Des véhicules mis au rebut bientôt réemployés ?
Réussir la décarbonation du parc roulant sans mettre de côté les automobilistes les plus défavorisés. C’est l’ambition de la nouvelle proposition de loi de l’ancien sénateur Joël Labbé, adoptée le 29 novembre 2023 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cette dernière vise à favoriser le réemploi des véhicules les moins polluants après leur entrée dans un centre VHU.
Neuf amendements composent le texte, qui s’inspire d’un article de la loi Climat et Résilience introduit par le Sénat, mais qui "n'avait malheureusement pas survécu à la commission mixte paritaire", précise Jean-François Longeot, sénateur du Doubs. Les sénateurs sont partis du constat que la promulgation de la loi d’orientation des mobilités (LOM) en décembre 2019 mettait de côté une partie des Français.
"Quatre ans après la promulgation de la loi LOM, force est de constater que l'accès à cette mobilité n'est pas une réalité pour tous nos concitoyens, en particulier dans les zones rurales, ajoute le sénateur du Doub. Or, la mobilité est un élément essentiel pour l’insertion professionnelle, l’accès à l’éducation et à l’emploi."
Accompagner les ménages les plus fragiles
Concrètement, avec cette proposition de loi, les sénateurs veulent permettre aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) volontaires d’acquérir à titre gracieux les véhicules essence Crit’air 3 repris dans le cadre de la prime à la conversion et promis à la destruction. Ces voitures seront ensuite louées au profit des ménages les plus fragiles.
Selon le Secours catholique, la précarité liée à la mobilité touche un quart des Français et 40 % des foyers fiscaux du premier quartile ne possèdent pas de véhicules.
"Cette proposition de loi n'a pas vocation à porter une solution aux plus de 13 millions de Français touchés par le phénomène de précarité mobilité. Il me semble toutefois que le dispositif de location solidaire proposé aura sa zone de pertinence, de manière tout à fait complémentaire aux autres politiques publiques. À l’image du renforcement de l'offre de transport collectif et le leasing social. Il doit entrer en vigueur dans les prochaines semaines", assure le sénateur du Doub.
Des véhicules peu polluants
Cette proposition a d’autant plus de sens, selon la commission, que la plupart des véhicules mis au rebut pourrait encore rouler sans impact majeur pour l’environnement, "sous certaines réserves". Ainsi, parmi les 92 000 véhicules promis à la destruction dans le cadre de la prime à la conversion, 59 % d’entre eux sont classés Crit’Air 3.
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Des modèles considérés comme moins polluants par les sénateurs et qui pourraient encore rouler. "En pratique, et hors zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dans lesquelles certaines catégories de véhicules voient leur circulation limitée, les véhicules mis automatiquement au rebut sont, pour certains d’entre eux, moins polluants qu’une partie du parc automobile roulant", estime la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Une dizaine de milliers de véhicules concernée chaque année
Face à ces deux constats, la proposition de loi devrait permettre de dégager chaque année une dizaine de milliers de véhicules Crit’Air 3 destinés à la destruction aux profits des AOM. Ces dernières pourront ainsi proposer des services de mobilité solidaire par elles-mêmes ou via les garages solidaires.
Cependant, la commission précise que cela devra se faire sous réserve du niveau de pollution et de fonctionnement des véhicules. Les sénateurs ont aussi ajouté un article permettant aux garages solidaires de favoriser le rétrofit. À noter que les conditions d’éligibilité des véhicules devraient être fixées par décret faisant suite à un examen de l’Ademe.
"J'espère que le texte recueillera également un large accord lors de son examen en séance publique qui aura lieu le 13 décembre prochain. Une fois adoptée par le Sénat, la proposition de loi poursuivra sa route à l'Assemblée nationale. Aussi, nous appelons le gouvernement à soutenir cette initiative sénatoriale", avance Jean-François Longeot.
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Ajoutons que ce texte fera, après son éventuelle application, l’objet d’une évaluation trois ans après son entrée en vigueur. Il s’agira notamment de mesurer ses impacts sanitaires et environnementaux et, le cas échéant, de réviser les critères d’éligibilité et modalités de mise en œuvre.