Marché du vitrage : 2011 inverse la tendance
C’est un marché qui pourrait être juteux pour les réparateurs : sur les dix dernières années, la fréquence et le coût global des sinistres bris de glace ont fortement augmenté. L’association SRA (Sécurité et Réparation automobiles), invoquant des conditions climatiques particulièrement défavorables, indique pour l’année 2010 une progression de 3 % (+ 7,5 % en 2009), pour un coût global estimé à 1,15 milliard. Cela dit, un tour d’horizon des principaux réseaux concernés, spécialistes ou non, permet de comprendre que 2011 marque un tournant avec un marché et une activité en baisse (à quelques exceptions près), certains parlant même de morosité. De manière générale, tous les réseaux ont néanmoins continué de s’agrandir, en termes de maillage, durant l’année, certains ajustant leur politique d’intégration, afin de reprendre le contrôle sur la qualité.
Le fardeau météo
“La tendance en 2011 est baissière, entre - 7 et – 10 %”, nous explique Jean-Pierre Carrot, président d’Inter Pare-brise. Des données exprimées par les responsables d’indemnisation au sein des compagnies d’assurances. Certains responsables d’enseignes ont même obtenu des chiffres supérieurs, jusqu’à - 13 %. Xavier Régembal, directeur commercial de France Pare-brise, estime “10 % de perte de volume par rapport à 2010”.
Il semble alors que les causes de ce déclin sont multiples, et surtout externes, forçant les réseaux à subir la baisse. “Dans notre saisonnalité, juillet est le mois traditionnellement le plus fort, mais il a été trop frais l’année passée, et, à l’inverse, l’hiver a été très doux”, selon Pascale Dubouis, directrice commerciale et marketing Carglass. En effet, le facteur météorologique est désigné à l’unanimité comme le premier à déterminer l’activité bris de glace. Or, 2011 était plutôt comme 2008, à l’inverse de 2009 et 2010, qui ont connu des tempêtes, expliquant en partie la forte progression. Concrètement, un hiver doux implique que les routes ne sont pas dégradées…
Il y a d’autres éléments conjugués : l’effet prime à la casse, la mise en place de franchises par les compagnies d’assurances, la taille du parc qui n’évolue pas, le nombre de kilomètres parcourus en baisse. Ce dernier élément étant intimement lié à la récente hausse du prix du carburant. De multiples facteurs sur lesquels les réseaux n’ont pas la main, qu’ils doivent appréhender et contourner pour maintenir leur activité. A cela s’ajoute une plus grande concurrence, avec la naissance de labels vitrage. “L’arrivée d’autres acteurs s’apparente à l’idée de la poule aux œufs d’or”, nous confie-t-on. Or, sur un marché considéré comme mûr en termes de volumes, l’essor passe par la prise de parts de marché. Et, dans un tel environnement, il ne faut pas perdre le sens des priorités. “Le tout est de ne pas forcer l’automobiliste à la réparation”, analyse Frédéric Deroy, responsable réseaux carrosserie et Pare-brise Center de Groupauto.
L’assurance d’une activité
Les réseaux doivent alors multiplier les différents clients, et il semble que la stratégie de conquête est différente selon qu’il s’agit d’un spécialiste du pare-brise ou d’un réparateur généraliste. Cependant, quelle que soit la nature, l’ancienneté ou le maillage, la pratique commune, qui est le principal apporteur d’affaire, le nerf de la guerre, c’est la prescription par les compagnies d’assurances. Il n’est pas un réseau qui ne travaille pas avec ces dernières, puisque ce sont elles qui dirigent les automobilistes vers les réseaux en cas de sinistre. Des prescriptions qui représentent en moyenne de 70 à 80 % de l’activité des enseignes de vitrage. Il y a cependant des fluctuations au sein même des réseaux, puisque des accords régionaux sont établis. En pratique, donc, certains sites travaillent avec des agréments, quand d’autres ont été plus passifs sur ce secteur-là. C’est ce que nous explique Frédéric Deroy pour le réseau Pare-brise Center : “Cette année, nous entrons dans la phase 2, avec un maillage national et un développement rationnel des grands comptes et du référencement. Nous sommes dans l’attente d’un gain de crédibilité pour faire les choses en grand, développer la télématique, et être enfin prêts à travailler avec les compagnies d’assurances. Nous voulons avoir cette offre globale au bout de deux ans.”
C’est le cas également pour l’enseigne Glass Auto Service. Son directeur commercial, Pascal Olu, évoque la disparité dans ce créneau de donneur d’ordre traditionnel, “parce que nous sommes des centres indépendants”. Marie-Pierre Tanugi de Jongh, présidente du directoire du réseau A+ Glass, évoque quant à elle la flexibilité à adopter : “Nous avons jusqu’à soixante accords, avec des grandes compagnies qui pèsent sur le marché et qui représentent 80 % de notre activité. Et pour cela, nous devons nous plier à leurs processus administratifs.” Pareil pour France Pare-brise. Comme Xavier Régembal l’explique, “avec les partenaires assureurs, nous sommes toujours dans la recherche d’améliorations. En parallèle, nous développons les partenariats avec le monde du courtage et de l’assistance”. Le complément, les 20 à 30 % d’activité restants, se fait par divers canaux. S’il y a une part non négligeable de présentations spontanées, difficilement estimable, il est encore question de négociations et d’accords. Avec les entreprises, en premier lieu. En effet, les offres aux flottes d’entreprises se multiplient. “Ce qui avait été développé avec les assurances est mis au service des entreprises, avec la rapidité de service, parce que nous sommes mono-produit”, met en avant Xavier Régembal. Christophe Scheidecker, directeur des partenariats de Norauto France, y enjoint une promesse de qualité : “Le cahier des charges en place avec nos deux principaux fournisseurs nous garantit 2 points essentiels : le vitrage que nous montons est conforme aux spécifications de l’origine ; et l’intervention est proposée dans les meilleurs délais grâce à une commande et une logistique en prise directe avec nos fournisseurs”.
Reste aux enseignes le choix de la pratique. Quelle stratégie adopter, entre privilégier les interventions en atelier et celles à domicile ? Tandis que l’offre aux professionnels se concrétise davantage par le déplacement des réparateurs, classiquement, pour les particuliers, les deux logiques s’affrontent. “Nous proposons des véhicules de remplacement, jamais en dessous de 4 et jusqu’à 30. C’est un investissement supérieur à une camionnette qui va se rendre sur place, c’est vrai”, indique Jean-Pierre Carrot, dont l’enseigne n’intervient pas à domicile. Xavier Régembal invoque des conditions de travail meilleures dans l’atelier, privilégiant cela avec également prêt de véhicule. A l’inverse, les réseaux très partisans de la réparation à domicile, tels que Carglass, où la mobilité représente 40 % de l’activité, opposent à cela la notion de délai. Si aucun véhicule de courtoisie n’est mis à disposition, un soin a été particulièrement apporté aux salles d’attente.
L’Afnor s’en mêle
Maintien de l’activité ou même prise de parts de marché ne riment qu’avec professionnalisme et formation. Nos interlocuteurs s’entendent là-dessus. Xavier Régembal regrette même “de faire un métier qui n’est pas reconnu. On est sur un marché où il n’y a pas d’école de formation. Il y a peu de personnel qualifié, et on se les pique les uns les autres”. Des organismes formateurs naissent donc au sein de chaque réseau, véritable plus-value brandie comme gage de qualité. Qu’ils se nomment Pare-brise Academy (Inter Pare-brise), Avaloria (A+ Glass), ou qu’ils soient en cours de création, ces organismes doivent d’abord servir à évaluer le niveau de compétences des opérateurs. Marie-Pierre Tanugi de Jongh y voit même des avantages dans le sens inverse : “Il peut y avoir un vrai transfert, avec quelqu’un de compétent et expérimenté qui nous apprend des choses. Nos formateurs gèrent cela, aussi bien le plan technique que l’accueil ou le management… tout est pris en compte.” Dans une autre mesure, certains réseaux sollicitent le GNFA et son module “Les techniques de remplacement et de réparation de tous types de vitrages (VL)”, qui revendique 75 % d’application pratique.
Outre l’accent mis sur la formation, les réseaux peuvent se réjouir de la mise en place depuis mai 2011 d’une norme technique. Si de nombreux griefs ont été portés à la profession, avec la dénonciation de pratiques peu scrupuleuses qui causaient du tort, in fine, au consommateur-automobiliste, voilà un cadre régissant désormais les bonnes pratiques. Seul souci, il s’agit d’une norme volontaire, que rien n’impose. Interrogés sur son application, les enseignes semblent saluer la naissance d’un tel texte et l’intégrer volontiers à leur pratique. Trois textes de l’Afnor, donc, déterminent les critères de réparation des impacts, le process de la prestation, ainsi que les critères de qualification de la réparation. Ce dernier a l’avantage de normaliser la formation initiale des opérateurs, qui doit “être assurée et tracée” : si “l’opérateur doit pouvoir définir si les impacts sont réparables ou non, et maîtriser la réalisation de la réparation”, “une attestation doit être délivrée à l’issue de la formation”.
Cependant, quelques-uns pensent que les initiateurs de ce texte ne sont pas allés assez loin. Inter Pare-brise souhaiterait “une norme au niveau des collages, parce que la réparation seule ne porte pas à gros péril. Nous applaudissons l’obligation de qualification du personnel. Consacrer du temps, faire du lobbying pour normaliser, c’est louable. Mais il faut plus de contraintes”. Du côté de France Pare-brise, c’est une norme sur les processus que l’on réclame, pour donner une garantie au consommateur. Avant de se réjouir : “Nous avons mis une limite à certaines pratiques en définissant et éliminant le surfaçage esthétique.”
La concurrence accroît les compétences
Parés de tels atours, les réseaux doivent plus que jamais concentrer leurs efforts sur le maintien de leur activité. Les conditions climatiques, les pratiques des automobilistes autant que la concurrence accrue le leur imposent. D’autant que 2012, à en croire nos interlocuteurs et dans la suite logique de 2011, n’apparaît pas sous les meilleurs auspices. Pour certains, la démarche consiste en un renforcement des bases. “Trop de réparateurs, par manque d’approche commerciale, laissent passer un volume d’activité. Il faut réapprendre que, lorsqu’un véhicule entre dans l’atelier, nous devons faire un tour complet !”, assène Frédéric Deroy.
D’autres l’abordent avec sérénité. “Nous n’adoptons pas de démarche agressive. Le plus difficile, c’est d’être performants en permanence. Même si le marché se crispe un peu, nous restons sur nos valeurs fondamentales, le but étant de rendre l’automobile sans surcoût, avec la même qualité”, fait savoir Jean-Pierre Carrot. Du côté de Carglass, on maintient la trajectoire axée sur la communication. “Le marché est fluctuant et, clairement, la publicité ne crée pas ce marché. Les Français sont des gens qui sont un peu inquiets, c’est là que joue la notoriété de notre marque. La communication les rassure, et valorise l’assureur qui nous les adresse.” Pour d’autres encore, il suffit de s’inscrire dans la continuité, en tenant le cap du suivi technologique. Apprendre à travailler des pièces plus complexes, plus grandes, plus lourdes, quitte à cibler un marché de niche, bien loin du 20/80. Ces pièces-là sont des pistes de développement. Le progrès technologique sur les trois dernières années est également important avec, aujourd’hui, la détection de pluie ou de lumière, pour ne citer que ces exemples.
Enfin, comme l’explique Christophe Scheidecker, une attention particulière est portée à la satisfaction clients : “Notre démarche est forte de la satisfaction des deux clients que sont l’automobiliste et l’assureur, en répondant à leurs attentes avec une démarche transparente. L’engagement, le coût moyen et le niveau de service pour l’assureur ; les pièces identiques à l’origine, la qualité de la main-d’œuvre et le contexte de l’enseigne pour l’automobiliste.”