
2011 Rachat de PTS et de Rodac.
2013 Rachat de SOVA2i.

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ZOOM - Fabriqué en France !

Saint-Étienne, le 18 mars 2013 - SAM Outillage a eu l’honneur de recevoir sur son site historique de Saint-Étienne, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif.

En cette occasion, Frédéric Champavere, Président de SAM Outillage, a exposé au ministre la stratégie de l’entreprise et le plan “Cap 100” présenté en 2011 ; il a réaffirmé également la volonté de SAM Outillage d’œuvrer en faveur de la tradition et de l’innovation française.

“Cette visite ministérielle dans notre entreprise nous honore ; j’ai expliqué que ma volonté, aux commandes de SAM Outillage, est aujourd’hui de développer cette entreprise familiale séculaire. Forts de notre qualité de fabricant, nous concevons et développons les solutions techniques et technologiques qui n’existent pas encore aujourd’hui et qui vont rendre la mission de nos clients encore plus performante demain. Depuis deux ans et la mise en place de notre plan de développement stratégique, nous avons déjà réalisé trois acquisitions qui nous ont permis de renforcer notre offre, tant sur le plan des produits et des circuits de distribution avec PTS, que géographique avec Rodac. Grâce à Sova2i qui a rejoint notre groupe il y a moins de deux mois, nous nous sommes dotés d’un outil industriel performant pour nous permettre de relocaliser en France la fabrication des meubles de rangement et des servantes d’outillage.

Cette dernière acquisition devrait nous permettre, directement et indirectement, de créer une centaine d’emplois en France. Pour cela, nous avons besoin d’un climat de confiance. C’est ce que j’ai indiqué au ministre lundi” explique Frédéric Champavere, avant de poursuivre :

“Sur quelques facteurs exogènes, le soutien des pouvoirs publics serait important, voire déterminant. Il serait, par exemple, opportun et bénéfique de mettre en cohérence les paroles et les actes et de faire en sorte que le “Made in France” soit sinon favorisé, du moins pas occulté, et en particulier dans les marchés publics” a conclu Frédéric Champavere, avant d’offrir à Arnaud Montebourg quelques outils signés SAM Outillage dont le ministre a pu découvrir la fabrication sur place.

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