“Continuer de cultiver la performance collective et l’innovation au sein de l’entreprise”
Est-ce facile de travailler avec son père au quotidien, qui plus est dans l’optique de la reprise de la structure familiale ?
Mon père est toujours le dirigeant opérationnel de l’entreprise, il a été l’accélérateur le plus important de son développement et j’apprends énormément à ses côtés. Le gros avantage, c’est qu’il fut dans la même situation que moi, lors de son début de carrière. Il a dû travailler avec son père, et sait ce que cette relation implique. Globalement, nous faisons bien la part des choses entre travail et vie privée. Pour moi, il constitue un tuteur incomparable, une source de connaissance très importante sur laquelle je m’appuie. A côté de cela, je fais également partie d’un club de jeunes dirigeants, ce qui permet de s’ouvrir à d’autres formes de management et à d’autres expériences, ce qui m’apparaît très enrichissant. Après, mon sort personnel m’est un peu égal. Ce qui compte, c’est l’entreprise. Si je me disais que je n’ai pas les compétences, ou bien si mon père considérait que je ne fais pas forcément l’affaire, je ne verrais pas d’un mauvais œil qu’une tierce personne prenne la direction des établissements Flauraud.
Etes-vous le seul concerné par la reprise de la société ?
J’ai un frère aîné qui travaille dans la finance, il est spécialisé dans les fusions-acquisitions, avec un profil très financier. Aujourd’hui administrateur de l’entreprise familiale, il suit les affaires de manière moins opérationnelle que moi. Nous avons pour projet de collaborer de façon plus étroite, mais nous cherchons sous quelle forme. J’apprécierais beaucoup de continuer à travailler en famille.
Comment avez-vous vécu l’année 2014 ?
Pour Flauraud, 2014 reste une année de transition, celle qui a conclu le processus de déménagement et de fusion de nos deux plates-formes d’Aurillac et de Lyon. A l’issue de ce projet, qui s’est révélé complexe à gérer et très lourd en termes d’organisation, notre logistique est en ordre de marche et très performante. Ce qui nous a déjà permis de signer de nouveaux très beaux accords pour 2015. Je peux désormais m’inscrire de nouveau dans une dynamique de développement et de croissance.
Pouvez-vous revenir brièvement sur les raisons de ces mouvements ?
Nous avons réalisé beaucoup de croissance externe ces dernières années, ce qui a d’ailleurs permis l’expansion de l’entreprise, sous l’impulsion de mon père. En 2008, nous disposions d’un maillage de plates-formes réparties un peu partout en France. Nous nous sommes alors dit que, pour pérenniser la structure et que le business model reste sain, il fallait rationaliser cette logistique. Nous avons ainsi tout réuni en un point central à Clermont-Ferrand, pour automatiser et industrialiser nos process logistiques. Mais cela a pris beaucoup de temps et d’énergie. La réflexion date de 2008, nous l’avons communiquée en 2010, puis le déménagement a eu lieu en 2012, et nous ne sommes vraiment opérationnels que maintenant.
Comment fonctionne désormais votre logistique ?
Nous disposons de 21 magasins en propre, dont 6 se comportent également en plates-formes régionales (Bordeaux, Toulouse, Nantes, Paris, Metz et Lyon). Elles servent de relais pour notre nouvelle grosse plate-forme nationale de Clermont (16 000 m2 et 50 000 références), et sont principalement utilisées pour les réseaux de centres-autos et les pneumaticiens. Pour sa part, la plate-forme principale envoie chaque jour leurs commandes aux 21 magasins avant l’ouverture. Les 180 garages Centres Auto Conseil sont, quant à eux, livrés par leur magasin de proximité référent.
Parlons de cette croissance que vous appelez de vos vœux. Quels leviers comptez-vous activer ?
Ils sont au nombre de cinq, clairement identifiés. Le premier touche à la priorisation de notre activité distribution aux professionnels, c’est-à-dire les garages, nos 180 Club Auto Conseil. Nous voulons passer à 250 adhérents d’ici deux ans. Le second point consiste en une amélioration de notre offre de services. Le troisième sera de cultiver la performance collective et l’innovation au sein de l’entreprise. Le marché est difficile, et l’innovation est notre différenciation. Le quatrième point est tourné vers la croissance externe. Nous avons pour ambition de racheter encore des magasins, pour augmenter notre maillage. Nous voulons notamment nous étendre encore dans le quart Sud-Ouest, car nous continuons de croire au schéma de proximité. Enfin, le changement de gouvernance, dans deux ans, ne se fera pas d’un coup. Il faut le préparer, et mon apprentissage fait partie des gros dossiers à gérer d’ici là !
Comment se porte l’activité négoce et accessoires de Flauraud ?
Elle fait partie intégrante du groupe depuis l’avènement de la “nouvelle distribution” et du rayon auto dans les GSA. Dès le départ, nous avons senti l’opportunité et nous nous sommes lancés. Et il s’avère que, désormais, ces accessoires peuvent constituer une véritable source de rentabilité, également pour les garagistes. Je souhaite la profondeur de services la plus étendue possible pour mes garages. Et j’estime que l’offre accessoire en fait partie. Cette famille, bien exploitée dans un atelier, peut ainsi représenter l’équivalent en CA de la famille freinage pour un garagiste, en complément de vente !
Par ailleurs, dans certains cas, nous avons racheté des outils de production et intégré des marques s’y rapportant. Par exemple, Funel, fabricant de parfums, grâce auquel nous proposons toute une gamme de produits pour l’automobile, en marque propre ou en MDD. Nous avons fait la même chose avec les barres de toit, pour lesquelles nous avons désormais notre propre usine. Nous espérons d’ailleurs bientôt pouvoir intégrer les réseaux constructeurs avec cette gamme particulièrement innovante, qui fait l’objet de plusieurs brevets. C’est ça, la culture de la performance et l’ADN de l’entreprise.
Pouvez-vous nous parler de votre implication dans la technique ?
Deux enjeux majeurs animent nos métiers à ce jour. La maîtrise de la relation client, d’une part, et la maîtrise de la technique, de l’autre. La technique est fondamentale chez nous. Même notre salon annuel, Inotech, intègre cette notion incontournable. Partant de ce postulat, le premier point important touche à la formation. A ce titre, nous disposons de nos propres cursus agréés, grâce à la Flauraud Academy. Je souligne que nos garages Club Auto Conseil ont l’obligation de suivre des formations régulières afin de garantir leurs compétences. Sur un autre plan, nous disposons de notre propre outil de diag, le F-Touch, et utilisons notre propre hotline en interne, où une dizaine de spécialistes répondent quotidiennement aux problématiques de nos garages, ainsi qu’à celles de tous les clients qui en font la demande. Enfin, nous développons également notre activité de réparation des systèmes common rail, ainsi que la remise à neuf de systèmes électroniques comme les compteurs ou les calculateurs, que nous pratiquons dans notre Centre Technique Auto, notre plate-forme technique d’Aurillac.
Et sur le digital, comment se situe votre approche ?
Je vois “le digital” comme un outil particulièrement pertinent dans la gestion de la relation client. Au sein de notre réseau, nous gérons, par exemple, l’envoi de SMS pour le compte des garages, faisons du référencement pour améliorer la visibilité de l’enseigne et des points de vente. Nous sommes notamment intégrés à l’offre Allogarage.com. Et je veux rapidement mettre en place un outil de devis en ligne, ainsi qu’un système de prise de rendez-vous directe sur le site du point de vente concerné.
Enfin, pour faire venir le client automobiliste chez nous, nous développons le système My Car Connected, un petit boîtier qui se branche en OBD sur le véhicule, et qui, via une application smartphone, permet de remonter les défauts du véhicule et d’orienter l’automobiliste chez son Club Auto Conseil le plus proche, pour effectuer les entretiens ou les réparations au bon moment. Enfin, nous travaillons également à l’interfaçage de notre outil de gestion d’atelier, Mecaplaning, avec les trois systèmes CRM que nous préconisons.
Et vous proposez également depuis peu une offre de vente de véhicules neufs et d’occasion, n’est-ce pas ?
En effet, nous avons tissé un partenariat avec ATB Auto, qui met désormais son offre de véhicules neufs et d’occasion à disposition de nos garages et de leurs propres clients. Les VN viennent d’Europe de l’Est et les VO de partout en Europe. Ainsi, nos adhérents disposent d’une gamme de 3 000 véhicules à vendre entre 6 000 et 45 000 euros, avec une base de photos très pointue, ce qui se révèle déterminant pour un client final. Et je ne cache pas que cette diversification rapporte plus que la vente d’accessoires ! D’autant que nous avons choisi d’offrir au garagiste une commission fixe sur chaque vente.
Vous êtes aussi impliqués dans la révision avec garantie constructeur préservée…
La révision est l’une des trois principales causes poussant l’automobiliste à se rendre chez le réparateur. Et comme les entrées ateliers baissent chaque année, nous nous devions de ne pas laisser passer une telle manne de CA pour nos adhérents. A ce titre, le développement de la révision avec garantie constructeur préservée constitue aussi un point clé de notre stratégie. C’est la raison pour laquelle notre logiciel Mecasystem intègre les temps barémés ainsi que les programmes constructeurs. Nous mettons également à disposition des garagistes des tablettes pour les aider à faire le tour du véhicule et le devis plus rapidement, et pouvoir même conclure des ventes de complément dans ce temps réduit.
Vous parlez souvent de valoriser le travail de l’artisan. Comment comptez-vous faire ?
Il est exact que j’aimerais voir les réparateurs rehausser leurs taux moyens de main-d’œuvre de 2, 3 ou 4 euros. Alors, nous les incitons à parler à leurs clients sur la base de prix posés. Pas besoin d’évoquer le prix de la pièce. Avec notre marque propre Teknik’a, nous sommes “pile” dans le sujet. C’est une gamme à part entière, issue de fournisseurs ISO TS, et non une MDD misant sur le 20/80. Sa couverture dépasse parfois certaines offres d’équipementiers, car nous travaillons avec plusieurs fournisseurs. La marque n’est pas présente sur le Net, et se positionne 20 % en dessous des marques d’équipementiers. Ainsi, elle permet au garage qui raisonne en prix posés de dire à son client que la prestation globale lui coûtera moins cher que s’il avait acheté une pièce sur le Web. Et cela en ayant un peu remonté son taux horaire. Mais je vous concède que le message reste difficile à faire passer, même si nous apportons des preuves de CA additionnel, pour étayer le discours. En attendant que cela prenne bien, nous poursuivons le développement d’outils qui leur permettent de se concentrer sur le métier de réparateur, leur savoir-faire d’artisan. Ce qui signifie leur apporter tous les outils de plus en plus techniques liés à la complexification des véhicules.
Quelle est votre vision de la rechange à moyen terme ?
Je pense que la rechange indépendante a toutes ses chances, si tant est que nous, acteurs de la distribution, parvenions à apporter le support et les services adéquats, pour répondre à la concurrence exacerbée des réseaux constructeurs et à la complexification des véhicules. Il y aura toujours du commerce de proximité, et les écarts de prix entre la rechange constructeur et nos garages justifient l’existence des indépendants. Nous devons également préserver notre autre atout indéniable, le multimarquisme. En permettant à nos réseaux d’acquérir les compétences techniques. Je répète que la formation est un point clé pour l’avenir. A ce sujet, je veux dire combien la Feda joue un rôle clé en fédérant la profession et en nous permettant de parler d’une seule voix, afin de peser plus lourd pour obtenir notamment les infos techniques. Je souhaite d’ailleurs plus m’impliquer dans la fédération et mon intervention lors du CDA en est le premier exemple.
Que vous inspirent les grands mouvements de la rechange en France actuellement ?
Quand on voit deux mastodontes comme Groupauto et Précisium se rassembler, on se pose forcément des questions. Mais je dirais que faire partie de Temot International nous donne la taille critique pour obtenir de bonnes conditions d’achats, et des accès privilégiés aux technologies et aux savoir-faire. Ce qui nous permet de rester compétitifs pour nous battre à armes égales. Tout en restant une entreprise à dimension familiale, et donc avec une flexibilité et une réactivité qui nous différencient de ces grands groupes.
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BIO EXPRESS
Né à Aurillac, Thomas Flauraud a quitté l’Auvergne à 18 ans, pour des études supérieures aux Etats-Unis, où il a suivi un cursus de Bachelor of Science dans le secteur de la finance. Quatre ans plus tard, il revient en France pour obtenir un mastère spécialisé en entreprenariat à l’ESCP de Paris. Mais Thomas a des fourmis dans les jambes. Alors qu’il hésite entre Boston et Londres, Pierre-Jean Flauraud, son père, commence à lui tendre des perches pour évaluer sa propension à reprendre les affaires familiales. Seulement, Thomas n’est pas un homme que l’on parachute. Il veut faire ses preuves, alors il refait ses valises et décolle en 2002 pour l’Asie, afin de mener à bien le projet de bureau d’achats pour l’activité accessoires de Flauraud, à Hong Kong tout d’abord, puis Shanghai.
Retour en France en 2008, avec une épouse anglo-belge, qu’il a rencontrée en Asie. Durant quatre ans, il s’occupe de la distribution des accessoires en GSA et GSB. En 2012, il occupe la direction commerciale des ventes aux réseaux centres-autos, pneumaticiens. Et depuis le milieu de l’année 2014, sa responsabilité s’est étendue à la direction commerciale de tous les secteurs de la distribution traditionnelle. Interrogé sur sa propre vision de son parcours, Thomas Flauraud confesse être “dans l’apprentissage”. Un apprentissage qui devrait logiquement le mener à la succession de Pierre-Jean Flauraud, qui partira en retraite dans deux ans.