Dieselgate : Renault dans la ligne de mire
Le Dieselgate, qui a secoué l'industrie automobile depuis 2015, connaît un nouveau rebondissement en France. Le parquet de Paris a requis le 25 juin un troisième procès pour tromperie aggravée, cette fois à l'encontre de Renault.
Après les poursuites engagées contre Volkswagen, puis contre les groupes Peugeot et Citroën, le constructeur au losange est suspecté d'avoir employé des stratégies similaires pour faire passer certains de ses modèles diesel aux normes réglementaires.
Selon les réquisitions transmises aux juges d'instruction, Renault aurait volontairement "calibré" des véhicules diesel Euro 5 et Euro 6 commercialisés entre 2009 et 2017, de manière à ce qu'ils respectent les limites d'émissions polluantes uniquement lors des tests d'homologation. En conditions réelles de circulation, les émissions de NOx (oxydes d'azote) auraient largement dépassé ces seuils.
Une pratique "collégiale" selon le parquet
L'enquête judiciaire, ouverte depuis plusieurs années, a donné lieu à de nombreuses expertises techniques et auditions. Pour la procureure en charge du dossier, les déclarations recueillies au sein de l'entreprise pointent vers une politique interne assumée.
"L'ensemble des déclarations des équipes travaillant sur la conception des moteurs diesel au sein de la SAS Renault tendait à démontrer que l'objectif en matière de dépollution était de passer la norme, en limitant de facto la norme au protocole d'homologation", estime le ministère public. Cette stratégie d'optimisation aurait été décidée collectivement.
En juin 2021, lors de sa mise en examen, Renault avait contesté toute volonté de tromperie et assuré s'être conformé aux règles en vigueur à l'époque. L'entreprise n'a pas réagi dans l'immédiat aux réquisitions du parquet.
Un impact sanitaire et commercial majeur
Au-delà du préjudice environnemental, le parquet évoque les risques sanitaires associés à ces pratiques. Le dépassement des seuils d'émission en usage réel est susceptible de contribuer à l'apparition de maladies respiratoires. Pour l'accusation, "cette norme devait trouver à s'appliquer aussi dans des conditions d'utilisation normale du véhicule", et non se limiter aux bancs d'essai.
L'affaire implique à ce jour 381 parties civiles, parmi lesquelles des particuliers, des ONG, des villes comme Paris, Lyon, Montpellier ou Grenoble, ainsi que des entreprises. Mais ce chiffre pourrait augmenter : la Répression des fraudes estime à près de 900 000 le nombre de véhicules concernés pour un seul type de moteur, générant un chiffre d'affaires de 16,85 milliards d'euros.
C'est aussi l'image du constructeur qui se trouve fragilisée. "À l'évidence, un consommateur qui se tourne vers Renault, un constructeur à l'excellente réputation, ne s'attend pas à ce que son véhicule ne soit pas conforme aux normes européennes en matière d'émissions polluantes", résume le parquet.
(avec AFP)