Rétromobile, vitrine des professionnels de la collection

Avec un gain de visitorat supérieur de 25 %, Rétromobile affiche pour son édition 2015 un succès dû à l’ensemble des efforts effectués sur les expositions et sur les animations qui marquent le salon chaque année. Si l’événement réunit tous les collectionneurs de véhicules, c’est en effet qu’il s’adresse à tous les publics. Le visiteur peut en effet découvrir des modèles exceptionnels. Cette année, les trois Bugatti Royale du Musée de Mulhouse ont été déplacées, ainsi que des voitures issues de la collection Lampredo, un Italien qui a rassemblé des modèles uniques de carrossiers et de marques italiennes telles que Lancia, Alfa Romeo, Autobianchi ou Maserati et Osca. Enfin, un parterre de Pegaso rarement réunies concluait les démarches de l’organisateur. Comme toujours, les acheteurs internationaux ont profité de la vente aux enchères de la maison Artcurial pour enrichir leur collection, d’autres ont rencontré les marchands de voitures pour trouver le modèle dont ils rêvent. Le choix en la matière ne manque pas sur Rétromobile, allant de populaires européennes jusqu’à des rares Mercedes, Ferrari, DeTomaso routières et sportives, ou anciennes gloires des circuits. Si l’on n’oublie pas les constructeurs, présents avec leurs associations de préservation du patrimoine et clubs de propriétaires, le dernier tiers de la surface du salon est occupé par les clubs indépendants, souvent représentatifs de marques disparues, et par les marchands de pièces et d’équipements très divers, mais liés à la passion pour l’automobile ancienne, proposant des pièces détachées, des accessoires, des éditions ou des miniatures.

Le savoir-faire artisanal s’admire

Les ateliers de restauration ont également leur place et représentent les métiers de service qui permettent aux propriétaires de remettre en état neuf leurs véhicules. Des spécialistes affichent leurs compétences en amenant Porte de Versailles des exemples de leurs travaux. Ces professionnels, issus de la réparation traditionnelle, cultivent néanmoins des particularités qui les rendent incontournables et garants d’un travail dans les règles de l’art. Leurs noms sont internationalement connus, Lecoq, Auto Classique Touraine, Atelier des Légendes étant des figures habituées de Rétromobile.

La carrosserie Lecoq est une légende chez les carrossiers automobiles. Autrefois installé en périphérie de Paris, l’établissement s’est installé dans des locaux neufs à quelques kilomètres de la capitale pour continuer à y exprimer son savoir-faire et sa passion des belles réalisations. Sur le stand trône une Bentley Mark VI de 1952. Max Alunni et son fils Thomas, gèrent la carrosserie Lecoq depuis quelques années, et nous accueillent avec générosité. “Rétromobile est un instant privilégié pour nous et nos visiteurs, indique Thomas Alunni. Nous nous y rapprochons de nos clients et de nos partenaires autour d’une passion commune, l’automobile, mais pour autant, sans préoccupation de commerce ou de technique.” Max Alunni renchérit : “Les salons sont fatigants pour les visiteurs. Le stand de la carrosserie Lecoq est un espace où il est possible de se détendre, de se rafraîchir et de goûter quelques spécialités.” Sur le stand des Ateliers des Légendes, Eric Ganci, le patron, assure sur Rétromobile la promotion de l’entreprise : “Rétromobile est l’occasion de promouvoir le savoir-faire de l’atelier. La restauration automobile est l’activité unique de l’entreprise et la recherche de nouveaux clients est primordiale.” Autre exemple d’exposant avec Serge Birocheau, patron d’Auto Classique Touraine, un atelier qui officie depuis plus de quinze ans sur des modèles d’avant-guerre. “La fidélité à ce rendez-vous est due à l’attractivité du lieu de rencontre que constitue ce salon international, précise Serge Birocheau. Sur le stand, nous n’exposons pas des véhicules à vendre, mais des réalisations illustrant notre savoir-faire. Rétromobile nous permet de rencontrer de futurs clients.”

Un large domaine d’activité

Nos trois artisans sont très spécialisés et font référence dans leur domaine, mais, pour autant, chacun développe ses particularités. “L’atelier compte 7 personnes représentant tous les métiers de la restauration des voitures des années 20 à 50, indique Serge Birocheau. Nous travaillons la menuiserie, le formage carrosserie, la peinture, la mécanique, l’électricité et la sellerie. Nous sommes quasi indépendants.” A la carrosserie Lecoq, la vision est différente, pourtant les chantiers entrepris peuvent être similaires. Thomas Alunni précise : “Lecoq dispose d’une expérience de soixante-trois ans dans l’automobile ancienne, mais reste un atelier où tous les travaux peuvent être réalisés avec l’agrément des assurances. Il y a 30 personnes exerçant dans tous les métiers de la réparation carrosserie, mais 10 à 12 seulement se consacrent exclusivement à la restauration de voitures anciennes.”
Les orientations des ateliers évoluent avec le temps. La voiture de collection, qui est restée cantonnée à l’avant-guerre pendant longtemps, a glissé vers les années 50 et 60 il y a vingt ans, pour aujourd’hui s’ouvrir aux années 70 et même 80. Les Golf ou 205 GTI ont désormais plus de 30 ans et bénéficient des conditions “collection” déterminées par les fédérations. “Les 11 personnes que compte l’atelier sont occupées sur des voitures des années 50 à 70, reconnaît Eric Ganci, de l’atelier des Légendes. Nous exposons d’ailleurs des réalisations qui illustrent cette tendance.” Eclectique, Lecoq s’est illustré avec des restaurations dignes des constructeurs et carrossiers des années 20 à 40, mais reconnaît l’évolution. “Les propriétaires, plus jeunes (50 ans ou moins) veulent revivre leur enfance ou leur jeunesse et nous confient des voitures des années 50 à 70, explique Thomas Alunni. Certes, nous avons toujours des travaux sur des classiques, mais la voiture de collection est également utilisée régulièrement et les modèles d’après 1950 sont plus simples et peuvent rouler sans crainte de panne. Pour nous, le travail sur les monocoques simplifie la restauration, tout en assurant d’une fiabilité sur les trente ou quarante prochaines années.” L’évolution du métier rapproche ces artisans des ateliers de carrosserie classiques. “Malgré les compétences nécessaires en formage de toutes les tôles, le métier n’évolue pas beaucoup et n’est pas impacté par l’évolution des équipements de garage”, affirme Eric Ganci, qui s’appuie sur une formation de Compagnon du Tour de France. Max Alunni fait un constat similaire : “L’outillage pour la recréation de pièces est resté le même. Il n’y a pas d’innovation dans ce domaine, et la soudure est toujours réalisée au chalumeau.” Il y a pourtant une étape qui a profité des évolutions, le poste protection et peinture. “Les produits et méthodes de peinture et de protection des tôles ont changé, indique Thomas Alunni. La résistance est plus grande dans le temps, avec une qualité d’aspect égale. Pour la finition, il faut apprécier la qualité des vernis, ce sont les produits qui ont le plus évolué.”

Avec des ateliers français reconnus dans le monde entier, la pérennité du patrimoine est assurée et le secteur s’affiche comme résolument exportateur. “La France a une renommée mondiale, souligne Max Alunni. Notre valeur ne s’arrête plus à nos compétences, mais à une manière de travailler sur des voitures qui méritent le “vrai” plus que le “beau”. Dans les années 20 à 50, les carrossiers français étaient les meilleurs du monde, c’est toujours vrai aujourd’hui, au travers des ateliers de restauration.” Et Rétromobile est leur vitrine.