Climatisation : un marché qui ne craint pas le coup de froid

Depuis le milieu des années 90, le nombre de véhicules neufs équipés de climatisation a augmenté de façon exponentielle sur le marché français. Ainsi, selon Valeo Services, si seulement 15 % des VN en étaient équipés en 1995, ce chiffre a atteint 90 % en 2010… Et cet équipement est loin d'être réservé aux seuls véhicules légers : désormais, même les voitures sans permis bénéficient de la climatisation !

En raison du vieillissement du parc roulant, qui flirte aujourd'hui avec les 11 ans d'âge, l'entretien de la climatisation échappe plus largement à la rechange constructeur au profit de la filière indépendante. Et l'intérêt des MRA pour ces prestations de maintenance ne cesse de se confirmer. D'une part parce que les recharges en gaz 1234 ne requièrent plus d'agrément et, d'autre part, parce que l'offre de plus en plus variée de pièces dans la gamme climatisation incite les distributeurs et, par voie de conséquence, leurs clients garagistes à s'y intéresser davantage.

Compresseurs et condenseurs en tête des ventes

De fait, selon plusieurs équipementiers, le marché de la pièce de climatisation en rechange est relativement dynamique ces dernières années et ce, même en temps de crise sanitaire. Comme l'explique Michaël Rhé, directeur général de Nissens France : "Malgré l'impact de la pandémie en 2020, le déconfinement est par chance intervenu aux beaux jours, au moment où la saison climatisation a débuté. Ce calendrier favorable, conjugué à des départs en vacances plutôt en France et plutôt en voiture, ont permis globalement de maintenir l'activité climatisation à un niveau équivalent à 2019, alors que le reste des activités de réparation et d'entretien automobile a logiquement été en repli."

Un constat partagé par l'ensemble des acteurs du marché même si, comme toujours, certaines pièces d'une même famille de produits s'en sortent mieux que d'autres.

Ainsi, compresseurs et condenseurs ont été les composants les plus fréquemment remplacés dans le cadre d'une intervention de climatisation. "Dans cette famille, le compresseur a le vent en poupe car c'est l'une des causes de pannes. Et si le compresseur augmente en volume, c'est aussi parce que son prix est en baisse. Il y a encore quelques années, seules des pièces d'origine étaient disponibles sur le marché de la rechange. Aujourd'hui, c'est un composant pour lequel vous trouvez également des pièces adaptables (environ 30 % du marché) et du remanufacturé (40 %). Ce dernier correspond clairement à la demande sur des véhicules âgés, plus en phase avec le parc roulant actuel", souligne Geoffrey Duhamel, directeur commercial de Frigair France.

Sur ces cinq dernières années, le prix d'un compresseur – qui est d'ailleurs le seul élément proposé en rénové dans l'univers de la climatisation – a ainsi baissé de quelque 30 %. Ce qui incite de plus en plus d'automobilistes à le faire remplacer lorsqu'il tombe en panne, y compris avec des véhicules très âgés. En revanche, si la logique voudrait que le filtre déshydrateur – aussi appelé bouteille déshydratante – suive la même courbe ascendante que le compresseur, il n'en est rien. En effet, en théorie, à chaque remplacement du compresseur, le filtre doit lui aussi être changé. Au point d'ailleurs que des fournisseurs comme Frigair et Nissens ne prennent pas en charge la garantie du compresseur si ledit filtre n'a pas fait l'objet d'un changement en parallèle. "Le filtre, c'est un des produits qui devrait faire bien plus de volume, et ce n'est pas le cas", déplore Michaël Rhé.

Quant au condenseur, il est la pièce de choc par excellence de la boucle de climatisation. Forcément moins saisonnier que les autres pièces de climatisation, il se déforme facilement en cas d'impact, pour mieux encaisser les chocs. Moralité, au moindre choc de pierre ou accident de la circulation, le condenseur doit être remplacé. Enfin, notons que le pulseur, lui aussi, fait partie des quelques produits à mieux tirer leur épingle du jeu. Et pour cause : il est le responsable de la ventilation d'air froid dans l'habitacle. En somme, qui dit pulseur cassé dit climatisation inefficace. Or, plus un pulseur tourne, plus il s'use rapidement et plus il doit être changé. Une intervention de plus en plus courante eu égard aux pics de chaleur de ces dernières années…

Une attention réelle des ateliers ?

Si la climatisation a longtemps été laissée de côté par les professionnels de la réparation indépendante (hors centres autos et réseaux), la tendance s'inverserait de plus en plus. La preuve : les garagistes sont de plus en plus nombreux à s'équiper de stations de charge.

"Denso est aussi fabricant de stations de charge via CTR et nous avons connu une belle année 2020. C'est pour nous un signe que les garages s'équipent sur le gaz 1234 ou renouvellent leurs anciennes stations. Dans l'ensemble, il y a un regain d'intérêt de la part des distributeurs comme des garages pour la climatisation. Et s'il peut y avoir encore quelques doutes ou méconnaissances quant à la technicité du circuit, les distributeurs renforcent leurs compétences et forment plus souvent leurs clients pour leur redonner confiance dans la climatisation. Aujourd'hui, il est indispensable pour ces derniers de trouver de nouveaux relais de croissance et de chiffre d'affaires. Or la climatisation reste sous-exploitée alors que le taux d'équipement sur les VN est à maturité. Cela donne un potentiel intéressant", analyse Hervé Moreau, directeur marché et ventes de Denso Aftermarket France.

Pour les accompagner dans ce marché en plein essor, plusieurs équipementiers tels que Nissens mettent à disposition de leurs clients des supports techniques de tous types (posters, vidéos, notes techniques…) et notamment des formations en ligne, à l'image de la plateforme Nis-sens Training Concept (NTC). D'autres, à l'instar de Frigair, tentent de redonner envie aux distributeurs de stocker de nouveau de la pièce de climatisation.

"La pièce de climatisation est une pièce d'instant. Pour intervenir sur ce marché, il faut être efficace car l'automobiliste veut pouvoir vite bénéficier du confort de sa climatisation. Du coup, nous proposons des stocks types pour les distributeurs traditionnels, qui rassemblent une centaine de références (compresseur, pulseur d'air, déshydratant, résistance, condenseur…) permettant de couvrir 90% des applications", confirme Geoffrey Duhamel.

Quant à Denso, souvent identifié à tort comme équipementier de véhicules japonais, il s'applique à faire bénéficier les distributeurs et les garagistes de l'ensemble de ses pièces d'origine conçues pour les constructeurs européens. Et Hervé Moreau de préciser : "C'est une force de pouvoir travailler à la fois sur ces pièces et aussi sur l'aspect entretien avec les stations de charge, et nous nous appuyons sur ces aspects pour aider nos distributeurs. Mais de mon point de vue, l'élargissement de l'offre a rendu la climatisation plus accessible et plus sûre pour le réparateur."

Anticiper une éventuelle pénurie

Pour mieux accompagner les distributeurs et réparateurs sur le chemin de la climatisation, les équipementiers mettent également un point d'honneur à préparer les stocks suffisamment tôt dans la saison. La disponibilité de la pièce reste en effet un élément primordial pour cette famille de produits. Pour les fournisseurs, il est indispensable de pallier les pics de températures qui surviennent dès le printemps et qui, par voie de conséquence, poussent les automobilistes à faire entretenir leur climatisation.

"Une saison clim', cela peut durer peu de temps donc les stocks, l'anticipation, c'est stratégique dans notre métier. On sait qu'il y a toujours des hausses de températures, mais nous faisons des paris pour être préparés à l'avance. Parfois, il y a des faits de jeu comme un problème de capacité de production chez un fournisseur de série qui, du coup, ne pourra pas assurer ses livraisons, mais c'est une situation que nous pouvons difficilement prévoir", explique Michaël Rhé.

Cette année pourtant, il se pourrait bien que certains détails viennent jouer les trouble-fêtes sur le marché de la rechange, dans la famille de produits climatisation comme dans d'autres, d'ailleurs. "La pandémie a fait augmenter le coût des matières premières et les prix des containers ont été multipliés par trois à la suite du confinement des États-Unis, car certains d'entre eux ne sont pas revenus. Il y a donc moins de containers disponibles pour autant de demandes… Cette situation a provoqué un retard dans le flux de la pièce et il faut être en mesure d'absorber ces coûts, ce qui aura forcément un impact sur la disponibilité des pièces", anticipe le directeur général de Nissens France.

Sans compter que la pénurie de semi-conducteurs qui affecte les constructeurs aura un effet domino sur les équipementiers. Une étude menée par la Fiev auprès de ses adhérents en mars dernier révèle que 43 % des équipementiers sont directement impactés par cette pénurie. Et 41 % le sont indirectement, en ce sens qu'ils subissent l'arrêt de production chez leurs clients constructeurs ou des ruptures de livraisons fournisseurs. L'enquête nous apprend également que 92 % des équipementiers font d'ores et déjà état de retards de livraisons (de 1 à 6 mois pour 50 %). En résumé, les distributeurs qui auront investi dans leur stock de pièces de climatisation par anticipation auront été les plus avisés. Quant aux autres, ils s'exposent à quelques problèmes récurrents de disponibilités.

La climatisation, essentielle aux VE

Au-delà de ce phénomène conjoncturel, les spécialistes de la boucle climatisation restent optimistes, estimant que l'activité d'entretien et de réparation devrait poursuivre sa croissance dans les prochaines années, en raison notamment du réchauffement climatique… "Pour les cinq à dix prochaines années, c'est une fonction qui va continuer d'évoluer en rechange car cet équipement reste indispensable pour le confort de l'utilisateur, surtout avec les pics de chaleur que nous connaissons désormais régulièrement. Donc c'est une activité assez durable, d'où l'importance, dans ce contexte, que le garagiste s'y intéresse ou continue de s'y intéresser", rappelle Hervé Moreau.

Autre élément favorable à l'activité climatisation : elle ne devrait pas s'éroder ces prochaines années avec l'électrification du parc roulant, contrairement à la majeure partie des gammes de pièces mécaniques. En effet, si la boucle de climatisation sert aujourd'hui à réguler la température de l'habitacle, elle servira aussi, demain, à refroidir les batteries. Le refroidissement et la bonne ventilation des packs batteries sont effectivement deux éléments majeurs permettant de préserver leur durée de vie et l'autonomie du véhicule. "La bonne gestion de température est aussi importante pour la qualité et la rapidité de la charge. Sur les véhicules électriques actuels, vous disposez de trois circuits de refroidissement (habitacle, groupe motopropulseur et batterie). Une pompe à chaleur permet de produire du froid ou de la chaleur en fonction des besoins. Les prochaines générations de véhicules verront ces systèmes thermiques s'optimiser et s'améliorer avec des composants électroniques (actionneurs et capteurs) qui se multiplient pour affiner leur efficacité globale", précise Michaël Rhé.

Pour accompagner cette électrification du parc, Nissens propose déjà plus de 230 références de pièces de rechange destinées aux véhicules électriques et hybrides. En d'autres termes, la climatisation jouera demain un rôle encore plus important dans la gestion thermique des véhicules électrifiés. Une raison de plus, pour la rechange, de se pencher attentivement sur le sujet…