La dynamique de la bobine
Il est arrivé comme un chien dans un jeu de quilles à Automechanika Francfort. NGK Spark Plugs annonçait le lancement de sa gamme de bobines d’allumage. Qu’est-ce que cela dit de ce marché ? Qu’il intéresse, et va intéresser de plus en plus d’acteurs de la rechange indépendante, prêts au sourcing le plus rigoureux pour s’arroger des parts de marché significatives.
Quoi de plus attrayant, en effet, qu’un secteur qui connaît une progression à deux chiffres, tendance qui perdure depuis plusieurs années. Sur la région France, Belgique et Pays-Bas, la progression s’établissait à 13 % à fin 2012, sur un an, et + 40 % pour le seul Hexagone. Selon Bosch, “le marché de la bobine en France est estimé à 800 000 unités/an. La bobine d’allumage se situe donc à la croisée des chemins entre produit technique pur et produit technique de grande vente. La bobine est un produit important dans la stratégie de développement des concepts tels BIS (Bosch Injection Systems). Ceci explique, en partie, pourquoi ce produit profite d’un développement constant en CA, mais aussi en nombre d’unités vendues”.
“Petit Poucet”
“Nous ne sommes arrivés qu’en octobre dernier, mais nous sommes sur des volumes de ventes qui sont le triple de ce que nous espérions, et c’est le cas partout en Europe”, se réjouit Xavier Pesca, directeur marketing et communication NGK Spark Plugs France. Ce dernier explique ensuite que l’équipementier a mis du temps à développer cette gamme car il souhaitait avoir une réelle connaissance du produit. “Nous avons lancé la réflexion avec un bureau d’études au Japon il y a quatre ans, ainsi qu’avec des équipes d’ingénieurs en Allemagne, et nous avons défini une charte qualité et réalisé des tests en interne”, précise-t-il.
Concernant l’arrivée de NGK sur les bobines d’allumage, Xavier Pesca dira “que c’est une demande des distributeurs. Nous sommes venus répondre à une demande de service de leur part. Désormais, nos clients n’ont plus affaire qu’à un seul fournisseur sur l’allumage. Il y a une vraie cohérence dans cette démarche”.
Une adaptation a été nécessaire, puisqu’en termes de couverture de parc, il existe de nombreuses disparités d’un pays à l’autre en Europe. “Le top des ventes en Allemagne n’est pas le top des ventes en France, analyse Xavier Pesca. Avoir la couverture la plus optimale, c’est compliqué. Nous sommes aujourd’hui à 95 %, avec des produits de qualité équivalente à l’origine. Il s’agit pour nous, avant tout, de fournir une gamme sans ternir l’image de qualité que nous avons sur les bougies, notamment.”
Pour bien faire les choses, NGK Spark Plugs France est présent sur cette famille avec les mêmes démarches que sur les produits techniques qu’il commercialise déjà. Xavier Pesca a bien conscience que l’enjeu pour ses clients est le même. Alors, NGK fournit un manuel technique, qu’il laisse pendant les formations, un poster technique ainsi qu’un leaflet interactif. “Nous proposons également une formation technique à tous nos distributeurs. Toute l’équipe après-vente de NGK est focalisée là-dessus. Nous avons, de plus, des offres spécifiques, dont une promotionnelle conjointe aux bobines et aux faisceaux. En somme, nous appliquons la recette qui marche habituellement avec toute notre palette d’outils”, résume le directeur marketing et communication.
“Nous avons la volonté de croître même si nous sommes le Petit Poucet, poursuit-il. Le contexte est avec nous. Aujourd’hui, on parle du Diesel différemment, les constructeurs se réorientent sur des moteurs essence, notamment dans les pays de l’Est. Ce sont des moteurs qui ont un bel avenir devant eux. En 2013, nous allons nous attacher à développer nos parts de marché chez les distributeurs, et croître avec ceux qui nous font déjà confiance. Et peut-être essaierons-nous de faire un peu de préventif.”
Tentations
Du côté des témoins de l’arrivée de NGK, on tient bon, avec l’argument de la légitimité du fabricant. Comme le souligne Gérard Thollin, président de Bougicord, “dans ce milieu-là, il y a les fabricants et les distributeurs. Nous sommes les deux, puisque nous avons une activité première monte sur les bobines. La bobine est un produit très technique, et n’importe qui ne peut pas s’y lancer. Il faut un développement adapté au marché de la rechange. Pour Bougicord, la bobine, c’est une vente sur deux en rechange et la moitié chez les indépendants. Il y a eu un développement important sur les cinq dernières années, notamment avec l’effet prime à la casse, qui a pu profiter à des véhicules essence. Cela ouvre des perspectives supplémentaires”.
Pour Bougicord, avec une gamme composée de 200 références couvrant 95 % du parc automobile européen, la stratégie est la suivante : “Nous visons le créneau de la réparation des véhicules de 3 à 7 ans, en sortie de garantie constructeurs, et plus globalement les véhicules de moins de 10 ans, continue Gérard Thollin. Nous faisons de la bobine d’allumage depuis dix ans. Au début, nous vendions plus aux constructeurs qu’aux indépendants. Aujourd’hui, cette tendance est inversée, et quelqu’un qui arrive sur le marché vient sur du 10 % dès le début. Nous avons délibérément décidé d’être un fournisseur de la rechange. Sur ce marché, il faut accepter que la pièce ne soit pas identique au design d’origine.”
Le président de Bougicord comprend cependant les tentations que peut susciter la bobine d’allumage : “C’est un marché attractif. Certains groupements ont développé un catalogue de pièces techniques parce qu’ils veulent se positionner. Notre rôle est d’être présents chez tous les distributeurs et groupements. Il faut s’appuyer sur la distribution traditionnelle. Nous travaillons également avec tous les relais régionaux. Nous avons une stratégie avec l’Autodistribution, parce qu’ils ont équipé tous leurs commerciaux de tablettes. Pour que l’information descende au plus près des garagistes, cette pédagogie multimédia à l’appui est nécessaire. La bobine intéresse beaucoup les distributeurs parce que c’est un relais de croissance. Le marché de la pièce classique est combattu, donc les acteurs viennent où il y a plus de marge. Alors que sur la bobine, on est en plein développement des ventes et sur un accroissement des marges.”
Gérard Thollin constate cependant “qu’il existe beaucoup de disparités en termes de défaillances sur les bobines. A terme, il y a remplacement du produit défectueux, mais le problème est que les durées de vie diffèrent largement. On sait que les produits chinois, par exemple, durent une centaine d’heures, contre 500 heures et 150 000 kilomètres pour nos produits. Il ne faut pas perdre de vue que développer une bobine, c’est plus d’un an de travail, et le coût d’investissement est important. On ne fait pas cela au hasard”. Après cet avertissement, Gérard Thollin entrevoit, comme ses homologues, un bel horizon. “Les automobilistes parcourent aujourd’hui de moins en moins de kilomètres, cela va bénéficier à la part des véhicules essence. Les perspectives à l’horizon 2020 sont plus que positives”, se réjouit-il.
Produit de panne
Arnaud Bozon, Business Manager Beru au sein de Federal-Mogul Aftermarket France, corrobore ces propos. “Ce marché va continuer de croître. Ce sont des technologies qu’il faut adapter à des températures de plus en plus élevées, avec une tension d’allumage à 40 000 volts. Ces produits étant plus performants, on est donc aussi sur du gain en valeur”, explique-t-il, précisant qu’il y a beaucoup de contraintes, avec une demande en miniaturisation plus importante. “Pour Beru, ça a été une très bonne année. Nous avons 300 références pour une couverture d’environ 96 % du parc. Si nous voulions tout couvrir, il nous faudrait 500 références, poursuit-il. Il y a quelques années, il a fallu convaincre, avec beaucoup de travail sur les plateformes régionales, pour être efficaces. Nous sommes également référencés chez les principaux groupements. Nous utilisons notre vitrine OE, mais aussi des affiches et des posters.”
Selon lui, la vigilance est de rigueur : “Tout le monde s’y intéresse et, pour aller chercher de la part de marché, il y a le risque que certains acteurs fassent n’importe quoi !” De plus, bémol que l’on peut trouver à ce marché, comme l’explique Bosch, la bobine est un produit dit “de panne”, qui est soumis à de fortes contraintes : différences de température, usure de certains composants, non-remplacement des bougies, etc. “Ce dernier point est essentiel pour assurer un développement des ventes du couple bougie-bobine, en ce sens qu’il est fortement conseillé de remplacer les bougies lorsqu’on remplace les bobines, afin d’améliorer les performances d’allumage, de combustion et de dépollution”, poursuit l’équipementier allemand. Sur ce point, il est rejoint par Gérard Thollin, qui encourage à développer une pédagogie dans ce sens.
Bosch dispose d’une gamme de bobines comptant environ 220 références. “Cette gamme est en constant développement, afin de répondre au mieux aux attentes du marché. Nous attendons d’ailleurs l’arrivée d’une série de nouvelles références, au courant de l’année 2013, qui nous permettront d’améliorer encore la couverture de marché, même si celle-ci atteignait déjà 76 % à fin 2012. Ce produit étant très concurrencé, le lancement de nouvelles références permet de faire parler de Bosch et de renforcer son image de spécialiste de l’allumage”, ajoute l’équipementier.
En complément du produit, Bosch publie une fiche info-produit, destinée à la force de vente, qui inclut un argumentaire. Bosch met également d’autres outils à la disposition de ses clients, afin de promouvoir la bobine : un book pièces techniques reprenant des informations techniques, mais aussi une préconisation de stock, des newsletters électroniques destinées aux distributeurs et MRA, des posters et plaquettes.
Comme l’analyse Xavier Pesca, “il existe pléthore d’acteurs sur ce secteur en Europe, et il y a de la place pour tous”. Ces équipementiers connaissent une sorte d’âge d’or de la bobine. Et chacun serait bien avisé d’anticiper, dans cette période faste, sur un moins bon avenir. Bosch prévient déjà que “pour anticiper la panne, une vérification régulière des bobines s’impose, mais n’est pas toujours réalisée par les MRA. Le diagnostic est primordial, afin d’éviter des problèmes au niveau des autres composants, bougies, câbles, systèmes de dépollution”. De là à tuer la poule aux œufs d’or, il n’y a qu’un pas.