Alexis Dufay (APA Carmoine) : "Nous voulons proposer le taux de service le plus élevé possible"

Le Journal de la Rechange et de la Réparation : L'année 2023 a été plutôt positive pour le marché de la rechange, malgré un ralentissement les derniers mois. Comment s'en est sorti le groupe APA Carmoine ?
Alexis Dufay : Plutôt bien, dans la mesure où nous avons clôturé l'année avec une progression de 11,7 % par rapport à 2022. Notre chiffre d'affaires a dépassé les 99 millions d'euros, sans toutefois atteindre la barre symbolique des 100 millions. Nous avons connu un très fort développement de l'activité en début d'année, bénéficiant du dynamisme du marché de la rechange indépendante et des effets d'inflation, qui ont favorisé les croissances de nos sociétés. 2023 a démarré avec des niveaux d'inflation compris entre 9 et 10 %, avant de chuter à des taux entre 2 et 2,5 % au dernier trimestre. Le ralentissement de la croissance est, selon moi, principalement lié à ce tassement de l'inflation. Le marché a aussi probablement été impacté par la baisse de pouvoir d'achat… Mais j'ai tout de même le sentiment que l'automobile reste relativement épargnée par ce phénomène. Le transport reste un besoin important pour les ménages français.

J2R : Comment se ventile votre chiffre d'affaires ?
A. D. : Notre activité repose sur la vente de pièces de rechange VL et PL, de matériels d'atelier et de produits pour la carrosserie. Environ 50 % de notre chiffre d'affaires est issu de la pièce mécanique automobile, 20 % de la carrosserie peinture, 10 % de l'équipement d'atelier et environ 10 % de la pièce poids lourd. En 2023, c'est la vente d'équipements qui a été particulièrement dynamique. Nous avons enregistré beaucoup d'investissements de matériels pendant cette période.

J2R : Vous succédez à Alex Garcia, qui a marqué de son empreinte le développement d'APA Carmoine. Quels sont les axes prioritaires de développement que vous envisagez pour l'entreprise ?
A. D. : Notre modèle a été créé il y a une dizaine d'années à l'initiative de notre actionnaire, le groupe Dubreuil, dirigé aujourd'hui par Paul-Henri Dubreuil. Il a fallu du temps pour que ce modèle se mette en place, mais c'est ce qui a fait son succès. Pour rappel, en dix ans, l'entreprise a doublé son chiffre d'affaires. C'est pourquoi ma priorité est de maintenir cette continuité et de poursuivre le développement de notre modèle, qui s'appuie avant tout sur une distribution efficace de pièces de rechange. Nous voulons proposer le taux de service le plus élevé possible, c'est notre ambition. Nous devons répondre aux besoins du réparateur et adapter en conséquence notre capacité à le livrer dans les meilleures conditions. Pour cette raison, l'optimisa-tion de notre supply chain reste primordiale. Il y a encore des leviers qui doivent nous aider à nous montrer plus performants, notamment dans certaines zones régionales.

Nos principaux développements, entre 2014 et 2020, se sont concentrés en Loire-Atlantique et autour de l'agglomération de Cholet. En 2020, le groupe a ouvert une autre plateforme à Betton, au nord de Rennes. Ce nouveau site logistique va nous aider à accélérer notre développement en Ille-et-Vilaine, où nous espérons avoir la même implantation qu'en Loire-Atlantique. Nous avons aujourd'hui la chance d'être adossés à Autodistribution, un groupement dynamique avec des réseaux de garages bénéficiant d'une forte notoriété. Il y a évidemment l'enseigne AD, mais aussi Autoprimo qui se développe bien, et Staff Auto qui propose une offre différenciante répondant aux attentes d'une partie des garages. Enfin, il y a une autre spécificité dans notre modèle, c'est notre offre technique. Il s'agit plus concrètement de nos 12 ateliers CTA qui soutiennent les MRA dans des opérations complexes : recherche de pannes, réparation de culasses, rénovation d'injecteurs, etc. Ce sont des services supplémentaires que les garagistes ne retrouvent pas forcément chez nos confrères et concurrents.

J2R : Pouvez-vous nous rappeler le périmètre de votre maillage logistique ?
A. D. : Nous comptons deux plateformes et 14 agences, dont 12 adossées à un CTA. Ce qui nous permet de livrer l'ensemble de nos clients jusqu'à quatre fois par jour, toutes les deux heures environ. Au total, ces livraisons représentent près de 50 tournées.

J2R : Le groupe dispose aujourd'hui de deux plateformes, à Nantes et à Rennes. Ces deux sites suffiront-ils à accompagner votre développement ?
A. D. : Oui, je pense que ces plateformes devraient nous permettre de poursuivre notre croissance. Évidemment, nous pouvons toujours espérer plus d'espace mais aujourd'hui, ces deux plateformes répondent à nos besoins. Nous veillons à garder une gestion intelligente de nos stocks, avec la volonté de répondre toujours positivement et dans les deux heures aux demandes des réparateurs. Je pense que nous pouvons encore optimiser notre profondeur, grâce à l'efficacité de la plateforme d'Autodistribution, Logisteo, qui a gagné en performance ces dernières années. Finalement, le seul sujet pour lequel on se fait parfois des nœuds à la tête, c'est le pneumatique. C'est un produit volumineux qui nécessite un stock très important si nous voulons rester compétitifs et répondre positivement aux commandes des garages, quelle que soit la dimension.

J2R : APA Carmoine a été récompensé aux Grands Prix de la Rechange 2022 pour sa stratégie d'animation de réseaux de garages. Est-ce un axe que vous souhaitez développer encore dans les prochaines années ?
A. D. : C'est vrai que le groupe bénéficie aujourd'hui d'un maillage de garages très dense avec environ 160 sites AD, une cinquantaine d'Autoprimo et une trentaine de Staff Auto. Mais quand on se penche plus précisément sur nos zones d'implantation, il reste encore des choses à faire. Si nous sommes plutôt bien représentés dans la Loire-Atlantique, c'est un peu moins le cas dans l'Ille-et-Vilaine, où notre marge de progression est plus importante. D'autant que nous avons la chance de nous appuyer sur trois réseaux avec des contenus très différents. Ce qui permet de satisfaire tous les besoins de nos clients réparateurs.

J2R : APA Carmoine fait partie du groupe Dubreuil, qui dispose de nombreuses activités dans l'automobile. Quelles relations entretenez-vous avec les autres entités du groupe ?
A. D. : Le pôle automobile du groupe Dubreuil se décline en trois marques : Clara, Claro et Claris. S'y ajoute Opal, leur plateforme de distribution de pièces. Nos activités sont complémentaires, même si nous avons quelques zones de chevauchement. Nous entretenons de très bonnes relations les uns avec les autres, en essayant notamment de partager nos bonnes pratiques.

J2R : Des synergies sont-elles mises en œuvre au sein de ces différentes entités ?
A. D. : Assez peu, car ces entités restent des entreprises bien distinctes. Nous échangeons et nous nous retrouvons parfois mais, finalement, les équipes d'APA Carmoine sont entièrement dédiées au multimarquisme, tandis que celles d'Opal travaillent de leur côté sur la pièce d'origine et le catalogue Distrigo. Parmi les quelques mutualisations mises en œuvre au sein de nos filiales, APA Carmoine s'occupe de l'installation des équipements d'atelier et de leur SAV pour les concessions du groupe. C'est une compétence spécifique dans nos équipes, et c'est la raison pour laquelle nous gérons aujourd'hui ce service.

J2R : Envisagez-vous d'élargir la gamme de produits ou de services proposée par APA Carmoine ?
A. D. : Oui, cela fait partie de notre objectif, mais il est un peu tôt pour en parler. Nous travaillons actuellement avec l'équipe de direction sur ces sujets pour préparer le moyen et le long terme.

J2R : Avez-vous été confrontés à des difficultés de recrutement pour vos deux plateformes logistiques ?
A. D. : Outre notre activité logistique, nous avons la particularité au sein du groupe d'assurer en interne toutes nos livraisons. Il est vrai que ce sont des métiers pour lesquels il n'est pas toujours évident de recruter. Et ce, pour plusieurs raisons. C'est tout d'abord dû à la localisation de ces plateformes, qui sont souvent situées en périphérie urbaine pour des raisons d'espace. Ce sont des zones où de nombreux sites logistiques sont installés, alors que les bassins de population y sont moins importants. Ce qui peut compliquer nos recrutements.
Mais ce ne sont pas des difficultés insurmontables qui gênent notre activité. D'autant que le groupe Dubreuil travaille sur des politiques RH pour fidéliser les équipes et les mobiliser autour d'un projet d'entreprise. Par exemple, nous veillons au bien-être des salariés en mesurant cet aspect via le baromètre Great Place to Work. En 2023, le groupe a de nouveau fait appel à ce baromètre et 25 entreprises, dont APA Carmoine, ont été certifiées, contre 14 en 2021. Ce baromètre nous permet, en outre, d'identifier des axes d'amélioration pour le bien-être des équipes. Ce sont, je pense, des éléments qui ne sont pas négligeables aujourd'hui.

A lire aussi : APA Carmoine voit double

J2R : Cette volonté d'améliorer la qualité de vie au travail fait-elle partie d'une stratégie RSE plus globale ? 
A. D. : Ce sont effectivement des directives qui vont de plus en plus s'imposer à nous, notamment à travers des rapports annuels extra-financiers. Pour ce qui concerne notre empreinte carbone, elle est principalement liée à notre activité de transport de marchandises et aux flottes de nos commerciaux et de nos techniciens. Nous venons de débuter cette démarche et nous cherchons les bons outils pour transformer progressivement notre parc roulant. Nous devrions finaliser cette phase de réflexion dans les prochains mois et espérons donc mettre en place les premiers changements dans la foulée. Nous avons la volonté de travailler le plus rapidement possible sur ces sujets qui nécessitent une courbe d'apprentissage. Il faut apprendre à travailler avec ces nouvelles règles et adapter nos entreprises à la législation et à la transformation de la mobilité.

J2R : Quels sont, à plus long terme, les principaux défis auxquels APA Carmoine sera confronté ?
A. D. : Je pense que la technicité croissante de l'automobile va nous conduire à intégrer de nouvelles compétences dans l'entreprise. Aujourd'hui, nous constatons que la vente de matériels techniques – outils de diagnostic électroniques ou équipements de calibration d'Adas – prend une place de plus en plus importante. Les notions de security gateway et de Pass-Thru sont devenues incontournables dans le monde du multimarque. Il va donc falloir adapter nos compétences en interne.