“Jongler entre disponibilité, rapidité et coûts”
Lorsque vous arrivez en 1999 chez Carglass, quels sont vos premiers constats ?
En 1999, je suis arrivé dans une structure en plein essor, mais avec une progression si rapide qu’il fallait structurer certaines fonctions de l’entreprise. Au plan logistique notamment, pendant deux ans, je me suis attaché à la gestion des approvisionnements dans le réseau, ainsi qu’à la rationalisation des stocks de vitrage dans les centres. Puis l’on m’a demandé de me charger de la gestion des entrepôts, c’est-à-dire de gérer tout le back-office de la logistique. Nous nous sommes appliqués à développer une véritable culture du service dans ces entrepôts, bien que cette activité et leurs personnels soient assez éloignés du client final. Vers 2003, nous avons renforcé l’organisation de nos achats, et ainsi créé une véritable direction de la Supply Chain, regroupant la logistique, la distribution (l’entreposage) et les achats. La fonction a donc grandi avec la croissance de l’entreprise.
Dès lors, en quoi consiste votre activité quotidienne ?
Ma mission consiste à définir comment les différents pans de la logistique cités plus haut peuvent permettre à l’entreprise de développer sa performance opérationnelle. Chaque jour, nous cherchons à équilibrer les deux grands paramètres que sont la satisfaction la plus rapide du client et les coûts engendrés.
La disponibilité de la pièce, qu’elle soit déjà en centre ou bien à la livraison, reste un point central de notre démarche. Il faut donc en permanence actionner des leviers permettant aux centres de stocker mieux, ou bien aux entrepôts de livrer plus vite. Nous disposons d’un réseau de 230 centres, et notre Graal inatteignable, c’est que toutes les pièces de vitrage soient disponibles partout, tout de suite. Mais avec le nombre de références roulantes en France, vous avez bien conscience que c’est impossible !
Alors, comment faites-vous ?
Nous avons beaucoup travaillé pour structurer notre gamme, la rationaliser, en étudiant les références les plus utilisées pour les faire stocker dans les centres. Sur l’ensemble de nos points de vente, les approvisionnements fonctionnent selon le principe Min-Max. C’est-à-dire que les stocks se complètent automatiquement par un appel de commande dès lors que l’on arrive à un seuil déterminé sur une référence. Cette reconstitution de stock est propre à chaque centre, et combine des préconisations de stock de la centrale à des données de parc roulant local, qui affinent encore un peu plus le système et sont issues de l’expérience des centres. Nous jonglons en permanence entre ce qui doit être disponible tout de suite et le vitrage qui peut éventuellement tolérer un jour ou deux d’attente. Avec ce mode de fonctionnement, nous sommes en mesure de réaliser immédiatement 35 à 40 % des interventions.
Et les 60 % restants ?
Comme je le disais plus haut, il faut jouer sur la vitesse de déplacement de la pièce entre notre entrepôt et le centre Carglass concerné. Nous disposons “d’un trésor de guerre” dans trois entrepôts en France, qui permet de couvrir 98 % de tout ce qui roule en France. Ces entrepôts sont positionnés en région parisienne, dans le Sud-Ouest et dans le Sud-Est et emploient 130 personnes. A eux trois, ils totalisent 250 000 à 300 000 m3 de stockage, expédient 1,5 million de pièces par an et stockent 200 000 à 300 000 pièces. Notre gamme est donc très large. Nous sommes ainsi capables d’approvisionner 95 % de notre réseau en J + 1, et nous tutoyons le 100 % en J + 2. Ce qui ne fait pas loin de 23 000 références à gérer au quotidien. Au final, entre nos entrepôts et nos centres, Carglass dispose d’un stock de 400 000 pièces !
Comment sont articulés les stocks de vos centres ?
Un centre fonctionne avec environ 150 pare-brise en stock et à peu près autant de glaces latérales. Mais c’est une moyenne, et un centre à Paris ne dispose pas des mêmes réserves qu’un autre en Auvergne.
Sur quels leviers pouvez-vous encore tirer pour augmenter votre performance ?
Nous avons des dizaines d’idées pour cela. Mais, encore une fois, il faut toujours regarder combien coûte le pourcentage de satisfaction supplémentaire. Du coup, beaucoup d’idées restent au placard. On pourrait faire des livraisons par hélicoptère, mais à quel prix ?
L’autre point fondamental, c’est la responsabilité que nous nous imposons en termes de développement durable. Le bilan carbone de l’activité logistique de Carglass pèse globalement 10 à 11 % du bilan global de l’entreprise. Si nous augmentons notre performance globale, combien cela coûte-t-il au plan social, sociétal, environnemental ? C’est pour cela que nous avons ouvert notre troisième dépôt dans le Sud-Ouest en 2010. Ce site nous a permis de réduire de 300 000 km par an les distances parcourues par les véhicules qui livrent nos centres !
Mettez-vous en place des initiatives spécifiques ?
Nous sommes actuellement en plein développement du “reverse logistics”. Un anglicisme un peu barbare, mais qui cache une idée simple : réutiliser les moyens de transport qui livrent les centres pour réacheminer nos déchets de verre vers nos entrepôts. Ce qui, en dehors des gains de kilomètres, nous offre une meilleure traçabilité sur la gestion de la filière de recyclage.
Par ailleurs, il est plus intéressant pour un recycleur de venir chercher X tonnes de verre dans notre entrepôt que d’aller arpenter chaque centre pour récupérer quelques pare-brise… Ce fonctionnement est aujourd’hui opérationnel dans 25 à 30 % du réseau et sera dupliqué dans l’ensemble avant la fin du premier trimestre 2013. Cela n’a l’air de rien, mais au plan logistique, c’est très complexe à mettre en place.
D’autre part, nous sommes récemment parvenus à reculer le “cut off time” d’une heure. C’est-à-dire que les centres peuvent commander une heure plus tard qu’auparavant leurs commandes de dépannage. Là encore, ce fut un travail
colossal, mais les résultats sont appréciés par les centres.
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PARCOURS
Pascal Durand présente un parcours purement axé sur la logistique. Après des études supérieures dans le domaine, il entre dans la structure de transport qui deviendra plus tard Geodis, puis dans l’entreprise anglo-saxonne CHEP, spécialisée dans les services de location de palettes et de conteneurs, et fait enfin un rapide passage dans l’industrie sucrière avant d’intégrer Carglass fin 1999.