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NTN-SNR veut réinventer la roue !

Publié le 8 janvier 2015
Par Frédéric Richard
4 min de lecture
On connaît l’implication de longue date de plusieurs acteurs dans la conception de chaînes cinématiques alternatives, basées sur des moteurs électriques intégrés aux roues du véhicule. Hydro-Québec a présenté son prototype en 1994, suivi de Michelin en 2004, puis Schaeffler l’année dernière, et voici maintenant un acteur plus inattendu, le concepteur et fabricant de roulements NTN-SNR, qui nous livre son étude de style.
On connaît l’implication de longue date de plusieurs acteurs dans la conception de chaînes cinématiques alternatives, basées sur des moteurs électriques intégrés aux roues du véhicule. Hydro-Québec a présenté son prototype en 1994, suivi de Michelin en 2004, puis Schaeffler l’année dernière, et voici maintenant un acteur plus inattendu, le concepteur et fabricant de roulements NTN-SNR, qui nous livre son étude de style.

Le moteur-roue n’est pas à proprement parler une innovation technologique. Il y a plus de cent ans, un certain Ferdinand Porsche s’y essayait sur sa Lohner hybride. Même si le concept global a mis plus d’un siècle à intéresser de nouveau les ingénieurs, depuis une dizaine d’années, l’automobile semble vouloir explorer de nouveau cette piste. Après Michelin et son active Wheel en 2004, Schaeffler et son e-Wheel Drive en 2013, c’est au tour de NTN-SNR de présenter In-Wheel Motor, fruit de cinq ans de travaux acharnés de la part des équipes japonaises et européennes du groupe.

Pourtant, le moteur-roue ne constitue pas une solution technique de grande diffusion à moyen terme. Alors, qu’est venu faire un fabricant de roulements dans une telle galère ?

La réflexion autour du moteur-roue de NTN-SNR découle en fait d’une étude de compréhension du marché. Aujourd’hui, l’automobile vit une profonde mutation, avec notamment la pression grandissante sur la réduction de la consommation. Le développement des motorisations électriques, hybrides ou micro-hybrides en est la preuve criante. Sauf que l’hybridation implique deux chaînes de traction dans le véhicule, induisant complexité, masse, encombrement… D’où l’idée d’intégrer des moteurs électriques dans les roues. Une solution qui permet de s’affranchir de la transmission, de la boîte de vitesses, des roulements de roues…, bref, magique, en tout cas de prime abord. Car si l’on analyse froidement tous ces composants, on constate rapidement qu’ils sont les plus gros pourvoyeurs de ventes pour NTN-SNR ! Ainsi, “très vite, nous avons identifié l’importance de nous positionner sur les alternatives à l’hybridation classique, pour cette raison. Si le moteur-roue se développe, nous risquons de perdre une grosse partie de notre business. Autant nous y préparer, en investissant maintenant pour nous poser en leaders de ce futur marché”, estime Vincent Pourroy-Solari, Automotive Innovation Manager de NTN-SNR. Par ailleurs, ne cachons pas que, pour l’ancienne filiale de Renault, il s’agit d’explorer toutes les pistes afin de tenter d’isoler les solutions les plus pérennes à l’avenir et de déterminer le seuil d’acceptation des constructeurs face à certaines technologies.

Principes de base

In-Wheel Motor est un moteur-roue de 30 kW, présentant 500 Nm de couple, offrant des performances “classiques” pour un véhicule du segment A ou B. Avec toutes les caractéristiques inhérentes à un moteur électrique, à savoir une accélération très forte de 0 à 50 km/h, un couple disponible de suite. La vitesse maxi s’affiche quant à elle à 150 km/h, selon NTN-SNR.
Tout a été développé en interne, en droite ligne de la stratégie évoquée plus haut, et qui consiste à être positionné dans le cas où la technologie se développerait massivement. D’ailleurs, le moteur est homologué pour 300 000 km à ce jour, et le fabricant lui a fait passer les tests couramment demandés par les constructeurs (étanchéité, vibrations, chaud, froid…), afin de valider sa fiabilité.

In-Wheel Motor tourne dans les deux sens, en couple positif comme en négatif. Ce qui signifie qu’il peut faire de l’accélération ou du freinage (régénération), et ainsi fonctionner comme un alternateur. Bien entendu, en pilotant l’électronique de deux ou quatre moteurs (selon l’application), cette technologie autorise la gestion du contrôle dynamique de véhicule, en modifiant le couple appliqué indépendamment sur les roues en cas de besoin (Torque Vectoring). Les moteurs fonctionnant sur une consigne de couple ou de vitesse, il est ainsi également facile d’intégrer les fonctions de différentiel.

La question du comportement du véhicule

Le comportement du véhicule constitue un élément clé dans la problématique du moteur-roue. En effet, en augmentant les masses non suspendues par rapport à un véhicule classique, la voiture équipée peut se révéler complexe à équilibrer, par dégradation de la dynamique de suspension. Toutefois, Vincent Pourroy-Solari souligne que “le comportement global du véhicule n’est pas impacté par la présence d’un moteur-roue. Il pourrait même, à la marge, se révéler meilleur, en raison d’un centre de gravité plus bas. Il faut donc distinguer confort et comportement dynamique”.

Concepts radicalement différents

E-Wheel Drive, la technologie de Schaeffler, fonctionne en “direct drive”, c’est-à-dire que le rotor du moteur n’est ni plus ni moins que la jante. Cela permet une meilleure intégration dans la roue, mais il reste également moins de place pour installer le système de freinage. Ainsi, Schaeffler a été forcé d’utiliser des disques de freins avec étriers inversés à l’intérieur du disque dans son système, pour des questions d’encombrement de son moteur.

Par ailleurs, ce système n’utilise pas de réducteur. Ainsi, le moteur tourne lentement (environ 1 200 tr/min, pour une vitesse de 130 km/h), ce qui oblige le fabricant à installer de nombreux aimants dans son moteur, afin de ménager un couple suffisant. De la masse additionnelle certes, mais il faut surtout voir que ces kilos supplémentaires viennent principalement de terres rares et de cuivre, des matériaux coûteux. Pour répondre à ces deux problématiques critiques, NTN-SNR se félicite de choix radicalement différents. En effet, In-Wheel Motor est tout d’abord le seul suffisamment compact sur le marché pour conserver le système de freinage de série du véhicule. In-Wheel Motor se montre certes un peu plus complexe dans sa transmission, utilisant un réducteur, qui pénalise l’encombrement. Pour les connaisseurs, il s’agit d’un réducteur cycloïde, sur le principe du spirographe, sans trains de pignons, qui permet un rapport de réduction très élevé, dans un volume plus restreint. En utilisant cette astuce, NTN-SNR peut faire tourner son moteur beaucoup plus vite, et donc disposer du maximum de puissance pour un coût réduit.

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ZOOM - De la table à dessin à la route

Après avoir reçu l’Automechanika Innovation Award en 2012, NTN-SNR a présenté son moteur-roue en situation, sur un véhicule homologué. Une Honda Civic de série, modèle d’occasion transformé pour accueillir la technologie du moteur-roue et homologué pour la conduite au Japon, a ainsi été dévoilée, pour faire découvrir la technologie. Ce véhicule est équipé de deux moteurs-roues de 30 kW à l’arrière, avec un couple de 490 N/m, la batterie étant située à l’avant et lui permettant de rouler jusqu’à 150 km/h. Le poids total du véhicule ainsi modifié est le même que le poids d’origine et la voiture offre un confort de conduite tout à fait satisfaisant, d’après ses concepteurs. Ce véhicule permet également de montrer les atouts du moteur-roue pour le développement de modèles existants : il autorise un contrôle du couple très précis et les accélérations même faibles se font sans à-coup. En outre, il ne nécessite pas de transformation importante de châssis, se révèle peu encombrant et permet de conserver le système de freinage d’origine.

Parallèlement, NTN-SNR a développé avec le constructeur automobile français Lazareth un véhicule urbain original, homologué pour la conduite en Europe dans la catégorie des véhicules légers de moins de 400 kg avec permis (L7e), sa vitesse est ainsi limitée à 75 km/h. Il est équipé de deux moteurs-roues de 4 kW chacun. Ce véhicule, prêté à la mairie d’Annecy (Haute-Savoie, France) a roulé dans la ville durant plus d’un an.
 

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