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VHU : les nouvelles règles du jeu de la filière REP

Publié le 5 décembre 2022
Par Mohamed Aredjal
4 min de lecture
Le décret de création de la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour les véhicules hors d'usage (VHU) a été publié le 1er décembre 2022. Si ce texte a rassuré en partie les professionnels du secteur, ces derniers exigent toutefois quelques précisions complémentaires.
VHU REP
Le nombre de pièces détachées réutilisées, actuellement au nombre de 12 millions, pourrait doubler à la faveur de la REP dédiée. ©Back2Car

Attendu depuis plusieurs mois par les déconstructeurs automobiles, le décret relatif à la gestion des VHU et à la responsabilité élargie des producteurs a été publié le 1er décembre 2022. Rappelons que ce texte fait suite à l'article 62 de la loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec), qui précise les conditions de traitement des véhicules motorisés à quatre roues dont le poids maximal est inférieur ou égal à 3,5 tonnes, ainsi que ceux à deux ou trois roues et les quadricycles à moteur.

Le décret était pour le moins attendu par les professionnels du secteur, qui avaient manifesté ces derniers mois quelques craintes à l'égard de la loi Agec. "La lecture de ce texte est en grande partie positive. Nous avions fait plusieurs propositions au gouvernement, lors de la présentation de notre Livre blanc, en début d'année et une grande partie d'entre elles ont été retenues", confie Patrick Poincelet, président de la branche des recycleurs de VHU de Mobilians.

De son côté, la FNA reste prudente sur le devenir de la filière, estimant qu'il reste encore beaucoup de questions ouvertes. "Le texte finalement retenu traduit une tentative des pouvoirs publics à embrasser toutes les situations possibles pour ménager la chèvre et le chou", déplore Abdel Jilil, président de la coordination, branche VHU de la FNA.

La Piec sort de son statut de déchet

Chez Mobilians, on se satisfait, tout d'abord, du maintien de l'approvisionnement direct en VHU des déconstructeurs, qui pourront continuer à collecter des épaves auprès de leurs fournisseurs habituels (assureurs, particuliers, concessionnaires, etc.). De plus, le texte précise que les éco-organismes et systèmes individuels ne pourront pas interdire aux opérateurs le démontage de pièces. "C'était aussi une de nos demandes", souligne Patrick Poincelet.

Autre victoire des démolisseurs : la pièce issue de l'économie circulaire (Piec) ne sera plus considérée comme un déchet. "C'est une requête que nous portions depuis de longues années. Ce changement de statut va notamment faciliter nos ventes à l'export. Il va aussi avoir son importance avec le traitement des batteries des véhicules électriques", indique le président.

Parmi les autres points positifs pour la filière, le décret oblige désormais les fabricants de pièces à fournir aux démolisseurs les informations nécessaires pour permettre le démontage, et le référencement des Piec. "Jusqu'ici, nous étions contraints de travailler avec les éditeurs de catalogues pour établir nos référentiels", rappelle Patrick Poincelet.

Enfin, ce dernier salue aussi l'obligation, pour faire commerce de pièces de réemploi, de fournir un numéro d'agrément. Autrement dit, seuls les centres VHU agréés pourront distribuer des Piec.

Des stocks de VHU "abandonnés" dans les centres ?

Si le décret d'application a donc tenu compte de plusieurs revendications des professionnels de la filière, ces derniers pointent malgré tout du doigt quelques passages à revoir dans le texte. Au sein de la FNA, on regrette notamment la complexité du nouveau schéma de traitement des VHU, pointant du doigt le cas des centres ne bénéficiant pas d'accord avec un éco-organisme ou un constructeur. Dans cette situation, à la dépose de l'épave, les sites seront contraints de la stocker jusqu'à ce qu'elle soit prise en charge par un démolisseur agréé. Le centre réceptionnaire recevra une contribution financière pour le défrayer de sa réception et entreposage, sans autre précision.

"Le centre peut aussi tenter sa chance et proposer à l’éco-organisme et au constructeur de traiter le véhicule. Il devra alors attendre au plus tard deux mois une réponse. A défaut, c’est un refus et après ? Si la proposition est acceptée, un contrat lui sera proposé. Si le véhicule ne relève d’aucun éco-organisme ou d’aucun système individuel, là oui, le centre peut le traiter. En un mot, les centres ont intérêt d’avoir de la place pour entreposer les véhicules qui in fine ne resteront pas chez eux. La FNA s’inquiète aussi des dangers que peuvent représenter un VHU immobilisés sur site et devant être laissé en l’état", indique l'organisation professionnelle.

Mobilians s'oppose au "désassemblage"

Chez Mobilians, un point cristallise tout particulièrement les critiques : l'utilisation du terme "désassemblage" pour définir l'activité d'un centre VHU.

"Ce terme est apparu par un tour de passe-passe à la dernière minute, à la demande des récupérateurs de métaux et centres qui détruisent les voitures sans valorisation de pièces... Or il ne convient pas à notre activité et il va, surtout, à l'encontre de l'esprit de cette loi et des obligations européennes. Seuls 840 centres VHU produisent aujourd'hui de la pièce de réemploi. Ce n'est pas suffisant : il faut encourager le démontage de pièces pour répondre à la demande. Nous voulons que ce terme disparaisse du texte, c'est très important à nos yeux", insiste le président de la branche des recycleurs de VHU de Mobilians.

Parmi ses autres requêtes, le syndicat professionnel souhaiterait faire apporter des précisions à certains passages du décret, jugés trop "ambigus". Exemple : que seuls les véhicules économiquement et techniquement irréparables soient intégrés dans le flux de VHU collectés par les centres. Enfin, Patrick Poinclet entend aussi clarifier la liberté de commerce des déconstructeurs autour des Piec. "Nous voulons garder notre capacité à vendre nos pièces à qui nous le voulons."

Quid des contrats de gestion de VHU ?

Si le décret d'application de la loi Agec se révèle donc moins contraignant que prévu, les professionnels de la filière n'en restent pas moins prudents, n'oubliant pas qu'ils seront contraints, au 1er janvier 2024, de nouer un contrat avec un ou plusieurs éco-organisme(s) et/ou système(s) individuel(s) pour continuer leur activité.

A lire aussi : Le gouvernement débloque 50 millions d'euros pour recycler les batteries

Or, ces contrats et leur cahier des charges suscitent encore de nombreuses interrogations... D'autant que le marché automobile tricolore se concentre aujourd'hui autour de trois principaux groupes : Stellantis, Renault et Volkswagen AG. "Ces trois acteurs représentent 80 % du marché en France et veulent opter pour des systèmes individuels. On s'interroge donc sur le contenu de leur contrat… Nous avons quelques inquiétudes même si nous avons aujourd'hui un peu plus de poids avec ce décret qui nous donne des leviers de négociation", conclut Patrick Poincelet.

Mêmes craintes au sein de la FNA, qui s'interroge sur la capacité des centres VHU à contractualiser avec les éco-organismes et les systèmes individuels. "Dès 2024, pour continuer à exister, les centres vont devoir signer des contrats avec les constructeurs et/ou les éco organismes. Aucune garantie d’être retenus. La concurrence entre ces acteurs va devenir une vraie réalité. Bien que des textes sont encore attendus (éco-organisme, cahier des charges, contrat type), la FNA redoute une vraie concessionarisation de la filière et la mainmise des grands réseaux de VHU".

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