Véhicule électrique : le Clepa appelle la rechange à passer l'action
Ce n'est pas vraiment une surprise : les besoins en maintenance d'un véhicule électrique généreront un chiffre d'affaires inférieur à celui d'un modèle thermique. Mais cette transition s'annonce particulièrement complexe pour les professionnels de l'après-vente automobile. C'est du moins le sentiment de l'association européenne des fournisseurs automobiles (Clepa), qui vient de publier une étude très instructive sur ce sujet.
Réalisée aux côtés du cabinet Roland Berger, cette enquête révèle en effet que l'électrification du parc devrait avoir un impact très significatif sur les acteurs de l'aftermarket. "[...] Anticiper la transition vers l'électrique est une entreprise très complexe car de nombreux véhicules de notre parc seront encore équipés d'un moteur à combustion interne après 2035", explique Hasmeet Kaur, associé chez Roland Berger. "Même si les véhicules électriques ne représentent actuellement que 0,8 % du parc automobile, les acteurs doivent se repositionner dès maintenant pour assurer durablement leur avenir."
De nombreuses pièces en voie de disparition
Pour appuyer ces propos, Roland Berger et le Clepa rappelle, dans leur étude commune, que les besoins de pièces nécessaires à l'entretien des véhicules électriques sont d’environ 30 % inférieurs à ceux des véhicules thermiques traditionnels.
Pour chacun de ces composants, le rapport estime l’impact, à la fois négatif et positif, sur la demande brute du marché de l’après-vente. Dans le scénario d’électrification radicale, une baisse de 12 % d’ici 2035 et de 17 % d’ici à 2040 est prévue. Les familles de produits les plus touchées concernent le moteur à combustion interne et le groupe motopropulseur, avec une demande en baisse de 49 % et 51 % respectivement. Dans le scénario de conformité réglementaire, l’impact devrait être réduit à -13% d’ici 2040.
L'économie circulaire en planche de salut ?
Malgré ce déclin, les perspectives ne sont pas complètement pessimistes pour les professionnels de la filière. Roland Berger souligne, en effet, que de nouvelles opportunités vont émerger avec l'électrification, et ce tout au long de la chaîne de valeur du secteur.
Les activités d'entretien et de réparation autour du pack de batteries, qui représentent l'organe le plus cher d'un VE avec un coût compris entre 3 000 et 15 000 euros, vont fortement se développer dans les prochaines années. Le cabinet estime que ce marché pourrait attendre 4 milliards d'euros en 2040. Avec la gestion croissante et complexe des logiciels et des données embarquées, le marché de l'électronique de puissance devrait également progresser rapidement, et atteindre les 2 milliards d'euros.
Ce n'est pas tout : Roland Berger ajoute que le recyclage peut également représenter un relais de croissance non négligeable pour les distributeurs et réparateurs. "Il sera particulièrement important pour les acteurs du marché de l’après-vente de développer des capacités de remise à neuf et de réparation pour les systèmes de batterie, les moteurs et essieux électriques, ou encore l’électronique de puissance, analyse Frank Schlehuber, consultant senior du Clepa. Nous nous attendons à voir un changement dans les services après-vente du matériel au logiciel. La maintenance préventive gagnera également en pertinence, puisque la batterie est essentielle à la sécurité."
Dans son étude, le cabinet estime notamment que les distributeurs de pièces pourront développer leurs activités autour de la gestion des composants en fin de vie, en s'imposant comme des fournisseurs de pièces issues de l'économie circulaire.
Réparateurs : investir pour s'adapter
Quant aux réparateurs, ils auront la possibilité de se positionner comme des spécialistes du VE pour proposer leurs services aux garages généralistes ou aux équipementiers / constructeurs à la recherche de partenaires spécialisés. Un investissement en matériels, en outillages et en formation sera évidemment indispensable pour franchir ce cap. Au total, il faudra débourser pas moins de 200 000 euros pour les réparateurs agréés des réseaux de marques.
Du côté des MRA, Roland Berger anticipe deux évolutions possibles avec, d'une part, les ateliers qui disposeront de la formation et des équipements nécessaires aux interventions techniques (remplacement de modules de batteries, etc.) sur les véhicules électrifiés. De l'autre, des garages indépendants dont l'activité se concentrera essentiellement sur le parc thermique, disposant malgré tout des habilitations nécessaires pour réaliser quelques opérations de maintenance sur les VE.
"Globalement, nous nous attendons à des partenariats plus importantes entre les ateliers et sur l'ensemble de la chaîne de valeur du marché de la rechange, favorisant la création d'une solution de guichet unique pour le client", conclut Roland Berger.
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Compte tenu de ces prévisions, le cabinet pressent une possible évolution des parts de marché entre IAM et OES. Si la réglementation européenne continue de protéger efficacement les acteurs de la rechange indépendante et que les constructeurs ne limitent pas l'accès technique à leurs modèles, la part de marché de l'IAM pourrait atteindre 65 % d'ici à 2040. Dans le cas contraire, la bataille pourrait s'annoncer plus compliquée pour la filière indépendante avec une part de marché en recul à 55 %.