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Cartel sur le recyclage : 15 constructeurs lourdement sanctionnés

Publié le 1 avril 2025
Par Mohamed Aredjal
3 min de lecture
La Commission européenne a infligé près de 460 millions d’euros d’amendes à 15 constructeurs et à l'ACEA pour leur participation à une entente sur le recyclage des véhicules hors d'usage. Ce cartel a pénalisé les centres VHU, qui pourraient désormais envisager une action en justice pour obtenir réparation.
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Certains centres VHU pourraient engager des poursuites contre les constructeurs automobiles, accusés d’avoir faussé la concurrence sur le marché du recyclage pendant plus de 15 ans. ©GPA

Pendant plus d’une décennie, plusieurs groupes automobiles ont discrètement aligné leurs positions sur le recyclage de leurs véhicules en fin de vie. C’est ce que révèle la Commission européenne, qui sanctionne aujourd’hui un cartel jugé préjudiciable aux consommateurs comme à l’environnement.

Entre 2002 et 2017, les 15 constructeurs sanctionnés – parmi lesquels Volkswagen, Renault, Stellantis, Toyota ou encore BMW – ont conclu des accords pour ne pas rémunérer les démolisseurs automobiles chargés de la valorisation des VHU (véhicules hors d’usage). Leur stratégie dite de "zéro coût de traitement" reposait sur l’idée que les déconstructeurs dégageaient déjà une marge suffisante.

Une entente organisée pour limiter la concurrence

De plus, les constructeurs ont convenu de ne pas communiquer sur les performances de recyclabilité de leurs véhicules ni sur l’usage de matériaux recyclés. "Leur objectif était d'empêcher les consommateurs de prendre en compte les informations relatives au recyclage lorsqu'ils choisissent une voiture, ce qui pourrait réduire la pression exercée sur les entreprises pour qu'elles aillent au-delà des exigences légales", souligne la Commission européenne.

Pourtant la directive européenne encadrant la gestion des VHU impose aux fabricants de prendre en charge les frais de traitement si ceux-ci ne peuvent être couverts par le seul démontage. Elle les oblige également à informer les consommateurs sur les taux de recyclage atteints ou sur la part de matériaux recyclés intégrés dans les nouveaux modèles.

Pour Teresa Ribera, vice-présidente exécutive de la Commission en charge de la transition écologique, cette affaire illustre un manquement grave des industriels.

"Nous ne tolérerons aucune forme de cartel, y compris ceux qui freinent la sensibilisation et la demande des clients pour des produits plus respectueux de l'environnement. Un recyclage de haute qualité dans des secteurs clés comme l'automobile sera essentiel pour atteindre nos objectifs d'économie circulaire, pour abaisser les déchets et les émissions, mais aussi pour réduire les dépendances, diminuer les coûts de production et créer un modèle industriel plus durable et compétitif en Europe."

L’ACEA coordinatrice du cartel

Dans cette entente illicite, le rôle de l’ACEA – l’Association des constructeurs automobiles européens – a été déterminant selon Bruxelles. L'organisation a servi de plateforme d’échanges et de coordination entre les entreprises impliquées. Pour cette fonction de "facilitateur", une amende spécifique de 500 000 euros a été prononcée à son encontre.

Du côté des constructeurs, tous ont reconnu les faits et accepté de coopérer pour bénéficier d’un règlement négocié. Cette démarche leur a permis d’obtenir une réduction de 10 % sur le montant des amendes. Mercedes-Benz, qui a été le premier groupe à dénoncer l’existence de cette entente en 2019, a obtenu une exonération totale.

Les sanctions financières ont été modulées selon plusieurs critères : durée de participation, rôle joué dans l’entente, gravité des faits, étendue géographique et coopération avec l’enquête.

Volkswagen écope de l'amende la plus lourde (127,7 millions d’euros), suivi de Renault-Nissan (81,4 millions) et Stellantis (74,9 millions). Ford, Mitsubishi, Hyundai ou encore Toyota figurent également parmi les groupes sanctionnés, à des degrés divers. Renault a vu sa sanction partiellement réduite, ayant manifesté le souhait d’informer sur l’usage de matériaux recyclés.

Une affaire aux répercussions juridiques potentielles

Au-delà de ces pénalités, cette décision ouvre la voie à des recours civils. Les entreprises et consommateurs estimant avoir subi un préjudice peuvent engager des actions en réparation devant les juridictions nationales. Le droit européen permet de s’appuyer sur la décision de la Commission comme élément de preuve irréfutable.

"Ces décisions ouvrent la possibilité aux entreprises de recyclage automobile, victimes de ce cartel, de se pourvoir ensemble en justice, confirme le cabinet Predal Riquier Avocats. En effet, en l'absence de pratique anticoncurrentielle, ces entreprises auraient perçu une contribution financière de la part des constructeurs automobiles. Ces paiements qui auraient eu lieu en l'absence de comportement illicite constituent en effet un préjudice dont il est possible de demander l'indemnisation." Le dommage pourrait se chiffrer à plusieurs dizaines de millions d'euros.

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