Batteries : le marché prépare son prochain cycle

Si la batterie reste un produit sensible aux conditions climatiques extrêmes, le modèle saisonnier a changé. Les hivers rigoureux, qui provoquaient autrefois des pics massifs de remplacements, sont devenus rares. Michel Meyer, directeur de Banner France, résume ce glissement : "Les hivers sont moins froids, même si la chaleur estivale joue désormais un rôle important."
Pour Sébastien Mallard, directeur commercial et stratégie de Steco Power, le vieillissement du parc automobile, âgé en moyenne de douze ans, compense largement cette moindre exposition aux froids intenses : "Ce facteur reste déterminant dans la demande en batteries."
Le retour cette année de Magneti Marelli sur cette gamme de produits a d’ailleurs encore élargi un paysage déjà très concurrentiel. "La concurrence est de plus en plus forte", corrobore Cédric Jorant, directeur général de Clarios France. Pour Michel Meyer, la filière est arrivée à maturité : "Le secteur est mature et saturé : trop d’offres par rapport à la demande, donc peu de potentiel de croissance."
Magneti Marelli s’appuie sur plus d’un siècle d’expertise dans les composants automobiles pour le lancement de sa gamme en France. Dès 1919, l’entreprise produisait déjà des batteries pour le groupe Fiat. ©Magneti Marelli
Selon lui, la clé pour les fournisseurs est d’aller chercher des relais à l’international et, en France, de mettre en avant des éléments différenciants autres que le prix, comme le service et la disponibilité.
Des MDD toujours en vogue
Si le marché tricolore est arrivé à maturité, sa structure n’a pas changé : elle penche toujours en faveur des marques de distributeur (MDD) et des deuxièmes lignes. "Le vieillissement du parc promeut naturellement les batteries à bas prix", pointe le directeur général de Clarios France. Une tendance renforcée par les difficultés qui pèsent toujours sur le pouvoir d’achat des ménages.
C’est un phénomène typiquement français. Dans de nombreux autres pays, le premium est majoritaire, avec 70 % de parts de marché, contre 30 % pour les MDD et les marques secondaires. En France, c’est l’inverse : 70 % pour les MDD et deuxièmes lignes, 30 % pour le premiumobserve Laurent Habierre, directeur opérationnel d’AZ Energy.
Une analyse partagée dans les rangs de Steco où l’on estime que sur un marché à 6 ou 7 millions de batteries par an, environ 7 ventes sur 10 concernent des MDD. Cette tendance est accentuée par l’arrivée de nouveaux acteurs. "Nous voyons arriver des concurrents asiatiques cherchant des opportunités de marché eu égard aux difficultés liées à l’augmentation des taxes vers le marché américain", rapporte Cédric Jorant.
Mais tous ces produits ne se valent pas, et certaines batteries à bas prix commercialisées affichent une durabilité réduite. Ce contexte amène les fabricants à redoubler de pédagogie auprès des distributeurs et réparateurs sur l’importance du bon produit pour la bonne application. "Une batterie plomb-acide 12 V reste de la chimie, une filière très maîtrisée, mais sans miracle : des prix très bas riment souvent avec un cycle de vie plus court", met en garde Étienne Gyongyosi, chef de produit batteries chez Bosch France.
La montée des technologies EFB et AGM
Cet accompagnement et ce support technique sont d’autant plus nécessaires que le parc roulant, encore majoritairement équipé de batteries SLI, ne cesse d’évoluer. Avec la généralisation des dispositifs stop & start, les batteries de type AGM et EFB poursuivent leur développement et devraient s’imposer dans les prochaines années.
Celles-ci offrent de meilleures performances en cycles de charge/décharge et supportent mieux les contraintes imposées par le stop & start, la microhybridation ou la récupération d’énergie au freinage. L’essor des véhicules hybrides et électriques, également dotés d’une batterie 12 V, devrait aussi accélérer la disparition progressive des accumulateurs SLI.
En agrégeant EFB et AGM, on peut dire qu’aujourd’hui encore, 6 batteries sur 10 en parc sont des SLI. Les EFB et AGM poursuivent leur développement et prendront progressivement le pas sur la SLIannonce Sébastien Mallard.
Chez AZ Energy, Laurent Habierre ajoute : "Elles représentent environ 35 % de nos ventes, et cette part augmente naturellement avec la diffusion massive des systèmes stop & start." Chez Bosch, on estime qu’à horizon 2030, 50 à 60 % du parc sera équipé de batteries EFB ou AGM. La diversification technologique du parc a conduit plusieurs équipementiers à élargir et clarifier leurs gammes.
Au prochain salon Equip Auto, AZ Energy dévoilera sa nouvelle offre autour de sa marque Freebat, qui sera complétée par les lignes Freebat Premium et Freebat First. Objectif : proposer une déclinaison haut de gamme et une gamme plus accessible. ©AZ Energy
Exide a choisi de simplifier son offre afin que distributeurs et réparateurs puissent identifier plus facilement ses différentes technologies et marques : Exide, Tudor et Fulmen. L’équipementier propose ainsi un nouveau code couleur : étiquette violette pour les AGM, marron pour les EFB et jaune pour les accumulateurs Premium, Excell et Classic.
Chez Varta (Clarios), la refonte du catalogue s’est opérée cette année : les gammes Dynamic (VL), ProMotive (PL), Professional (loisir) et Powersports sont désormais clairement définies. Les batteries SLI conventionnelles ont été fusionnées en une ligne, aussi bien pour la catégorie VL que PL et loisir.
Économie circulaire, entre maturité et incertitudes
Dans ce secteur, un autre terrain s’impose progressivement : celui de la fin de vie des produits. Du respect des obligations réglementaires au recyclage des matériaux, en passant par les initiatives de reconditionnement, l’économie circulaire devient un champ de différenciation. Le sujet est plus que jamais d’actualité avec l’extension, depuis le 18 août dernier, de la responsabilité élargie du producteur (REP) à toutes les catégories de batteries, dont celles dédiées aux véhicules.
Cette réglementation oblige les metteurs sur le marché, importateurs et distributeurs, à mettre en place des dispositifs de collecte et de recyclage conformes aux normes européennes. L’ambition est de maximiser la récupération des matériaux critiques, tout en minimisant l’impact environnemental. Pour Sébastien Mallard, cette REP va "structurer la filière", raison pour laquelle Steco Power a rejoint l’Afdib, l’association française de l’industrie de la batterie.
Sur le recyclage, les acteurs restent confiants. Le recyclage des batteries plomb-acide est une filière mature, maîtrisée et économiquement viable. En revanche, le réemploi et la seconde vie restent plus confidentiels.
Il y a sans doute des batteries récupérables sur le marché, oui, mais quelle proportion rapportée aux millions consommées chaque année ? C’est difficile à dire… Pour qu’un industriel s’y intéresse, il faudrait suffisamment d’unités réutilisables, des tests usine spécifiques, et garantir un nouveau cycle de vie prévisible avec une stabilité comparable au neuf. Or on travaille sur un produit fermé, sans visibilité interne, alors qu’en fabrication on maîtrise composants et processdétaille Étienne Gyongyosi.
Si la prudence reste de mise chez les grands industriels, la montée en puissance des contraintes réglementaires et la nécessité de préserver des ressources critiques ne laissent guère de doute : offrir une seconde vie aux batteries 12 V ne sera bientôt plus une option, mais un passage obligé. En s’imposant comme une étape à part entière du cycle de vie, ce réemploi pourrait devenir l’ultime preuve de la capacité de l’industrie à conjuguer performance économique et responsabilité environnementale.