Carine Bonnet, Nexus Automotive : "Le développement durable est un avantage concurrentiel"

Le Journal de la Rechange et la Réparation : Qu’est-ce qui a motivé Nexus Automotive à initier le projet "AA Repair For Good" ?
Carine Bonnet : Nexus a lancé en 2023 son initiative dédiée au développement durable, le Nexus Climate Day, dans l’objectif de fédérer sa communauté de suppliers (fournisseurs, ndlr) et de distributeurs autour d’un marché de la rechange automobile plus durable.
En 2022, le groupement avait d’ores et déjà mené une étude afin d’établir un premier état des lieux dans 6 pays européens auprès de 2300 réparateurs en la matière. Le constat fut sans appel : bien qu’une démarche écologique existe dans la profession et soit plébiscitée par les clients, peu sont engagés dans une réelle ‘politique de gestion des déchets’ malgré la réglementation en vigueur.
C’est ainsi qu’est née la volonté de créer "AA Repair for Good", rebaptisée "Green Garage" afin d'en faire un "label" Nexus, qui pourrait être déployé dès 2026 après une phase pilote. L’ambition est ici de créer un "Nexus Standard" à l’échelle internationale afin de fédérer un maximum de garage autour de cette initiative.
J2R : Quels constats ou résultats d’études vous ont convaincu de la nécessité d’un tel référentiel pour les garages ?
C. B. : Notre étude mettait en exergue le besoin des clients d’être en mesure d’identifier des garages investis dans une démarche de développement durable, il y clairement une réelle attente en la matière. Pour preuve, les consommateurs français déclarent à être prêts à payer 5,7 % plus cher un garage respectueux de l'environnement, voire parcourir 8 kilomètres de plus pour s'y rendre.
J2R : Quels sont les piliers sur lesquels repose "Green Garage" ?
C. B. : Nous avons donc créé un référentiel qui permet d’identifier et structurer les réparateurs durables autour des critères suivants : empreinte carbone, économie circulaire et considérations sociales avec 25 indicateurs. L’ambition est de proposer des solutions concrètes afin d’accompagner les garages dans cette transition et in fine, gagner en compétitivité.
Pour les suppliers, cette démarche permet d’accéder à des datas exclusives en plus d’assurer un impact sur les ventes. Quant aux distributeurs, cette démarche leur permet d’élargir leur portefeuille tout en générant de nouvelles opportunités. En somme, le développement durable n’est pas un frein au business mais un avantage concurrentiel qu’il convient de mettre en exergue.
Avec "Green Garage", Nexus Automotive entend accompagner les réparateurs dans leur transition vers des pratiques plus durables et compétitives. ©Nexus
J2R : Pouvez-vous détailler quelques-uns des indicateurs qui sont inclus dans l’outil d’audit ?
C. B. : L’outil d’audit développé dans le cadre du projet "Green Label Garage" évalue les ateliers sur la base de plusieurs indicateurs de performance environnementale, sociale et opérationnelle. Ces indicateurs sont regroupés par thématiques et structurés selon 4 niveaux de maturité, permettant ainsi de mesurer la progression dans le temps.
Voici quelques exemples concrets d’indicateurs inclus dans l’outil, actuellement utilisés dans le POC (proof of concept) avec les ateliers Serca : efficacité énergétique, consommation d’eau, énergies renouvelables, gestion des déchets... Pour la partie environnement, réparation versus remplacement, pièces de réemploi ou reconditionnées... pour la partie économie circulaire, diversité, satisfaction client... pour la partie Social et organisation.
J2R : L'approche inclut-elle aussi des critères sociaux (conditions de travail, formation, diversité, etc.) ?
C. B. : Tout à fait, le nom de projet "Green Garage" est restrictif mais nous avons envisagé l’ensemble des sujets liés à la RSE. Il nous semblait indispensable de couvrir les prérequis en termes de bien-être et sécurité au travail des collaborateurs. Par exemple, la formation technique et sécurité est considérée du point de vue du pourcentage d’employés formés, rappels annuels, suivi des accidents de travail. De même, pour le processus de recrutement & diversité, nous couvrons la formalisation de procédures anti-discrimination et la sensibilisation des équipes. D’autres sujets sont également abordés et nous permettent d’être assez exhaustifs.
J2R : Quel est le processus pour qu’un garage entre dans la démarche ? Existe-t-il un accompagnement à chaque étape ?
C. B. : La démarche va s’inscrire dans une logique collaborative. La communauté Nexus est basé sur un lien fort avec nos membres. C’est tout naturellement que nous reprendrons le déploiement en premier lieu avec Serca et nos membres en charge de nos réseaux de garages dans les différents pays. Nous proposerons également cette approche à l’ensemble de la communauté et les modalités seront définies dans les mois à venir.
Nous allons développer prochainement une plateforme dédiée qui permettra aux garages de suivre leurs progrès au fil de l’eau et d’avoir de la visibilité sur les prochaines étapes en vue d’améliorer leur rating. Cela nous permettra également de maitrise le coût de cette initiative et de s’assurer de son attractivité pour les garages.
J2R : Les audits réalisés aboutissent-ils à une certification ou à un label ?
C. B. : Les nouvelles modalités seront proposées sur un format modulaire, avec un premier niveau très accessible en terme financier réalisé sous la forme d’une auto-évaluation, qui donnera la possibilité au garage d’accéder à une analyse de son organisation interne et une boîte à outils qu’il pourra utiliser à sa convenance afin d’améliorer sa performance. Nous souhaitons également leur offrir la possibilité d’accéder à un label et une possible certification dont les contours financiers restent à définir.
J2R : Quels retours avez-vous eus des premiers ateliers audités ?
C. B. : Les retours sont excellents et le réseau espagnol ravi de débuter la phase de déploiement officielle. Leur impatience démontre tout l’intérêt pour le sujet et nous donne la possibilité d’envisager de belles perspectives avec l’ensemble de notre communauté.
J2R : Quels gains ou transformations concrètes les premiers garages engagés ont-ils pu observer ?
C. B. : Paradoxalement, les premiers garages engagés dans la démarche avaient déjà bon niveau mais une réelle méconnaissance globale du sujet. L’exercice leur a permis une prise de conscience collective, une meilleure structuration des pratiques et un engagement progressif des équipes autour des enjeux environnementaux et sociaux. La phase de suivi des progrès devait initialement être lancée avec l’extension du programme à l’ensemble du réseau espagnol, ce qui n’a pas encore été mis en œuvre de manière formelle.
Nous restons convaincus que l’élargissement du programme permettra de documenter pleinement les impacts positifs, en particulier en matière d’économies d’énergie, de réduction des déchets et d’amélioration de la performance globale des ateliers.
Le déploiement du programme "Green Garage" s’opérera par étape au cours des deux prochaines années. ©Nexus
J2R : Avez-vous prévu des outils de communication pour qu’un garage puisse valoriser son engagement auprès de sa clientèle ?
C. B. : Tout à fait, bien que ce ne soit pas l’essence même du concept, nous mettrons à disposition des garages un package de communication et différents supports de manière optionnelle, tels que des exemples de communication pour les réseaux sociaux, diplôme...
J2R : Avez-vous identifié des freins particuliers au développement de cette démarche ?
C. B. : Malheureusement, le contexte géopolitique qui a tendance à délaisser la durabilité. Notre message est clair : plus que jamais, nous devons poursuivre nos efforts pour faire de l’automotive aftermarket une industrie plus respectueuse de l’environnement, tant d’efforts et de bonnes pratiques ont été déployés. Aucun retour en arrière n’est possible, nous le constatons chaque jour à travers les actualités et la météo.
Ce concept s’inscrit dans une véritable démarche de responsabilité sociétale. Les garagistes indépendants sont prêts à assumer ce défi sur le long terme et nous les accompagnerons durablement. Ils ont tout à gagner en termes de productivité et de rentabilité, tout en préservant l’écosystème dans lequel ils évoluent.