Niort Frères : des atouts à revendre
Sans doute est-ce la force de l’âge. Et de l’expérience. Pénétrer chez Niort Frères, c’est se laisser envahir par une sensation étrange. Une sensation caractérisée par un calme et une sérénité difficilement imaginables dans un secteur d’activité où le rythme et la pression demeurent proportionnels au niveau de l’activité et au moral des troupes. Et pourtant, dans cette société qui fêtera en 2016 ses soixante-dix ans d’existence, les commandes autant que les réparations restent nombreuses. Nonobstant les difficultés du marché automobile, Niort Frères profite aujourd’hui pleinement d’une notoriété construite au fil du temps, qui lui permet d’attirer une foule de professionnels et de particuliers. Et de lui éviter également le coup de pompe de la crise économique. Non pas que tout soit rose, mais l’enseigne créée par les frères jumeaux Marcel et Jean Niort a su, avant toute chose, fédérer autour d’elle plutôt que de se développer à côté des autres. Ouverte à tous, la société n’en demeure pas moins le partenaire privilégié des professionnels de la région rouennaise, qui représentent “environ 60 % de notre portefeuille”, détaille Edgard Pique, responsable technique et commercial. “C’est notre profil qui explique cela, avec une partie distribution qui ne touche pas les particuliers et une activité atelier où nous faisons très peu d’entretien et beaucoup plus d’interventions techniques. Du coup, l’automobiliste lambda se tourne plutôt vers son concessionnaire ou un centre fast-fitter pour ses demandes courantes.” Une spécificité qui n’entrave pas la marche en avant de la société, bien au contraire. En 2013, Niort Frères a ainsi dégagé un chiffre d’affaires de 53 millions d’euros – dont les 3/4 à mettre au crédit de la branche négoce – avec un rayonnement qui s’étend désormais du Havre jusqu’aux portes de Paris. “Notre objectif consiste à fédérer toujours plus de monde et à être présents sur toute la vallée de la Seine, une zone à fort potentiel”, étaye Edgard Pique.
+ 10 % pour la clim en 2013
Un tableau avantageux et savoureux où la climatisation ne tire que très peu son épingle du jeu. La faute, en premier lieu, à un climat parisiano-normand peu favorable au développement d’un marché dicté par le soleil et la chaleur. D’ailleurs, le partenaire de l’Autodistribution ne s’en cache pas : sans avancer de chiffre, la clim ne représente malgré tout qu’une niche par rapport à l’activité globale. “Sur la partie réparation, nous avons progressé de 10 % en 2013, mais sur de petits volumes et avec un rythme complètement aléatoire”, souligne le responsable. A l’instar de tous les acteurs du marché, l’enseigne normande a réalisé l’essentiel de ses charges autour et pendant le mois de juillet, le reste de l’année s’avérant au mieux stable, au pire en baisse. Une situation que celle-ci compense toutefois avec sa distribution, une activité où la demande demeure plus stable et plus lissée sur l’ensemble de l’année. “Nous vendons des pièces détachées de manière plus régulière car, dès qu’il y a un choc sur la face avant du véhicule, la climatisation est potentiellement touchée. Et ce phénomène n’a rien à voir avec le temps…” Secteur chéri et vertueux, la pièce détachée fonctionne chez Niort Frères comme dans n’importe quel grand centre logistique. Car c’est là l’une des (autres) forces de la société que d’avoir investi dans ce secteur. Edgard Pique : “Nous voulons que nos clients aient la bonne pièce, le plus rapidement possible. Pour ce faire, notre organisation repose sur un service de prise de commandes et de livraisons avec, en appui, notre magasin de Rouen.” Grâce aux 8 magasins répartis dans toute la région et aux 75 personnes dédiées à leur bon fonctionnement, la société est en mesure de livrer entre une et quatre fois par jour 5 000 clients, qui peuvent bénéficier des 100 000 pièces référencées. Sur ce total, la clim ne représente que 400 lignes, soit une goutte d’eau, mais une goutte qui a toute son importance à l’heure de se définir comme un partenaire privilégié de la profession et qui suffit à couvrir l’ensemble des besoins du marché. “C’est sur ce genre de détails que se construit ou se défait une notoriété. Nous avons une réputation de spécialiste à entretenir, et il faut être vigilant.”
Prendre de l’avance sur le 1234
De surcroît sur un marché en crise. Une situation qui s’explique davantage par un contexte réglementaire flou et exsangue plus que par un niveau d’activité problématique, les différents acteurs s’accordant sur une stagnation, voire une légère progression, de leur activité en 2013. Caractérisée par l’arrivée du nouveau fluide R1234yf dans les garages, cette crise s’avère d’autant plus perverse qu’elle ne se voit pas. “Le 1234 fait beaucoup plus parler qu’il ne fait travailler. Depuis juillet dernier, nous avons dû faire trois charges de ce type. Malgré ça, son arrivée pose un vrai problème”, explique Edgard Pique. Le nœud du débat tient en réalité dans les coûts, considérés par beaucoup comme prohibitifs, engendrés par ce nouveau fluide. Alors que l’ancien, le R134, a encore de belles années devant lui, l’arrivée du 1234 oblige chaque réparateur à investir. Nouvelle station, nouvelles machines de détection de fuites, nouvelle formation, tout cela nécessite de lourds investissements (entre 8 000 et 10 000 euros) que ne peuvent assumer de petites structures. Sans attendre que ce marché de niche prenne de l’ampleur, Niort Frères a donc fait le pari d’investir et de se conformer au 1234 avec, en tête, l’idée de soutenir les professionnels du secteur, mais aussi de profiter d’un avantage concurrentiel. “Dans notre coin, il n’y a que Renault qui dispose déjà d’une nouvelle machine. En investissant, nous offrons aussi une solution aux garages locaux qui vont chercher à sous-traiter ce type d’intervention.” Et derrière l’investissement de départ, s’ajoute une autre dépense, régulière celle-ci, pour la bouteille contenant le précieux fluide. Achetée 1 500 euros, celle-ci oblige chaque réparateur à augmenter le prix de ses prestations de recharge. “Chez nous, une charge coûte 300 euros, détaille Edgard Pique. La rareté fait le prix et celui-ci devrait baisser avec le temps. Dans le cas contraire, cela posera problème car je ne pense pas que ces tarifs soient supportables pour les clients, particuliers ou professionnels.”
Optimisme de rigueur
Une situation d’autant plus préjudiciable que les mœurs et les pratiques évoluent dans le bon sens depuis plusieurs années. Autrefois entretenue “au moment venu”, autrement dit lorsque les premiers dysfonctionnements apparaissaient, la climatisation jouit dorénavant d’une meilleure considération de la part de ses utilisateurs. Un retour en arrière semble donc tout à fait envisageable en raison de cette hausse des tarifs, difficilement supportable dans un contexte économique toujours tendu. “Ca poserait d’autant plus problème que les pros, eux, continuent d’investir dans ce secteur”, selon le responsable technique et commercial. En sa qualité de distributeur et de réparateur, sa société voit défiler dans ses ateliers de l’avenue du Mont Riboudet quantité de machines que les garagistes doivent faire vérifier tous les ans. Un parc de stations à entretenir qui ne cesse de croître, preuve que les professionnels ne se détournent pas de la clim et qu’ils continuent d’y investir. Si les choses semblent figées tant que le marché n’aura pas décollé, Edgard Pique se montre optimiste. Lui qui a connu l’arrivée du R134 estime que “si, au niveau des prix, rien n’est comparable, dans les pratiques et les comportements, les deux époques se ressemblent. Les gens attendent qu’il y ait des volumes conséquents pour investir”. Un optimisme qui trouve également écho dans les perspectives de croissance qu’offre ce marché. Autrefois présentée telle une option Premium, la climatisation s’est largement démocratisée et le parc automobile ne cesse de s’équiper. Ainsi, on la retrouve désormais dans toutes les gammes de véhicules, y compris les plus petits, dans des packs d’options confort, et également dans les véhicules utilitaires. Une voie que Niort Frères souhaite creuser pour renforcer sa présence sur la réparation professionnelle, mais aussi pour augmenter sa force de frappe et limiter ses pertes sur le marché courant. Toujours aussi aléatoire et compliqué, celui-ci ne devrait pas échapper à la règle en 2014, Edgard Pique considérant que “s’il n’y a pas d’effet climat, je pense que la clim va chuter car les gens vont faire l’impasse sur l’entretien”.
Des perspectives dans le “service mobile”
Concentrée à assurer ses arrières, l’enseigne nourrit également de belles ambitions sur d’autres domaines que la climatisation et l’automobile. Déjà présent sur le secteur du poids lourd – un site sur la rive gauche de Rouen comprenant atelier et magasin lui est d’ailleurs dédié –, Niort Frères compte se diversifier. Dans un contexte de concurrence exacerbée où “il faut être dans l’air du temps et veiller à faire du qualitatif”, l’entreprise souhaite développer son service d’intervention mobile pour les transports en commun, bus et cars. Une activité plutôt éloignée de ses prérogatives de départ, que la société normande aborde avec sobriété. “C’est quelque chose de nouveau, estime Edgard Pique. Il nous faut un technicien hyper performant qui soit capable de gérer n’importe quel problème en toute autonomie.” A la veille de fêter sa septième décennie, Niort Frères s’offre donc le luxe de devancer les problèmes et, du même coup, de prendre de l’avance sur la concurrence. Si la diversification n’a pas que du bon, ses dirigeants considèrent aujourd’hui qu’elle demeure le meilleur moyen de “respecter nos clients” en étant, plus que jamais, un soutien et un partenaire pour eux. Alors que les jumeaux Niort avaient choisi d’associer leurs compétences de motoriste et d’électricien pour répondre au mieux aux demandes des automobilistes, force est de constater que leur volonté a réussi à perdurer pour faire de leur garage un groupe automobile digne de leurs ambitions.