Nicolas Touchant, Autodistribution : "Coller aux besoins réels de nos clients"

Le Journal de la Rechange et de la Réparation : Vous avez pris en mars dernier la responsabilité des directions commerciales, marketing, pricing et logistique pour les activités de distribution VL. Quels sont les grands axes stratégiques que vous souhaitez impulser dans ces différents domaines ?
Nicolas Touchant : Cela fait bientôt vingt ans que je connais le groupe Autodistribution puisque j’y suis entré à l’époque en stage. J’ai quitté l’entreprise fin 2009 pour revenir en 2016. Nous avons d’abord créé une direction pricing, puis j’ai repris la direction commerciale B2B. Depuis mars, nous avons également regroupé plusieurs services dans une direction commerciale élargie au support aux opérations, qui intègre la logistique. Pour chacun de ces domaines, il y a des priorités spécifiques, mais un fil rouge demeure : comment optimiser le parcours client et valoriser l’ensemble de notre offre, de la recherche de pièces à la livraison, en passant par tous les services associés.
Sur la partie commerciale, nous sommes challengés par de nouveaux modèles.
Notre différence repose sur une forte présence terrain, avec des commerciaux itinérants et sédentaires. L’objectif est de renforcer ces équipes alors que notre offre ne cesse de s’élargir face à un parc roulant qui vieillit tout en intégrant des modèles électrifiés, des marques chinoises, etc. Sans oublier les services : formation, solutions Pass-Thru, équipements d’atelier…
En marketing, l’objectif est d’individualiser toujours plus la relation client, en complétant l’action commerciale : prospection, relance sur certaines familles de produits, accompagnement ciblé. Quant au pricing, il faut tenir compte du vieillissement du parc qui conduit les clients à chercher des solutions économiques. Il faut donc être capable de proposer une gamme adaptée, tout en valorisant nos services, qui représentent un coût et nécessitent d’être défendus face à la pression tarifaire du web. L’enjeu est moins de modifier nos prix que de mieux les expliquer et les défendre, pour aider nos réparateurs à rester compétitifs avec le meilleur équilibre prix/service pour les automobilistes.
J2R : Quid de la logistique ?
N.T. : Nous voulons absolument nous distinguer par notre capacité à répondre "Oui j’ai" à nos clients, quels que soient leurs besoins. Cela suppose d’élargir sans cesse nos gammes, pour les véhicules récents comme pour les anciens, avec de la MDD ou du premier prix si nécessaire. L’objectif reste d’aider nos réparateurs à pouvoir intervenir sur tout type de véhicule.
J2R : Vous avez piloté la refonte des outils commerciaux pour vos vendeurs itinérants et sédentaires. Où en est ce chantier ?
N.T. : Notre ancien outil eBook, lancé il y a plus de dix ans, a été entièrement repensé. Nous avons créé Hub360, aujourd’hui utilisé par plus de 200 commerciaux sédentaires et itinérants, chez quelques distributeurs pilotes. Les retours de ces pilotes nous permettent d’affiner la solution, qui sera déployée à grande échelle l’an prochain.
Hub360 va bien au-delà de l’ancien outil.
Il regroupe toute l’offre produits et services, intègre les promotions locales et nationales, structure la relation client (préparation et compte rendu de visite) et apporte de la coordination entre équipes sédentaires et itinérantes. Les commerciaux disposent aussi de statistiques en temps réel, d’un accès direct à Autossimo, et peuvent échanger instantanément autour d’un client.
J2R : Dans un marché de plus en plus concurrentiel, comment le groupe Autodistribution travaille-t-il l’accompagnement et la fidélisation de ses clients réparateurs ?
N.T. : Être présent auprès de nos clients reste notre premier atout. Cette proximité est notre ADN et elle est essentielle pour les accompagner au mieux. Ensuite, notre force est d’offrir une gamme généraliste très large, tout en développant des expertises de multispécialiste sur certaines familles.
L’équilibre est difficile, mais si nous réussissons, peu d’acteurs peuvent rivaliser avec une telle offre. Notre service client couvre tout le parcours : identification de la pièce, disponibilité, gestion efficace des retours et des garanties, formation, diagnostic… Nous ne sommes plus seulement un distributeur de pièces, mais un partenaire du quotidien des réparateurs. Un acteur web, par exemple, ne peut pas offrir ce niveau d’accompagnement.
J2R : Quelle place souhaitez-vous donner à la digitalisation dans la relation commerciale ?
N.T. : Elle est déjà centrale. Notre catalogue électronique Autossimo représente plus de 50 % des achats en B2B. Nous enrichissons sans cesse cet outil pour qu’il ne soit pas qu’un moteur de recherche de pièces, mais aussi un support de devis, de paramétrage de prix de revente, et un relais vers les DMS.
Nous avons aussi beaucoup progressé sur la gestion des retours grâce à une application qui simplifie et accélère le processus. Au-delà , nous travaillons sur l’expérience client globale via Autodistribution&Moi en B2B et AD.fr notamment, avec des interfaces adaptées aux usages mobiles, car les professionnels eux-mêmes utilisent de plus en plus leur smartphone en atelier. L’enjeu est d’être toujours au plus près du parcours client.
J2R : Isotech a pris une place importante dans l’offre du réseau Autodistribution. Quelle stratégie mettez-vous en place pour mieux valoriser votre MDD et la différencier face aux marques d’équipementiers ?
N.T. : Notre MDD répond à des besoins spécifiques pour les véhicules âgés, tandis que l’offre des équipementiers restera majoritaire. Nous positionnons Isotech comme une gamme premium, de qualité équivalente à celle des équipementiers, contrairement à certaines pseudo-MDD à bas prix qui circulent sur le marché.
Le véritable enjeu est de montrer que notre MDD est une alternative qualitative, et de l’élargir progressivement pour couvrir l’ensemble des besoins de réparation d’un parc plus âgé. Mais selon les cas, nous devons aussi proposer du premier prix pour répondre à certains besoins. L’important est d’avoir une offre adaptée à chaque situation : équipementier, MDD premium ou premier prix.
J2R : Le marché reste sensible à la question du prix, surtout dans un contexte inflationniste. Comment conciliez-vous compétitivité tarifaire et maintien de la rentabilité ?
N.T. : C’est un équilibre difficile. L’inflation a donné l’impression à beaucoup d’acteurs de bien performer, mais aujourd’hui, la pression sur les coûts et sur les prix de vente se resserre. Certains cassent les prix, d’autres cherchent à proposer des modèles alternatifs. Notre stratégie est de donner de la clarté : montrer qu’il existe différents niveaux de service et de qualité de pièces, et que le prix doit être compris dans ce contexte. Nous devons défendre la valeur de nos services et optimiser en permanence la productivité et la logistique.
J2R : Quels sont selon vous les prochains grands enjeux en matière de pricing ?
N.T. : Nous avons beaucoup progressé depuis 2017-2018 grâce à l’exploitation des données. L’intelligence artificielle peut nous aider à mieux comprendre les besoins clients et les inducteurs de choix. Deux grands axes se dégagent. Tout d’abord, il faut adapter le prix en fonction du véhicule (âge, segment, valeur résiduelle).
En outre, nous voulons différencier le pricing en fonction du niveau de service, comme nous le faisons déjà avec plusieurs gammes de produits.
L’objectif est d’offrir de la lisibilité et de proposer les alternatives les plus adaptées aux besoins réels des clients.
J2R : Le groupe Autodistribution vient d’investir plusieurs millions d’euros dans sa plateforme nationale Logisteo. Quels sont vos prochains projets logistiques ?
N.T. : Logisteo est une clé de réussite majeure. Le groupe continue d’investir massivement dans le stock, ce qui pourrait ne pas être une évidence dans le contexte économique actuel. La plateforme permet d’optimiser la gestion des gammes élargies et de traiter des produits complexes à stocker, comme la peinture ou les produits dangereux.
Les réflexions portent aussi sur des familles comme le pneumatique ou la carrosserie, plus encombrantes. Ce ne sont pas de grands projets, mais des chantiers permanents pour maintenir un haut niveau de service tout en accompagnant la croissance.
J2R : Un mot plus personnel : après presque vingt ans au service d’Autodistribution, qu’est-ce qui vous motive le plus dans vos nouvelles responsabilités ?
N.T. : Le marché évolue aujourd’hui beaucoup plus vite qu’auparavant. C’est d’autant plus stimulant qu’il reste porteur grâce au vieillissement du parc. Nous avons la chance d’appartenir à un groupe ambitieux, capable d’investir tout en restant pragmatique et proche du terrain.
Ce qui me motive le plus, c’est ce va-et-vient permanent entre la stratégie et l’opérationnel.
Enfin, l’aspect collectif et entrepreneurial est très motivant : chacun peut porter un projet, le tester et, s’il fonctionne, le déployer rapidement. Tout cela au sein d’un collectif très fort et très engagé. C’est une culture d’entreprise rare et précieuse, qui rend ce métier d’autant plus passionnant.