TR 2020 : Fradis, un modèle sur le devant de la scène
Si Fradis cultive sa discrétion, son histoire tout autant que sa réussite mériteraient d’en faire un livre. Après APA Carmoine l’an passé, les Trophées de la Rechange récompensent encore une fois en 2020 un représentant d’Autodistribution, et encore une fois un acteur référent du métier. À l’image de son entreprise, Thierry Michel n’est pas du genre à chercher la lumière. Et quand il accepte que les projecteurs se braquent sur lui, c’est avant tout pour défendre sa corporation, son groupement et ses confrères.
Homme de valeur, droit dans ses bottes, comme l’a souligné l’un des membres de notre jury, le dirigeant aurait pourtant tout pour rouler des mécaniques en étant à la tête d’une institution fondée il y a 45 ans, comptant 168 salariés et pesant un chiffre d’affaires d’environ 32 millions d’euros. À l’heure de recevoir ce titre de Distributeur Groupe de l’année, Thierry Michel juge ainsi que cela vient d’abord et avant tout récompenser “le travail accompli durant toutes ces années et l’engagement de tous nos salariés”.
Il y voit aussi “un beau clin d’œil du destin, un peu plus d’un an après la disparition de mon père”. Ce père, Alain Michel, par qui l’histoire de France Distribution a commencé… Après des débuts chez Simca, une expérience chez Carre, autre institution de la rechange de l’après-guerre, puis une autre chez Total, ce fort caractère, lassé de devoir rendre des comptes à des patrons, veut voler de ses propres ailes.
Le père met la pression, le fils pose ses conditions
Avec son épouse, il lance en 1975 sa première boutique de pièces détachées, à Pierrefitte (93). Cinq ans plus tard, la fibre entrepreneuriale vibre toujours autant et Alain Michel souhaite voir son fils le rejoindre. “J’ai envie de développer la société, mais je ne le ferai que si tu me suis”, lui dit-il en substance. Thierry Michel accepte, mais à deux conditions. La première, qu’il puisse finir ses études supérieures ; la seconde, que le paternel prenne sa retraite à l’heure venue et lui cède les rênes. Deal accepté. Après avoir fait prépa HEC puis l’Essec, Thierry Michel intègre Fradis en 1987 et en prendra la présidence en 1999. Douze années très formatrices, où il découvre les rouages de son métier et de ses instances.
Un beau clin œil du destin, un peu plus d'un an après la disparition de mon père"
C’est aussi durant cette époque que le distributeur croise la route d’Autodistribution. Dans les années 80, suivant son ambition de croissance, Alain Michel quitte Pierrefitte pour s’implanter à Groslay, dans le Val-d’Oise, un département où le groupement à la bannière rouge et bleue n’est pas représenté. Les deux entités sont faites pour s’entendre. En 1990, Fradis intègre officiellement le giron d’Autodistribution. Avec le départ du fondateur à la fin de la décennie, l’entreprise ouvre un nouveau chapitre et accélère son développement. À la différence de son père, chef de bande omniprésent, Thierry Michel est un patron plus mesuré, prêt à déléguer et qui sait s’entourer. Marc Jouas, ami de lycée, actuel directeur général et véritable bras droit, en est la preuve vivante. En revanche, il partage avec son paternel cette idée selon laquelle il faut avoir une maîtrise aussi complète que possible de sa zone de chalandise pour exister. Alors au fil des ans, le maillage se densifie.
Innover pour se démarquer
Après Groslay viendront Sannois, puis Osny et Bezons. Entre les deux, en 2004, un site voit le jour à Goussainville. Ce simple magasin au départ deviendra le siège du groupe dix ans plus tard. Bien installé chez lui, Fradis étend en 2011 sa mainmise en récupérant la gérance de toute l’Oise et, en 2016, de l’Aisne. Voilà pour les grandes lignes de l’histoire. Entre chacune, il y a des idées et un vrai savoir-faire. De tout temps, Fradis a été reconnu pour la qualité de son service et sa maîtrise logistique. Une vraie marque de fabrique.
Internet est un mouvement de fond contre lequel nous ne pouvions pas lutter. Il fallait s’inscrire dans ce nouveau modèle tout en préservant les équilibres traditionnels”
L’autre atout tient dans la capacité d’innovation de la société. Un point directement lié à l’engagement de Thierry Michel dans son groupement. Avant même d’être élu en 2009 à la présidence du conseil VL, poste qu’il occupe toujours, le dirigeant avait compris l’appui que pouvait représenter Autodistribution. Le distributeur est ainsi très souvent pilote dans le déploiement de nouvelles solutions. Récemment, Fradis a été l’un des premiers membres du réseau à miser sur le click & collect ou le drop shipping, à réaménager ses magasins selon les nouvelles normes ou à investir dans le système de géolocalisation des livraisons.
Préserver l'équilibre entre filiales et indépendants
Ce n’est pas tout : la société francilienne a été l’une des plus actives à l’amorce de l’ère digitale. “Internet est un mouvement de fond contre lequel nous ne pouvions pas lutter. Il fallait s’inscrire dans ce nouveau modèle tout en préservant les équilibres traditionnels”, résume le PDG. Aujourd’hui, plus de 50 % de l’activité BtoB se fait grâce à Autossimo. Cette proactivité est aussi une façon pour Thierry Michel de préserver des intérêts encore plus grands.
Lui qui a connu des heures plus difficiles au sein du groupement, où filiales et indépendants cohabitaient mal, souhaite plus que jamais préserver l’équilibre entre ces deux forces. De surcroît en pleine pandémie. Le Covid-19 aurait pu faire des dégâts dans le réseau Autodistribution. Touché par la première vague dès février, le distributeur a eu le temps de s’y préparer, notamment en surstockant (15 % en plus) et en déployant une organisation dédiée (cellule de crise, accompagnement des clients et des salariés). Après avoir perdu jusqu’à 80 % de son activité, Thierry Michel reconnaît avoir eu peur. “Début avril, je me demandais si nous n’allions pas perdre l’entreprise…”
Fradis avait alors suivi la volonté de son groupement de rester opérationnel, même si cela coûtait plus que ça ne rapportait, et attendait avec impatience les aides et dispositifs de soutien de l’État. Tout est finalement arrivé très vite. Ceci, associé à une reprise d’activité dès la mi-avril, a permis au distributeur de souffler. A partir de la fin mai, des croissances d’environ 20 % ont été enregistrées chaque mois. De quoi amortir une fin d’année rendue difficile par le deuxième confinement et terminer l’exercice sur une croissance de 1,6 %. Un résultat quasi inespéré, mais qui ne doit rien au hasard. Le fruit de 45 ans de labeur.