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Equipementiers

TMD, l’expertise d’un fabricant de plaquettes

Publié le 13 mars 2014
Par Frédéric Richard
5 min de lecture
TMD Friction, racheté par le groupe japonais Nisshinbo il y a deux ans, est l’un des rares véritables fabricants en Europe qui développe et produit des plaquettes de frein pour tout un aréopage de marques. Aujourd’hui, pour le groupe et sa filiale France, il s’agit de mettre en avant les marques maison, Textar et Mintex.
TMD Friction, racheté par le groupe japonais Nisshinbo il y a deux ans, est l’un des rares véritables fabricants en Europe qui développe et produit des plaquettes de frein pour tout un aréopage de marques. Aujourd’hui, pour le groupe et sa filiale France, il s’agit de mettre en avant les marques maison, Textar et Mintex.

En matière de freinage et de plaquettes en particulier, l’offre pléthorique en distribution cache un volant très restreint de fabricants. Ainsi, depuis le rachat des activités freinage d’Honeywell (Bendix et Jurid) par Federal-Mogul, le paysage européen de la production de plaquettes ne compte plus que deux acteurs principaux, le groupe précité et TMD Friction. Et ces deux fabricants alimentent les packagings de nombreuses marques, parfois prestigieuses, sans que leur propre nom n’apparaisse.

Chez TMD Friction France, Benoît Pradaud, directeur aftermarket France et Belgique, tente pourtant de relancer Textar et Mintex en rechange. Et la tâche n’est pas simple. Si, depuis trois ans, les parts de marché de TMD en rechange sont bien passées de 3 à 7 %, la croissance se révèle aujourd’hui difficile, car l’offre Textar se retrouve face aux gammes de groupes renommés comme Bosch ou TRW, et il se révèle particulièrement complexe de s’immiscer sur l’échiquier. Tout le paradoxe réside dans le fait que, malgré toutes les qualités de ces entreprises, elles ne sont pas fabricantes en OE, tandis que Textar dispose de ses usines de première monte et également d’aftermarket, qui constituent le gage de la qualité des produits. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité mettre en avant cette expertise industrielle devenue rare, en vous expliquant comment on fabrique une plaquette aujourd’hui, et combien les contraintes sécuritaires et environnementales pèsent sur ceux qui choisissent de maîtriser eux-mêmes leur production.

La production

L’usine TMD Friction de Leverkusen, où se trouve également le siège historique du groupe, est spécialisée dans les gros volumes, et ne fait donc que de l’OE, sous plusieurs marques, selon les référencements constructeurs, comme vous allez le voir.

Une plaquette de frein se compose globalement de deux pièces principales. Le matériau de friction, qui a pour mission de dissiper l’énergie cinétique lors du freinage, et son support, une plaque métallique qui prend place dans l’étrier et reçoit le piston qui serre la plaquette sur le disque. La composition du matériau de friction relève de la recette de cuisine, mais il s’agit d’une chimie très complexe, dans laquelle entrent plus de 25 matières premières pour un mélange. En tout, TMD Friction dispose, chez ses fournisseurs du monde entier, de plus de 700 composants. 300 à 400 sont utilisés régulièrement, les autres servant dans le cadre d’applications spécifiques. On voit ici un mélangeur de l’atelier de prototypage de 60 kg, mais les machines destinées à la production sont capables de fournir environ 400 kg de mélange (photo 1). Un mélange qui se présente comme une poudre, renfermant principalement des agents de friction (silicates de zirconium, carbure de silicium) et la charge, composée de barytes, mica, et de métaux tels que l’acier, le cuivre et des métaux non ferreux. Ils apportent un frottement important, et dissipent les calories, le cuivre étant par exemple très conducteur de chaleur. Pour assurer la cohésion de l’ensemble, on ajoute des résines phénoliques et du caoutchouc.

Le support d’acier ou plaque d’appui n’est pas fabriqué en interne et se négocie auprès de fournisseurs extérieurs. La première étape du process chez TMD consiste à déposer dessus un film de colle spécifique, qui servira à retenir en partie le matériau de friction et à assurer la résistance au cisaillement de l’ensemble (2). Puis trois lignes de six presses chacune se chargent de l’opération suivante, la plus importante dans la fabrication d’une plaquette.

Le mélange constituant la base du matériau de friction, acheminé par de larges pipelines à partir du laboratoire de préparation, tombe dans des moules à la forme exacte de la plaquette définitive, en deux étapes. Car deux couches différentes de mélange composent une plaquette. La première, épaisse, est constituée du matériau de friction proprement dit. La seconde, en contact direct avec le support acier, est notamment plus chargée en caoutchouc. Elle améliore le comportement à la fissuration et les caractéristiques de confort de la plaquette. En outre, elle réduit le transfert de chaleur, assure une résistance au cisaillement et optimise le comportement acoustique. On recouvre cet ensemble avec le support en acier. La presse se referme alors pendant trois à cinq minutes, tandis que le moule est chauffé à 180 °C environ, selon les applications (3 et 4). Cette opération comprime et cuit littéralement le matériau, vulcanise les caoutchoucs et les résines, et stabilise définitivement le produit. On ne voit ici qu’un moule servant à réaliser des prototypes. Le système est le même en situation réelle de production, mais les machines, confidentielles, ne peuvent être photographiées. La plaquette semble maintenant terminée, mais elle doit encore subir plusieurs étapes (5). A la sortie de la presse, les plaquettes sont stockées en racks et placées dans un four pendant six à huit heures à 200 °C, pour finaliser la cuisson de la matière (6).

Elles s’acheminent ensuite vers les lignes de finition. Une finition primordiale, puisqu’elle consiste à ébavurer les bordures de la plaquette apparues en sortie de moulage, puis à surfacer le matériau de friction. Lors de cette opération, une ligne automatisée prend tout en charge. Les plaquettes passent tout d’abord sous des rouleaux abrasifs qui aplanissent sa surface, puis elles sont de nouveau enfournées dans un tunnel chauffant, qui va élever la température de la surface de la plaquette jusqu’à 400 °C pendant un temps très bref (7). Ce qui correspond au premier freinage en situation, au “rodage” qu’effectuaient jadis les réparateurs avant de rendre le véhicule, pour s’affranchir des phénomènes de fading. S’ensuivent les opérations de chanfrein latéraux sur certaines références, qui permettent de limiter le bruit au freinage.

On vient ensuite riveter les plaques antibruit métalliques à l’arrière de la plaquette, ainsi que les différents clips de fixation dans les étriers (8). Les plaquettes sont maintenant peintes (ligne à poudre et four), puis marquées avec l’indication de la norme R90, le nom du systémier (ici, TRW ou ATE) ; la référence Textar (le fabricant), le nom du constructeur, la date de fabrication et la référence du mélange utilisé. La plaquette est maintenant terminée (9 et 10).

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FOCUS - Un marché de spécialistes

Les plaquettes de frein constituent des éléments de sécurité primordiaux dans une automobile. A ce titre, leur process de fabrication répond à des normes strictes, sans parler de celles que s’imposent les fabricants, qui engagent leur responsabilité. Effectuer un freinage appuyé, c’est assez simple, même pour une plaquette bas de gamme. Mais nous parlons ici d’un composant OE, qui doit être capable d’effectuer de nombreux freinages d’urgence successifs, par des températures extérieures allant de - 20 à parfois + 40 °C, pendant une longue descente en montagne par exemple, puis, tout de suite après, reprendre la route normalement, sans bruit ni vibration… Sans oublier que ces performances doivent être maintenues durant toute la durée de vie de la plaquette ! On comprend donc que, pour accorder leur confiance à un équipementier du freinage, les constructeurs soient particulièrement regardants sur l’expertise du fabricant. Ainsi, lors de chaque “appel” d’offres, les équipementiers en lice doivent composer une nouvelle formule de matériau de friction, pour répondre au cahier des charges draconien de la marque. Ce développement, associé à la fabrication de centaines de plaquettes prototypes, plus des milliers de kilomètres de roulage et de tests, présente un coût de plus d’un million d’euros par application, sans même être sûr de remporter le marché ensuite…

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