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L'envolée du paiement fractionné

Publié le 21 novembre 2023
Par Florent Le Marquis
5 min de lecture
Présent depuis de nombreuses années dans les garages, le paiement fractionné (ou différé) a connu une forte expansion en 2023 avec le contexte inflationniste. Sa rapidité et sa praticité séduisent les clients automobilistes mais aussi les responsables de garages, qui ont ainsi la garantie d'être payés.
Pour tout paiement fractionné chez Speedy, le client ouvre une carte Speedy/Cofidis. Pour le réseau, c'est un moyen de le fidéliser. ©Franck Dunouau
Pour tout paiement fractionné chez Speedy, le client ouvre une carte Speedy/Cofidis. Pour le réseau, c'est un moyen de le fidéliser. ©Franck Dunouau

Incontournable. C'est le terme le plus souvent employé au moment d'évoquer le paiement fractionné avec différents réseaux de garages. Si les enseignes de maintenance et de réparation travaillent avec des banques depuis plusieurs années sur ces facilités de paiement, ce service a enregistré un développement très notable en 2023. Les fast-fitters Speedy et Midas annoncent une hausse de 30 % des opérations.

Pour Point S, c'est bien au-delà. "Sur la période janvier-août 2023, nous avons augmenté le volume d'affaires de 98 % sur les solutions de paiement en plusieurs fois par rapport à la même période en 2022, lance Lionel Haberlé, directeur marketing, communication et stratégie d'enseignes. Les coûts d'entretien et de réparation ont augmenté, plus que les salaires. Proposer cela aux consommateurs est une nécessité." Toutes les tranches d'âge y ont recours : 8 % des paiements fractionnés réalisés dans le réseau Point S concernent les 18-24 ans, 22 % les 25-35 ans, 36 % les 36-49 ans et 34 % les plus de 50 ans.

Le paiement en 3 ou 4 fois est plébiscité

Chaque réseau dispose de son partenaire bancaire : Floa pour Point S, Cofidis pour Speedy, Oney pour Midas. "Plus de 40 % des Européens ont fait un paiement fractionné au cours des douze derniers mois, et 70 % se disent prêts à changer d'enseigne si la leur ne le propose pas", affirme Marc Lanvin, directeur général adjoint de Floa. Ce qui séduit dans le paiement fractionné, c'est d'abord la flexibilité du service : 3, 4, 5, 6, 10 fois… les découpages possibles sont nombreux. Avec Cofidis, Speedy a même lancé, en septembre 2023, le paiement en 12 et 20 fois. Mais le 3 fois demeure la norme pour le fast-fitter. "Cela représente la moitié des paiements fractionnés, tout simplement parce que c'est le plus connu", précise Romain Vancappel, directeur des stratégies de Speedy. Chez Point S, le paiement en quatre fois concentre 63 % des transactions. "Nous pensions que le dix fois serait plus utilisé. Mais il ne représente que 13 % des demandes", ajoute Lionel Haberlé. Ce découpage s'avère néanmoins essentiel pour les très grosses factures.

Reste que cette facilité de paiement proposée par les réseaux ne se limite pas aux grosses factures. Bien au contraire. Floa avance que le panier moyen des paiements fractionnés traités dans le réseau Point S s'élève ainsi à 335 euros. Le coût minimum pour recourir à cette solution peut même être minime, comme chez Speedy : un euro pour un échelonnement en trois, cinq ou dix fois. Si celui-ci est plus important, le seuil minimum monte : 180 euros pour un paiement en douze fois, et 300 euros pour du vingt fois. Point S a choisi de proposer la solution dans ses garages pour les factures supérieures à 50 euros.

Pour recourir au paiement fractionné, le client n'a qu'à le demander. Chez Speedy, par exemple, il dispose alors d'une simulation en trois, cinq ou dix mensualités, avant de faire son choix. Pour valider l'opération, la banque concernée entre ensuite en action. "Nous avons un dispositif puissant pour éviter les fraudeurs et prédire la fiabilité du client, pour protéger les réparateurs et nous-mêmes", explique Marc Lanvin. Floa interroge le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). "Si le demandeur a des problèmes pour rembourser un crédit, ce n'est ni dans son intérêt ni dans le nôtre d'accepter un paiement fractionné", ajoute le directeur général adjoint.

De même, si la première partie du paiement ne passe pas à l'instant T, ou que l'identité du demandeur n'est pas vérifiée, l'opération est annulée. Des process aussi complets que rapides (quelques minutes suffisent), mais nécessaires pour rassurer le garagiste. Car celui-ci "n'est pas un expert financier, rappelle Romain Vancappel. Il faut que ce soit simple et qu'il puisse se concentrer sur sa réparation." Le directeur des stratégies de Speedy précise que la demande de paiement fractionné est acceptée dans 98 % des cas.

Le client paie en plusieurs fois, mais le garage est rapidement rémunéré, en intégralité. L'organisme bancaire gère ensuite l'échelonnement. ©Point S

Le client paie en plusieurs fois, mais le garage est rapidement rémunéré, en intégralité. L'organisme bancaire gère ensuite l'échelonnement. ©Point S

La prise en charge au choix du garage

Si elle l'est mais que le client se retrouve tout de même en défaut de paiement, le garage n'a pas de souci à se faire. Que le règlement se fasse en deux, quatre ou vingt fois, l'organisme paie intégralement le professionnel. Sous deux jours pour Point S avec Floa, sous huit jours pour Midas avec Oney. L'impact sur la trésorerie est donc négligeable. Ni le garage, ni même son réseau n'ont à suivre l'échelonnement une fois la vente validée. "Cela change de la pratique ancienne des chèques que le vendeur encaissait à différents intervalles", se souvient Ludovic Dugabelle, directeur marketing Midas France. Le paiement fractionné garantit au vendeur d'être payé. "C'est notre rôle de banquier de prendre ce risque à la place du garagiste, résume Marc Lanvin. Les impayés sont rares de manière générale, et encore plus dans l'automobile."

Forcément, le crédit a un coût, et les banques doivent aussi trouver leur compte dans ces opérations. La commission est naturellement prise en charge par le client. Mais les opérations "Payez en plusieurs fois sans frais" sont fréquentes dans les réseaux, par période, sur une prestation ou un produit défini. Le cas échéant, c'est le garagiste qui prend à sa charge la commission (environ 1,5 % de la somme sur un paiement en trois fois, 2,5 % sur du quatre fois, selon Floa). "Les adhérents sont vraiment libres sur ce sujet : prise en charge du financement, partage avec le client… Ils choisissent", assure Lionel Haberlé.

Si les réseaux négocient des accords avec les banques, les garages ont aussi le choix d'adopter ou non la solution. "35 centres supplémentaires travaillent avec Floa depuis début 2023. Nous sommes à 40 % du réseau, et cette part va continuer de grandir", poursuit le directeur marketing de Point S, qui travaille avec Floa depuis tout juste deux ans. Chez Speedy, intégrés et franchisés confondus, tout le monde a suivi le fast-fitter avec Cofidis. Le constat est similaire chez Midas. Certains préfèrent rester avec une autre banque. Quant aux derniers réticents sur cette solution… "On les compte sur les doigts de la main. Ce sont généralement ceux qui, par principe, refusent les outils de la modernité", pointe Ludovic Dugabelle.

Un levier de fidélisation

Plus qu'un simple service, le paiement fractionné peut favoriser les ventes additionnelles, voire devenir un outil de fidélisation. Quand un client paie en plusieurs fois chez Speedy, il ouvre une carte Speedy/Cofidis. "C'est un outil d'aide pour convertir les devis et assouplir les dépenses, et cela offre aussi des avantages au client, qui revient en moyenne trois fois plus qu'un client lambda", informe Romain Vancappel.

Midas veut aller plus loin en proposant un autre service financier : le contrat d'entretien. Le client souscrit un contrat sur trois ans à partir de 36 € par mois, et n'a plus à se soucier des factures d'entretien de son véhicule. "C'est pour ceux qui sont dans l'anticipation et veulent maîtriser les dépenses impromptues liées à leur mobilité", explique Ludovic Dugabelle. Mais cela ne remplacera pas le paiement fractionné, qui devrait continuer de séduire. "La durée de détention des véhicules augmente, ce qui accroît les réparations sur le long terme, étaye Romain Vancappel. De plus, les voitures récentes sont complexes, les pneus de plus en plus gros et donc plus chers, l'électronique très présente…"

La demande grandissante amène les organismes bancaires à voir leur avenir radieux. Déjà présent en France, en Italie, au Portugal, en Belgique et en Espagne, Floa va prochainement s'exporter en Allemagne et aux Pays-Bas. "De plus en plus de partenaires proposent ce type de solution, et de plus en plus de clients sont demandeurs. C'est un phénomène vertueux", analyse Marc Lanvin. Mais le contexte actuel de faible pouvoir d'achat des ménages se veut exceptionnel. Ludovic Dugabelle ne peut se résoudre à le voir durer éternellement. "Ce genre de solution continuera de représenter entre 0 et 10 % du chiffre d'affaires d'un garage. Mais, après peut-être encore une année de forte demande, je pense que nous reviendrons à des niveaux moins importants", conclut-il.

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