L'inégal marché de l'échappement
"Le marché de l'échappement est très concurrentiel, avec une sacrée bataille sur les prix. Ce n'est pas la gamme la plus simple à gérer pour un équipementier", pose d'entrée de jeu Adrien Mallinjoud, chef de produits chez Hella. Une guerre des prix dans un contexte inflationniste à laquelle cette gamme n'échappe pas, alors que les pièces qu'elle contient coûtent déjà cher en temps normal, compte tenu de leurs composants. Mais affinons le sujet.
Quand on parle de l'échappement, il faut distinguer deux, voire trois parties. Les deux principales, qui constituent la ligne d'échappement, sont la partie froide et la partie chaude. La première se compose des tubes et des silencieux, la seconde des catalyseurs et des filtres à particules (FAP). Le troisième groupe auquel on s'intéressera est celui des capteurs et sondes, indispensables pour contrôler l'état de cette ligne d'échappement. Il n'est donc pas aisé d'affirmer que "le marché de l'échappement se porte bien" ou inversement, car chaque pièce a sa vérité.
FAP et catalyseurs portent le marché
La partie froide continue sur sa mauvaise lancée. "Le silencieux d'échappement est de moins en moins remplacé sur les véhicules, car il ne rouille plus, est bien traité contre la corrosion et sa durabilité a été extrêmement améliorée au fil des ans", détaille Adrien Mallinjoud. Même constat chez DRiV, qui commercialise sa gamme d'échappement sous la marque Walker. Olivier Flasquin, responsable technique et formation, ajoute cette autre raison : "Auparavant, il y avait deux ou trois silencieux sur la ligne d'échappement. Il n'y en a plus qu'un, ce qui explique la baisse de la demande. De plus, le catalyseur et le FAP ont été ajoutés, réduisant l'encrassement et donc usant moins la partie froide de la ligne d'échappement."
Ces deux pièces – la partie chaude – portent donc le marché de l'échappement en termes de ventes. "Le catalyseur monte en puissance, même si nous ne sommes pas encore sur des chiffres énormes, note Serge Falco, directeur général d'Automotive Factory Parts. Son prix baisse, les automobilistes hésitent donc moins qu'avant à le changer." Première étape dans la ligne d'échappement, le catalyseur permet de rendre certains gaz toxiques moins nocifs avant de les envoyer dans le FAP, qui filtre les particules fines.
"Le FAP progresse aussi, mais reste relativement cher", ajoute Serge Falco. Ce filtre contient en effet des métaux rares pour éliminer gaz toxiques et particules fines dans les véhicules diesel. Hella, chez qui il est en "top vente", devant le catalyseur, propose deux types de FAP, avec différents matériaux. Le premier est en silicium. "C'est l'un des plus résistants et donc des plus chers à fabriquer. Il peut monter en température jusqu'à 2 000°, le rendant très efficace car plus on monte en température, plus on élimine des particules fines", indique Adrien Mallinjoud. L'autre catégorie comporte les FAP en cordiérite, gamme plus commune chez les équipementiers, qui ne peut monter en température que jusqu'à 1 400°. Des matériaux moins rares pour une pièce moins résistante sur le long terme, et moins chère. Cette gamme plus accessible représente 90 % des ventes de FAP de Hella.
Au-delà de ces pièces phares de la ligne d'échappement, les équipementiers proposent toutes sortes d'accessoires indispensables au montage, comme les colliers et caoutchoucs, mais aussi des additifs, notamment préventifs ou de régénération pour le diagnostic et l'entretien du FAP. Parlons enfin du SCR, système de réduction catalytique sélective qui permet d'injecter le liquide AdBlue dans le tuyau d'échappement. "Il y a encore peu de demandes à la rechange, et nous avons donc peu de références. C'est un système qui s'use peu et ne s'encrasse pas, contrairement au FAP. Il fonctionne différemment, avec un additif qu'est l'AdBlue, et il n'y a pas besoin d'intervention du garagiste pour faire du remplissage", pointe Olivier Flasquin. Rappelons que le système AdBlue a été imposé dans les véhicules diesel neufs par la norme Euro 6, dans le but de réduire les émissions de NOx.
S'adapter aux normes antipollution
Ce n'est pas la seule évolution que le système d'échappement a connue ces dernières années. FAP et catalyseurs ont aussi évolué pour répondre aux différentes normes. "Il y a aussi eu une réduction de la taille des modules pour les mettre dans une même boîte. On réduit le poids et l'encombrement, ce qui permet aussi d'améliorer la consommation", précise Olivier Flasquin.
Sur la partie froide, quelques mouvements sont aussi à signaler. "Certains fabricants utilisent des tôles plus épaisses, qui permettent aux pièces de tenir plus longtemps. Le coût est forcément plus élevé", informe Serge Falco. Chez DRiV, on constate aussi une évolution sur la partie bruit. "Aux États-Unis, on voit arriver des véhicules sur lesquels le conducteur peut réduire, directement via son tableau de bord, le nombre de décibels issus de l'échappement. Cela répond à certaines réglementations sur le bruit en ville aux États-Unis, et qui pourraient arriver en Europe", prévient Olivier Flasquin.
Mais c'est la partie chaude de l'échappement qui a le vent en poupe. Cela s'explique notamment par une sévérité accrue des normes antipollution au fil des ans. "Les directives et les normes fixées par l'État obligent les garages à se pencher de plus en plus sur les valeurs des gaz d'échappement et des émissions. Les contrôles des gaz d'échappement sont ainsi plus fréquents et plus précis. Le besoin en pièces de rechange augmente donc, expose Dimitri Knorr, responsable de l'électronique chez Meyle. Cela signifie aussi des coûts d'investissement plus élevés pour les garages, en raison des équipements de diagnostic et de mesure nécessaires, ou encore des formations pour leurs employés."
Pour le contrôle technique, la vérification de l'opacité des fumées a été renforcée en 2019. Le réseau Dekra avance une hausse des taux de refus pour motif "opacité excessive". Cela concernait 1,5 % des véhicules diesel contrôlés en 2018, et 3,5 % en 2022. Et qui dit contre-visite dit nécessité de changer les pièces en défaut. Cette aubaine pour le marché de l'échappement pourrait être encore plus forte.
"Dans le Benelux depuis un an, mais aussi en Allemagne et en Suisse, on constate des +150 % en termes de remplacement de FAP et de catalyseurs. Pourquoi ? Ils sont passés sur des tests de particules et vont beaucoup plus loin qu'en France dans le diagnostic et le test du produit. Ici, les tests permettent de voir un défaut sur la dépollution, mais pas d'identifier réellement le produit en défaut. Si un catalyseur ou un FAP est usé à 50 %, il peut quand même passer le contrôle technique, souligne Olivier Flasquin. Le jour où le comptage de particules arrivera en France, ce marché augmentera."
Cela pourrait arriver d'ici un à deux ans, entraînant une poussée soudaine du marché qui pourrait pousser les plateformes à stocker davantage les pièces liées à l'échappement. "Que ce soit en région parisienne ou en province, beaucoup ne traitent pas ce marché, confirme Serge Falco. Il n'y a pas deux pièces identiques, elles prennent de la place, sont difficiles et chères à stocker…" Située à Gennevilliers (92), la plateforme de distribution Auto-motive Factory Parts (AFP) que dirige Serge Falco fait presque figure d'exception. Avec quelque 1 000 m² (au sol) de stockage dédiés à l'échappement, la plateforme recense entre 4 000 et 5 000 références : du MTS en premier lieu, mais aussi du BM Catalysts, du Walker et d'autres marques. "Nous avons l'avantage de continuer d'avoir de la croissance sur ces pièces. Quand vous travaillez bien le produit, il continue de se développer", poursuit Serge Falco.
Pour contourner les difficultés de transport de la ligne d'échappement, souvent déjà montée, la gamme Easy2Fit de Hella se compose de pièces emballées et envoyées séparément. Initiée en 2017 par Faurecia, elle a été confiée à Hella après le rachat de 2022, qui a donné naissance à Forvia. "C'est aussi un avantage en atelier, car il suffit d'un mécanicien pour monter les pièces. Or, quand la ligne est déjà montée, ils doivent être deux car elle est longue", précise Adrien Mallinjoud.
Des capteurs à remplacer
S'il y a bien une pièce qui ne prend pas de place et que les plateformes n'hésitent pas à stocker, c'est le capteur. Celui-ci fait partie intégrante de la ligne d'échappement. Ou devrait-on plutôt dire "ceux-ci" ? "La quantité de capteurs requis augmente, tout comme les exigences auxquelles ils doivent répondre, informe Dimitri Knorr chez Meyle. L'utilisation de capteurs de haute précision est toujours plus répandue. Ils sont particulièrement nécessaires pour la gestion du moteur et des gaz d'échappement, car c'est la seule façon d'optimiser les moteurs à combustion modernes, qui sont soumis à des normes d'émissions de plus en plus strictes. Pour garantir une combustion propre et une puissance efficace du moteur, on installe aujourd'hui jusqu'à dix capteurs de température des gaz d'échappement dans un véhicule. Cela fait naturellement grandir la demande."
Le capteur de température fait partie des trois catégories que l'on retrouve sur la ligne d'échappement. Celui-ci évolue peu au fil des ans, et est généralement remplacé en cas de manutention à proximité. Il peut aussi être défaillant à la suite de son exposition aux températures élevées de la ligne.
On retrouve ensuite les capteurs de pression, qui se distinguent des capteurs de pression différentielle, d'échappement et de haute pression. "Ils mesurent la pression à des endroits différents, par exemple avant et après le FAP pour vérifier son bon fonctionnement. C'est un élément de sécurité", illustre Sébastien Tanneau, coordinateur technique aftermarket Niterra, qui a lancé sa première gamme de capteurs de pression en septembre 2023. Les 73 références, qui seront suivies d'autres, couvrent déjà 64 % du parc. "Les capteurs de pression se remplacent un peu plus souvent que les capteurs de température, car ils ont moins de réactivité et se mettent rapidement en défaut", ajoute Sébastien Tanneau. La présence des FAP sur les véhicules essence depuis plusieurs années accroît aussi le nombre de capteurs de pression sur cette catégorie de véhicules, boostant les ventes dans leur ensemble.
C'est cependant la sonde lambda qui est la plus sollicitée à la rechange. "Elle sert à mesurer la quantité d'oxygène dans les gaz d'échappement en comparaison avec l'air ambiant, afin de savoir si le mélange est trop riche ou trop pauvre, rappelle Sébastien Tanneau (Niterra possède 598 références de sondes lambda). Le garagiste doit la remplacer quand il change le catalyseur, car elle se situe avant et après celui-ci. Si elle n'est pas changée, le calculateur peut vite la mettre en défaut et l'automobiliste va devoir retourner chez le garagiste. La sonde lambda peut aussi être encrassée, du fait d'une surconsommation d'huile, par exemple." L'évolution majeure des dernières années a fait émerger les sondes lambda linéaires, plus précises et plus réactives.
Si l'électrification du parc va réduire le nombre de véhicules thermiques, les équipementiers ont encore une vingtaine d'années devant eux avant d'en subir les conséquences sur le marché de la rechange. "Ce sera un défi qui poussera les entreprises à évoluer. Une réorientation ou un repositionnement sera bientôt indispensable pour nombre d'entre elles", estime Dimitri Knorr. Il y a encore le temps, mais personne n'y échappera.