Véhicules classiques : un marché dynamique mais sous-exploité

Apparu au début des années 2000 avec des modèles emblématiques comme la Fiat 500 et la Mini Cooper, le néo-rétro ne cesse de gagner en popularité en Europe. Renault, par exemple, a marqué le dernier Mondial de l’Auto de Paris en dévoilant pas moins de trois réinterprétations de ses modèles cultes, dont les R4 et R5, désormais commercialisées.
Ce retour en grâce de modèles iconiques a un "double effet", selon Pierre Mannes, directeur général du groupe éponyme, spécialiste de la maintenance de marques allemandes, qui perçoit "une hausse de l’attrait et de la valeur des véhicules classiques". Un intérêt grandissant qui se confirme à l’après-vente.
L’âge d’or des véhicules classiques
En effet, le marché de l’entretien des véhicules anciens reste porteur dans l’Hexagone. Selon la dernière étude réalisée par la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE) auprès d’un échantillon de 42 677 véhicules et de 12 226 collectionneurs, le budget moyen consacré à la maintenance des carrosseries anciennes s’élève à 3 040 euros par an.
Un tiers des collectionneurs fait appel aux soins d’un réparateur professionnel pour effectuer ces interventions, et 67 % des automobilistes prévoient une restauration complète de leur voiture. Des données qui font du secteur de l’après-vente de véhicules anciens une niche lucrative, avec un chiffre d’affaires annuel estimé à 1,2 milliard d’euros (1,3 milliard d’euros pour la restauration et le commerce). Et ces chiffres devraient continuer à croître dans les prochaines années, selon la FFVE.
"Malgré une stagnation du chiffre d’affaires par rapport à la précédente enquête, les professionnels restent optimistes sur leur avenir. En l’occurrence, 60 % d’entre eux projettent une augmentation de leur chiffre d’affaires dans les cinq prochaines années", observe la fédération.
Des constructeurs pionniers dans la préservation
Certains grands noms de l’automobile ont compris depuis longtemps l’importance de valoriser leur patrimoine. Porsche, par exemple, a développé un département spécifique, Porsche Classic, pour accompagner ses clients dans la restauration et l’entretien de leurs modèles, jusqu’à la mythique 356. Ce service propose non seulement des pièces détachées d’origine ou modernisées, mais aussi des systèmes d’infodivertissement au design rétro, parfaitement adaptés aux modèles anciens.
Du côté de Mercedes, la stratégie est similaire avec Mercedes Heritage, qui offre un service de distribution et de restauration dédié à ses modèles iconiques. Si ces programmes spécifiques permettent aux constructeurs de préserver leur patrimoine automobile, ils ne suffisent pas toujours à couvrir tous les besoins des ateliers.
"Même si Mercedes propose de nombreuses pièces, les délais peuvent être longs, y compris pour des modèles récents. Les collectionneurs doivent parfois s’armer de patience ou recourir à des alternatives, comme la fabrication sur mesure", note Pierre Mannes. Raison pour laquelle de nombreuses sociétés spécialisées indépendantes se sont également engagées dans l’entretien des anciennes. À l’instar de la société Buser, fondée en 1984 et désormais intégrée au groupe Mannes, qui s’est imposée comme la référence pour les pièces Porsche.
Préserver l’héritage français
Les constructeurs français, bien que moins engagés que leurs confrères allemands, n’ont pas totalement ignoré leur patrimoine. L’Aventure Peugeot Citroën DS, lancée en 1982 par Pierre Peugeot, joue un rôle clé dans la préservation des modèles historiques des deux marques. "L’objectif est de préserver et faire rayonner notre patrimoine de véhicules anciens", annonce Loïc de La Roche, directeur général de l’association, aujourd’hui soutenue par Stellantis.
Outre son musée à Sochaux, elle propose une gamme de pièces détachées, des services de restauration et d’authentification de véhicules classiques. Bruno Garovo, directeur des pièces de rechange de L’Aventure Peugeot Citroën DS, souligne l’importance de ce partenariat avec le constructeur : "Nous travaillons en étroite collaboration avec Stellantis pour identifier et récupérer des stocks de pièces inutilisées dans les concessions. Ces pièces sont ensuite mises à disposition des collectionneurs." Aujourd’hui, l’association dispose de 18 000 références et gère environ 365 000 pièces.
Mais si Stellantis, Porsche ou Mercedes se démarquent par leur implication, d’autres constructeurs restent en retrait, laissant les collectionneurs sans solution pour entretenir leurs véhicules anciens. La disponibilité sporadique de certaines références pénalise cette activité, alors même que ce marché affiche un potentiel considérable. Dans un contexte où le néo-rétro stimule l’intérêt pour les modèles d’origine, la préservation du patrimoine automobile pourrait bien devenir un atout stratégique pour les marques. Reste à savoir si elles saisiront cette opportunité pour pérenniser leur héritage tout en répondant aux attentes des passionnés.