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Vitrage automobile : une controverse ravivée après un reportage de TF1

Publié le 14 novembre 2025
Par Nicolas Girault
3 min de lecture
Après la diffusion le 11 novembre 2025 d’un sujet du JT de TF1 consacré à la dérive des cadeaux de certains réparateurs de pare-brise, Laura Marie, cofondatrice de ZeCarrossery et ZePare-Brise, a vivement réagi sur les réseaux sociaux. Elle critique un traitement "orienté du point de vue des assureurs", au ton jugé "moralisateur", et regrette un manque d’équilibre journalistique.
reportage TF1 parebrise auto
Le début du reportage emprunte les techniques et codes des enquêtes journalistiques sur les fraudes et la délinquance. Une première séquence renforce le point de vue des assureurs. ©TF1

Sur les réseau sociaux, Laura Marie, cofondatrice de ZeCarrossery et ZePare-Brise, a réagi à un reportage diffusé dans le journal télévisée de TF1, le soir du 11 novembre 2025. Celui-ci était consacré aux excès de certains réparateurs de vitrage automobile qui font tout pour attirer les clients. Il a également entraîné une réponse de la FFC Mobilité, reprise en tribune dans nos colonnes.

En effet, selon la codirigeante de ces réseaux indépendants de réparation, le reportage se focalise sur les "cadeaux démesurés" offerts aux clients (consoles de jeu, trottinettes, cartes cadeaux) sans analyser les modèles économiques des enseignes visées, ni leur capacité réelle à financer ces offres.

Elle souligne que les centres agréés par les assureurs consentent eux-mêmes d’importantes remises sur leurs tarifs pour obtenir des agréments – une forme de "cadeau", mais au bénéfice des assureurs et non du client. "Pendant qu’on parle de «cadeaux», rappelons qu’un centre agréé par les assurances concède des remises colossales sur ses taux horaires et ses pièces… Bref, lui aussi a un budget d'acquisition client et fait des cadeaux. Mais à l’assurance, pas au client. C'est un autre modèle économique", ironise-t-elle.

Un reportage à la mise en scène contestée

Laura Marie s’étonne également que les réparateurs mis en cause n’aient pas été interrogés et que leurs explications n’aient pas été sollicitées. Sans remettre en cause le professionnalisme du journaliste, qui traite librement les informations qu'on lui rapporte, la responsable du réseau de réparation critique le cadrage médiatique et déplore un manque d'équilibre.

Le sujet commence par une séquence tournée en caméra discrète, assimilant visuellement la situation à une enquête sur la fraude ou la délinquance. Le commercial filmé – flouté – propose des cadeaux pour compenser une franchise et inciter à un remplacement de pare-brise. L’enseigne est anonymisée, mais facilement identifiable par les professionnels. D'après nos sources, les journalistes auraient contacté réseau "piégé" pour lui donner la parole. En retour, celui-ci l'aurait refusé à la suite d'un précédent reportage à charge (d'une autre chaîne), au cours duquel ses propos auraient été tronqués en faveur des assureurs.

TF1 suggère que les cadeaux sont financés par des facturations gonflées, appuyées par deux témoignages d’assurés et des commentaires affirmant que certains devis excéderaient le coût réel des réparations.

Le point de vue des assureurs, largement mis en avant

Le reportage s’appuie sur les déclarations d’un responsable régional d’Allianz évoquant des remboursements excessifs qui auraient coûté, dans sa région, 37 000 euros en 2024. Selon TF1, cette situation explique le durcissement des assureurs : exigence de devis préalables, contrôles accrus et diminution des "cadeaux".

Le seul réparateur interrogé à visage découvert est un professionnel agréé, membre de France Pare-Brise. Il reprend la position des assureurs, invoquant le principe de mutualisation des risques : les excès d’aujourd’hui pèseraient sur les cotisations de demain.

Un message conforme à la stratégie des assureurs

Le fil conducteur du reportage correspond à la ligne défendue par France Assureurs depuis 2024 dans sa campagne contre la "mafia du pare-brise", ciblant les réparateurs non agréés et, plus largement, la liberté du consommateur de choisir son réparateur d'après les syndicats professionnels et dirigeants d'enseignes indépendantes

Aucun espace n’est laissé à une analyse alternative, par exemple le cas d’enseignes finançant leurs cadeaux sur leurs propres marges – une pratique assimilable à toute autre action marketing.

Cette controverse illustre la difficulté pour des journalistes non spécialistes de traiter un dossier complexe opposant deux acteurs structurés et aux intérêts divergents : réseaux indépendants et assureurs. Le risque est de s’aligner, volontairement ou non, sur la partie la plus puissante ou la mieux outillée en communication.

Pour les réparateurs indépendants, le reportage de TF1 manque de nuance. Il contribue davantage à leur stigmatisation qu’à la compréhension des mécanismes économiques du secteur.

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