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Pierre Chasseray (40 millions d'automobilistes) : "Ce n'est pas possible d'interdire à un Français sur deux de rouler"

Publié le 24 novembre 2022
Par Florent Le Marquis
4 min de lecture
Depuis dix ans à la tête de 40 millions d'automobilistes, Pierre Chasseray se réjouit de mener désormais ses combats aux côtés de la Feda. Limitations de vitesse, ZFE, fin du thermique… Le délégué général de l'association revient sur les sujets du moment.
Pierre Chasseray est délégué général de 40 millions d'automobilistes depuis 2012.
Pierre Chasseray est délégué général de 40 millions d'automobilistes depuis 2012.

Quel est votre rôle en tant que délégué général de 40 millions d'automobilistes ?

Pierre Chasseray : J'ai la lourde tâche de diriger la première association de défense des automobilistes en France, reconnue d'intérêt général. Nous nous occupons de 100 % des automobilistes, ce qui n'est pas simple car chacun a une utilisation différente de son véhicule. De plus, dans le contexte actuel, les défendre est presque mal vu. Mais il le faut, car l'automobiliste a toujours été un bouc émissaire taxé et sanctionné. Il est une des premières ressources de l'État, et encore plus depuis qu'une part minoritaire de la société, qui se veut sauveuse de la planète, a réussi à imposer ses idées saugrenues. Cette minorité part du principe que la voiture pollue et qu'il faut donc l'arrêter. Mais ce n'est pas parce que l'intention est bonne que la mesure est juste.

Comment faudrait-il mieux présenter les choses, selon vous ?

Il faut surtout mettre en avant que l'automobile n'a jamais cessé de s'améliorer au fil du temps, que les manufacturiers et constructeurs font de leur mieux pour proposer des véhicules qui polluent de moins en moins. Les professionnels du secteur ne se lèvent pas le matin en se demandant comment ils vont tuer leurs clients. Tout l'intérêt du constructeur et de l'équipementier est d'aller vers un schéma concurrentiel où il faut redoubler d'ingéniosité pour faire du mieux possible.

Quelles convergences pouvez-vous avoir avec la Feda ? Que ferez-vous ensemble ?

De manière générale, entre notre discours et celui de la Feda, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier. Quand les gens sont faits pour s'entendre, ils finissent par s'entendre. Et notre collaboration est partie pour durer. La Feda a compris qu'au bout de la chaîne, il faut des automobilistes pour acheter les voitures. Elle s'est rapprochée de nous et nous avons vite compris que ce serait un allié de poids dans notre lutte. Nous allons avoir besoin des professionnels, qui se battaient jusqu'à présent de leur côté avec du lobbying, quand nous nous battions pour l'opinion publique. Tout seul on avance plus vite, mais ensemble on va plus loin. Si nous parvenons à coordonner nos forces, nous pourrons gagner. Nous allons travailler ensemble et entreprendre des actions à l'Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen… Notre force de frappe dans les médias va aussi nous servir pour remporter nos combats, qui sont justes. Il faut y aller petit à petit. S'il faut convaincre 577 députés un par un, nous le ferons.

Parmi vos combats majeurs de ces dernières années, il y a notamment la lutte contre la baisse des limitations de vitesse sur les départementales et autoroutes…

Cela a été plus qu'un combat. Le retour des 90 km/h sur de nombreuses départementales est une victoire de 40 millions d'automobilistes. J'ai par exemple passé de longues heures au téléphone avec le président du conseil départemental de la Corrèze, Pascal Coste, qui a fini par avoir le courage de repasser l'intégralité de ses départementales à 90 km/h. On m'a ensuite dit : "Vous verrez, les autoroutes passeront à 110 km/h." J'ai dit non, et je vais développer toute l'énergie nécessaire pour que cela n'arrive pas, dans l'intérêt des automobilistes. Je suis le roi des causes perdues. Il suffit qu'on me dise que je n'y arriverai pas pour que cela me donne encore plus la “niaque » pour y parvenir. Je gagne toujours à la fin.

Et sur les ZFE, où en êtes-vous ?

C'est le même problème. Deux parlementaires de la commission Développement durable de l'Assemblée nationale m'ont dit que je pouvais faire ce que je voulais, mais que cela ne changerait rien et que les ZFE seront toutes instaurées d'ici à 2025. Mais je vous garantis que ce ne sera pas le cas. Nous allons gagner sur ce terrain-là aussi, car c'est dans l'intérêt des automobilistes. Ce n'est pas possible d'interdire à un Français sur deux de rouler.

Des jeunes qui vont entrer dans la vie active ou avoir des enfants n'auront pas les moyens de se payer un véhicule à 30 000 ou 40 000 euros. Quand un parlementaire me raconte sa vision des choses alors qu'il roule dans un SUV, je lui demande quelle était sa première voiture. S'ensuit généralement un long silence. Quand on passe du bon côté de la barrière, on trouve toujours que le système n'est pas mal fait, car il ne nous concerne pas.

La fin de vente programmée des véhicules thermiques en 2035 est-elle trop prématurée ?

C'est le même combat, tout est très lié. Nous devons nous poser une question simple : a-t-on la capacité d'alimenter un parc de 40 millions de VE ? Non. Voilà, tout est dit. Alors nous ne pouvons pas passer au tout-électrique. J'aimerais par ailleurs que l'on m'explique un jour ce qu'il y a d'écologique dans le fait de mettre au rebut une voiture qui fonctionne très bien. Nous allons donc aussi gagner sur ce sujet-là. Comment ? Je ne sais pas, il faut trouver une solution. La plus évidente est le mix énergétique, qu'il faut imposer comme alternative aux carburants fossiles.

Ces différentes mesures que vous combattez sont souvent justifiées par la hausse de la mortalité routière. Comment l'interprétez-vous ?

Les chiffres ne s'améliorent pas depuis dix ans, mais les dés sont pipés. Quand on parle d'accidents de la circulation, on pense tout de suite aux voitures. Mais les automobilistes ne pèsent que pour la moitié des victimes de la route. C'est beaucoup, mais c'est proportionnellement moins que la communauté de cyclistes. Il faut peut-être sévir un peu plus sur les comportements des personnes à vélo et en trottinette, par exemple. Mais ce sont toujours les automobilistes qui trinquent, en se voyant imposer les 80 km/h, les radars, l'interdiction des oreillettes au volant ou des vitres teintées à l'avant, etc. Plutôt que de faire respecter le Code de la route, les décideurs préfèrent toujours inventer de nouvelles règles. C'est encore le cas avec les ZFE : le contrôle technique vérifie la pollution des voitures, mais la vignette Crit'Air a été créée en parallèle… C'est compliqué de dire à un automobiliste que sa voiture respecte les critères de pollution, alors qu'il va prendre un PV en sortant du centre car son véhicule est trop polluant pour une certaine zone.

Les mesures liées à l'automobile sont-elles les plus tendues, les plus susceptibles de provoquer un mouvement social ?

Toujours ! Les mouvements de contestation partent toujours de l'automobile. Il faut le garder en tête, et le gouvernement doit siffler la fin de cette cabale contre les automobilistes. Les Français n'en peuvent plus, ne savent plus quoi acheter comme voiture. Et il ne se passe pas une journée sans qu'il y ait une mesure en leur défaveur. Les automobilistes ont parfois le sentiment d'être piégés, comme avec la volonté de signaler de moins en moins les radars. Ils sont piégés car c'est rentable. Nous avons récemment obtenu, et nous en sommes heureux, la suppression du point retiré pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h, mais pas l'amende. L'argent, les pouvoirs publics continuent de le prendre. Mais nous y arriverons avec le temps, car nos victoires se font toujours à petits pas.

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