La croissance des équipementiers automobiles à l'arrêt
"Un retour aux niveaux d'avant-crise n'est pas attendu avant 2025." Eric Espérance, associé chez Roland Berger, se montre peu confiant sur l'avenir à court terme des fournisseurs automobiles. Le cabinet a réalisé, avec la société Lazard, une étude mondiale sur environ 600 fournisseurs. Et les conclusions ne sont pas des plus optimistes pour le secteur, ses auteurs précisant que les équipementiers doivent encore s'attendre à vivre des temps difficiles.
2022 comme un coup d'arrêt
Alors qu'en 2021, la marge bénéficiaire moyenne avait retrouvé son niveau pré-pandémique, à 5,3 %, la reprise s'est brutalement arrêtée en 2022. Et ce, pour plusieurs raisons : guerre en Ukraine, pénuries de semi-conducteurs, ou encore hausse des prix des matières premières et de l'énergie, que les fournisseurs n'ont pas été en mesure de répercuter.
L'étude y voit une conséquence majeure : en tenant compte de l'inflation, le chiffre d’affaires mondial du secteur des fournisseurs sera de nouveau inférieur aux niveaux de 2019 au cours des douze prochains mois. "Aucune amélioration fondamentale ne peut être attendue en 2023 dans le contexte économique actuel", est-il précisé.
En 2021, la pièce de rechange s'est bien portée
En revanche, la situation varie selon les segments. Les fournisseurs d'électronique ont notamment tiré leur épingle du jeu avec une marge d'EBIT moyenne de 9,4 %. L'aftermarket a été également salutaire pour les équipementiers proposant une offre en seconde monte (marge d'EBIT moyenne de 10,5 %).
"Les fournisseurs d'électronique et les équipementiers automobiles qui approvisionnent le marché des pièces de rechange ont dépassé de loin la rentabilité moyenne du secteur, alors que la plupart des fournisseurs de composants traditionnels sont confrontés à une nouvelle baisse de leurs marges sur ce marché. En particulier, les petits fournisseurs qui n'ont pas un positionnement régional fort et une large diversification des produits seront probablement les plus lents à se redresser", analyse Eric Espérance.
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Roland Berger et Lazard différencient les méga-fournisseurs (plus de 10 milliards d'euros de CA), qui ont enregistré une marge d’EBIT de 5,9 % en 2021, des petites entreprises (moins de 500 millions de CA), qui ont réalisé des marges moindres, de 2,8 % en moyenne. Mais les premiers subiront eux aussi la hausse des coûts pour leurs marges de 2022. La faiblesse des volumes de production a entraîné une sous-exploitation structurelle des capacités de production des fournisseurs, faisant reculer de cinq ans les équipementiers en termes de croissance de chiffre d'affaires.
Les investissements freinés par les taux d'intérêt
Outre cette baisse des marges, l'inflation entraîne une autre conséquence préjudiciable : une hausse des taux d'intérêt, ce qui rend moins abordables les investissements nécessaires dans les technologies d’avenir du secteur. Ce facteur, "combiné à la fluctuation du volume de production et à une baisse potentielle de leur propre notation, représente un risque substantiel pour les fournisseurs", affirme Christof Söndermann, directeur général de Lazard.
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Il poursuit : "Nous ne pensons pas que le climat d'emprunt s'améliorera dans les douze à dix-huit prochains mois. Plusieurs fournisseurs automobiles ont été déclassés de la catégorie investissement à la catégorie non-investissement depuis 2019. Il s'agit d'une évolution critique, car le capital nécessaire pour financer une réponse aux défis industriels est important et l'accès aux fonds propres est limité pour les fournisseurs automobiles en place."
L’étude insiste sur le fait que les bénéfices des fournisseurs ne remonteront que si leur croissance est couplée au développement de nouvelles technologies. "Si la technologie de propulsion électrique ne représentait que 4 % du marché des pièces en 2019, elle devrait représenter 25 % du marché d'ici 2030", concluent les auteurs de l'enquête.