Pourquoi les carrossiers boudent-ils la franchise ?

Centres autos, contrôle technique, pneumaticiens… Les franchises se multiplient dans l'après-vente automobile. Cependant, la carrosserie fait figure d'exception, avec Fix Auto comme unique franchise notable. A contrario, certaines activités spécifiques, telles que le vitrage, le débosselage sans peinture ou la réparation rapide, ont vu l'émergence d'enseignes spécialisées.
De son côté, l'enseigne Fix Auto est apparue en 2007 sur le marché français, pilotée par Olivier Grouillard. L'ancien pilote automobile a importé la marque du Canada. Présente dans 11 pays, elle compte près de 1 000 ateliers, dont 5 en Espagne, 23 en Allemagne et 300 au Royaume-Uni. En France, le groupe s'est d'abord développé en propre avant de recruter des franchisés à partir de 2017, principalement dans le Sud-Ouest, mais aussi au Mans (72), à Dijon (21), Chaumont (52) et jusqu'à Nancy (54).
Le choix du développement en propre
Pourtant, Fix Auto compte aujourd'hui 13 succursales et 5 franchisés (après être monté jusqu'à 9 membres). Si son maillage est moins important que celui des réseaux traditionnels – Acoat Selected, AD, AAG, Autoneo, Axial, Five Star, etc. – la franchise n'a néanmoins pas à rougir de ses structures françaises. En effet, celles-ci sont plus importantes que la moyenne du marché, générant un chiffre d'affaires global d'environ 23 millions d'euros en 2024, avec environ 30 000 véhicules réparés.
"Nos sites sont productifs. Ils emploient de sept à dix salariés et réalisent un chiffre d'affaires d'environ un à trois millions d'euros", détaille Charlotte Grouillard, directrice développement. Pour son accroissement, Fix Auto privilégie en effet des professionnels expérimentés plutôt que des investisseurs extérieurs au secteur.​
L'enseigne a d'abord opté pour une approche régionale, en rencontrant directement les réparateurs. Mais elle est maintenant moins proactive sur ce mode de recrutement. Actuellement, "notre stratégie de développement repose sur des acquisitions dans des villes stratégiques. Cependant, nous continuons aussi à étudier les candidatures à la franchise, en fonction des profils et des zones de chalandise", explique Charlotte Grouillard.​
Contraintes et avantages de la franchise
Pourtant, le modèle de la franchise offre les avantages d'un réseau structurant, permettant aux carrossiers d'acheter et vendre mieux tout en garantissant une certaine indépendance. "Le franchisé reste propriétaire de son entreprise tout en bénéficiant de la notoriété et du soutien de la marque", ajoute Charlotte Grouillard. Elle ajoute : "Le carrossier est souvent surchargé dans son quotidien. Il lui est difficile de voir plus loin que la gestion de son entreprise. Peu d'entre eux peuvent se dire : « J'ai du volume et je suis prêt à modifier mes habitudes pour progresser ». Mais notre appui lui permet de franchir cette étape de développement".
En effet, le siège accompagne franchisés et succursales, notamment en gestion d'entreprise, ainsi que dans les domaines administratifs, des achats, des relations avec les assureurs, du recrutement, etc. Certains franchisés affirment en particulier apprécier leurs indicateurs de performance pour progresser…
Mais l'un des premiers freins de la franchise réside peut-être dans les contraintes spécifiques de son contrat. Il impose un marathon administratif de plusieurs mois à ses candidats avant de hisser le panneau. "Ils doivent accepter de suivre des procédures standardisées, explique Laurie Garcia, chargée de communication et marketing. Nos membres doivent donc démontrer une capacité à évoluer."
Les adhérents doivent adopter les méthodes et outils de l'enseigne (DMS et logiciels de performance), telles que des points fixes en atelier le matin et en début d'après-midi pour gérer les plannings, et des procédés précis pour assurer la satisfaction des clients. Dans ce cadre, le franchisé reste ensuite libre d'orienter son entreprise dans la direction qu’il souhaite. Cependant, ces exigences peuvent dissuader certains carrossiers indépendants.
Intégrer la franchise pour la technique et la marque
Ces contraintes ont justement poussé Lucie et Laura Marie à adopter un modèle différent pour leurs réseaux Zecarrossery et Zepare-Brise reposant sur des concepts marketing valorisant l'activité hors assurance. "Le choix de ne pas imposer un contrat de franchise est volontaire, explique Laura Marie. Nous croyons que la liberté d’entreprendre et la flexibilité sont essentielles pour les artisans carrossiers. Notre objectif est de les accompagner dans leur développement sans les enfermer dans un cadre rigide".
La cofondatrice de l'enseigne reconnaît néanmoins certains avantages à la franchise : l'accompagnement structuré et la notoriété de marque. Mais à l'opposé, elle y voit aussi la perte d'autonomie des franchisés, le respect strict des normes et les redevances élevées. Elles lui ont donc préféré la formule du contrat de licence de marque. Cette formule plus simple et souple, leur a plutôt réussi puisqu'elle a attiré près de 110 réparateurs depuis 2016.
De son côté, RestorFX a bel et bien rapidement développé son réseau en franchise, autour de son concept de VSP (vernis sans peinture). Cette enseigne spécialisée créée en 2022 a déjà attiré 25 franchisés. "Nous visons maintenant 50 ateliers en France en 2026", annonce Vincent Desbordes. "Nous sommes une jeune société avec une technologie récente. On adhère donc à RestorFX pour le concept, la technique et la marque, mais pas encore pour la notoriété". Néanmoins, la marque d'origine nord-américaine se développe en Belgique, au Portugal et tout récemment en Italie avec ce modèle.
Mais paradoxalement, elle s'apprête à en changer. Le cadre de la franchise serait moins adapté aux profils de membres que RestorFX veut aujourd'hui séduire. "Lors de notre démarrage, nous attirions des franchisés avec un profil technique, intéressés par l'innovation. Mais nous avons remarqué que ceux qui réussissent le mieux sont les entrepreneurs, ayant déjà une activité automobile. Il s'agit souvent de garagistes ou de carrossiers désireux de se diversifier".
Ces professionnels sont plus réticents à intégrer une franchise pour développer le VSP, contrairement aux carrossiers qui adoptent une enseigne de vitrage pour bénéficier de sa notoriété. "La carrosserie reste historiquement un métier artisanal. Par leur tempérament, les carrossiers estiment n'avoir besoin de personne pour se développer. Ils adhèrent d'abord à un réseau pour l'apport d'affaires", conclut Vincent Desbordes.