Gièvres Auto, la casse 2.0
Casse automobile. Si l'usage de ce terme est aujourd'hui banni par les professionnels de la filière, qui lui préfèrent celui de "déconstructeur" ou encore "démolisseur", Nelson Jourdin, lui, ne s'en formalise pas. Au contraire, il l'assume pleinement puisqu'il en a fait une marque de vêtements, "Casseur", qu'il commercialise sur son site web.
Le patron capitalise sur sa notoriété acquise ces dernières années avec l'émission "Trésors de Casse" à laquelle il participe pour la chaîne RMC Découverte. Diffusé depuis 2019, ce programme connaît un véritable succès (plus de 2 millions de téléspectateurs en moyenne) puisqu'il vient d'être renouvelé pour une troisième saison. Une fierté pour le dirigeant de Gièvres Auto et ses équipes, heureux de participer à la médiatisation d'un métier qui a du mal à se défaire de ses clichés.
Un processus optimisé
Pourtant, comme le rappelle Nelson Jourdin, la profession de "casseur" a bien changé depuis 30 ans. Lorsqu'il prend les rênes de l'entreprise familiale en 1996, succédant à son père, l'activité est encore très artisanale et se concentre sur un seul site à Gièvres. Depuis, l'entreprise du Loir-et-Cher a changé de dimension et structuré l'ensemble du processus de démontage des véhicules hors d'usage (VHU).
"Dès leur arrivée sur site, les voitures sont informatisées. Un expert est chargé d'identifier les pièces qui pourront être récupérées avant que le véhicule passe à la dépollution. Batteries, fluides, pneumatiques et pot catalytique sont notamment prélevés", détaille Nelson Jourdin. Le centre dispose de deux postes de démontage où seront, ensuite, récupérées les différentes pièces de réemploi (PRE).
Au total, une vingtaine de composants sont en moyenne extraits sur les épaves, qui finissent leur parcours au broyage. Quant aux PRE, elles sont ensuite photographiées dans un studio avant leur commercialisation. "Nous avons beaucoup travaillé sur l'identification des pièces ainsi que leur transport, en renforçant notamment leur emballage", souligne Nelson Jourdin. Résultat, le taux de retour enregistré par le centre VHU reste assez mesuré, compris entre 5 et 6 %.
Autre satisfaction du fondateur de Gièvres Auto : son entreprise jouit d'une véritable et excellente réputation dans la revente de véhicules d'occasion de prestige. Porsche Panamera, Mercedes GLC, BMW Z4, etc. "C'est une activité de négoce destinée essentiellement à professionnels. Nous vendons ainsi jusqu'à 1 000 véhicules par an", précise Nelson Jourdin.
Du nouveau pour Caréco
Chaque année, ce sont ainsi 4 000 VHU qui passent entre les mains des équipes de Gièvres Auto. Un volume qui tend à croître d'année en année, et qui a conduit le "casseur" à investir un nouveau bâtiment en 2018, à proximité de Gièvres. Dédié à la pièce de carrosserie, ce site s'étend sur une superficie de 4 000 m². "Cet entrepôt nous a permis de gagner en confort de travail et de renforcer nos capacités de stockage", explique le dirigeant de Gièvres Auto. Plus récemment, le démolisseur a également engagé des travaux d'agrandissement dans son magasin de Gièvres. Ce nouvel aménagement permettra aux équipes de bénéficier de bureaux plus modernes.
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De quoi anticiper la hausse des demandes à laquelle fait face le déconstructeur depuis quelques mois. S'il reconnaît que l'émission "Trésors de Casse" lui a permis de gagner en notoriété, Nelson Jourdin lie cette croissance à d'autres facteurs : une prescription plus forte des assureurs ainsi qu'une meilleure communication des acteurs du marché. Sur ce deuxième point, Gièvres Auto peut s'appuyer sur la coopérative Caréco, qu'il a ralliée en 2009.
Co-directeur du réseau depuis 2020, le gérant s'implique dans son développement, s'appliquant à insuffler un nouvel élan dans ses rangs. "Nous voyons émerger une nouvelle génération plus dynamique dans le métier, observe le directeur. Ils ont un profil différent et apportent un autre état d'esprit. Les projets se concrétisent notamment plus rapidement" Ce dernier précise d'ailleurs que le réseau, qui fédère près de 40 centres VHU, réservera plusieurs nouveautés à ses membres dans les prochaines semaines. "Il va se passer des choses dans le réseau", confie-t-il, sibyllin.
Le défi de l'électrique
Parmi ses projets, le gérant entend préparer l'avenir de la profession. Il veut en particulier anticiper la conversion du parc roulant en se formant au traitement des véhicules électrifiés. "Nous avons déjà deux techniciens disposant des habilitations nécessaires pour prendre en charge ces voitures. Un de nos ateliers de démontage a également été équipé des outillages spécifiques." Si les véhicules électrifiés se font encore rares dans son parc, Gièvres Auto a commencé à se faire la main avec quelques Bluecar du service Autolib'. "Ça nous a mis le pied à l'étrier", souligne Nelson Jourdin.
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Ce dernier en a parfaitement conscience : l'électrification de l'industrie automobile risque de bouleverser le métier et d'inciter les démolisseurs à trouver un nouvel équilibre économique. "Beaucoup de pièces que nous prélevons aujourd'hui vont disparaître avec la fin du moteur thermique. Il nous faudra trouver de nouveaux relais de croissance pour pallier ce manque à gagner."
Un défi qui s'ajoute à un autre, plus actuel : celui des ressources humaines. L'évolution de l'activité va conduire le centre VHU et ses salariés à monter en compétences. Pas si simple alors que l'entreprise peine déjà à trouver des profils qualifiés. "Sur la ligne de démontage, c'est de plus en plus compliqué. C'est un poste qui nécessite de l'expérience", regrette Nelson Jourdin. Un sujet que ne manquera pas d'évoquer le co-directeur de Caréco lors de la prochaine convention du réseau, qui se tiendra du 5 au 7 mars prochain à Brest (29).