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Equipementiers

Le roulement ne craint pas la sortie de route

Publié le 22 novembre 2022
Par Florent Le Marquis
6 min de lecture
Contrairement à d'autres familles de produits, le roulement ne semble pas affecté par les mutations en cours. Il doit s'y adapter, mais son avenir semble déjà aisément assuré, avec des évolutions technologiques bien enclenchées.
Le roulement de roue aura toujours sa place sur un véhicule, électrique ou non.
Le roulement de roue aura toujours sa place sur un véhicule, électrique ou non. ©DRiV

Si certaines familles de produits ont du souci à se faire pour les années ou décennies à venir, celle du roulement peut encore dormir sur ses deux oreilles. Ou presque. S'il a logiquement souffert des différentes crises des trois années passées, ce marché redresse la barre. Deux ans après avoir vu leurs volumes reculer d'environ 10 %, les équipementiers estiment qu'ils pourront limiter cette baisse en 2022 à environ 5 %, quand certains imaginent même se stabiliser. "C'est une famille pérenne car, peu importe la technologie qui équipe le véhicule, le roulement reste à sa place et conserve son rôle essentiel", pose Pierre Ecorchon, responsable des gammes produits chez DRiV.

Pièce d'usure par excellence, le roulement peut tout de même pâtir d'un changement d'habitudes chez les automobilistes. "Nous vivons une transition écologique forte, où la population est encouragée au covoiturage et au télétravail, par exemple", illustre Carole Berwald, cheffe de produits roulement de roue chez NTN. Une baisse du kilométrage moyen parcouru qui impactera forcément, à terme, le marché. Car un roulement se change généralement au bout de 140 000 à 160 000 kilomètres. Des kilométrages qui risquent d'être désormais plus longs à atteindre. D'autant que l'état des routes s'améliore, ce qui ralentit également l'usure de ces pièces.

La valeur pour compenser le volume

Quoi qu'il en soit, la baisse de volumes apparaît, à terme, inévitable. En cause : les progrès technologiques. Car plus les générations de roulements se suivent, plus leur durée de vie est allongée, et leur remplacement par conséquent moins fréquent. Pour l'instant, le parc vieillissant profite toujours à ce marché. "La génération 1 représente encore 77 % de nos ventes à l'heure actuelle, affirme Carole Berwald. Le recul de la production de véhicules neufs contribue à favoriser cette tendance."

Des difficultés chez les constructeurs qui favorisent les garages, car un parc vieillissant est un parc qui s'entretient. Chez bilstein group, cette génération 1 représente aussi une part considérable des ventes : près de 60 %. "Cependant, nous sommes en train de migrer vers les générations 2 et 3, prévient Arnaud Pénot, directeur marketing et expérience client du groupe allemand. Ce sont des pièces plus résistantes et plus fiables sur la durée, qui vont continuer de croître quand le parc va rajeunir."

Mais si le volume tend inexorablement à la baisse, la valeur croissante des pièces pourrait compenser ce phénomène. "Les roulements des générations 2 et 3 ont une valeur plus importante, poursuit Arnaud Pénot. C'est aussi le cas des nouvelles technologies sur les véhicules récents, aux roulements avec moyeux, aux moyeux de roues complets, voire aux disques avec moyeux. Ce sont des pièces plus coûteuses, et qui vont le devenir encore plus, comme l'ensemble des produits qui composent les véhicules de demain."

Bien implanté sur le marché du roulement, NTN s'attache à accompagner au maximum les garagistes.

Bien implanté sur le marché du roulement, NTN s'attache à accompagner au maximum les garagistes. ©NTN

La génération 3 ne représentant actuellement que 10 % des ventes sur cette famille chez NTN, l'équipementier estime qu'elle prendra définitivement le pas d'ici la fin de la décennie. Le kit, lui, a déjà pris le dessus sur le roulement unitaire. "En France, nous ne vendons que des kits depuis plus de cinq ans, pointe Carole Berwald. Les boîtes unitaires que nous commercialisons encore sont surtout destinées aux pays émergents." Une intégration en hub du roulement qui bénéficie à la bonne tenue de la famille.

"Si l'on isole le roulement, sa baisse est inévitable. Mais en prenant le disque avec roulement, par exemple, nous avons là une nouvelle opportunité, explique Arnaud Pénot. Nous vendons donc nos roulements de marque febi à travers une offre complète de liaison au sol, qui va générer une prestation plus complète en atelier." Car le roulement seul représente une gamme de taille modeste. "C'est le parent pauvre de l'aftermarket, avance même Pierre Ecorchon. C'est une petite famille, qui n'est pas forcément travaillée comme elle devrait l'être. Et qui dit petite famille dit petits gains, ce qui complique la position d'un équipementier qui se veut challenger comme DRiV avec Moog, car il y a peu de mouvement."

Le besoin de se différencier

La raison semble toute trouvée. "Le roulement n'est pas considéré comme une pièce à risque, contrairement à une pièce technique comme le disque de frein, pour laquelle la renommée de la marque va jouer un rôle essentiel, estime Arnaud Pénot. De manière générale, sur un véhicule ancien, il y a donc une plus forte tendance à la MDD." Les équipementiers premium doivent donc redoubler d'efforts pour faire valoir leur force de conviction et vendre leurs produits. "Le prix prend parfois le pas pour le client, mais les garagistes ne veulent pas monter n'importe quoi, assure Carole Berwald. Les roulements restent des pièces fabriquées au micron près. Un certain niveau de qualité est nécessaire, et une pièce lambda ne peut pas l'assurer."

Car si le roulement n'est pas sujet aux dégâts soudains, la tenue de route peut être impactée s'il commence à prendre du jeu. "Cela reste une pièce de sécurité, et disposer d'une marque présente en première monte est rassurant" , selon Pierre Ecorchon, qui craint cependant la période actuelle. "Le contexte inflationniste pourrait engendrer une redistribution des cartes, redoute-t-il. Nous vivrons peut-être une cannibalisation des marques de distributeurs ou des marques B au détriment du premium. Mais la marge du premium restera toujours plus intéressante pour les distributeurs que celle des MDD."

Avec Moog, DRiV affirme avoir la plus grande couverture du parc en termes de roulements.

Avec Moog, DRiV affirme avoir la plus grande couverture du parc en termes de roulements. ©DRiV

Plus que dans d'autres familles, qui occupent une place plus importante dans le paysage de l'après-vente, les équipementiers doivent être en mesure de se différencier de la concurrence. "Nous avons choisi de dépositionner notre offre de produits pour donner une alternative entre le premium et la MDD, confie Arnaud Pénot. Febi est ainsi une solution alternative pour ne pas investir trop, tout en étant au-dessus de la MDD."

L'équipementier table aussi sur sa fameuse stratégie "fast to market" , assurant une intégration sur l'aftermarket des pièces moins de six mois après leur sortie en première monte. "Le risque de devoir changer un roulement au bout de six mois est faible, mais être en mesure de le faire dans les rares cas où cela arrive est important, reprend le directeur marketing de bilstein group. Les clients vont aussi plus facilement se tourner vers notre marque, sachant qu'il y a de fortes chances qu'on ait le produit qu'il leur faut."

Le service fait pleinement partie des éléments susceptibles de faire pencher la balance. À l'instar de NTN qui mise notamment sur TechScaN'R, une application facilitant l'accès à toutes les informations produits. "Nous travaillons aussi beaucoup sur la communication, et prenons en compte les problématiques des garages, complète Carole Berwald. Nous disposons d'une chaîne YouTube avec différents tutoriels, avons développé une gamme d'outillage et délivrons nos préconisations pour le montage et le démontage."

Arrivé en 2017 sur le marché du roulement avec sa marque Moog, DRiV n'est pas encore parvenu à y imposer sa notoriété, acquise sur celui du châssis. "Il faut du recul et du temps pour s'installer, reconnaît Pierre Ecorchon. Mais nous avons la plus grande couverture de parc, de la génération 0, le vieux roulement conique à bille, à la génération 4, le disque avec roulement." Une largeur de gamme complétée par une garantie 3 ans et toutes sortes d'accessoires.

Selon Arnaud Pénot, de bilstein group, la disponibilité des pièces sera primordiale.

Selon Arnaud Pénot, de bilstein group, la disponibilité des pièces sera primordiale. ©bilstein

Pas bouleversé par l'électrification du parc

Dans un contexte de crise environnementale, miser sur le vert peut-il faire partie de ces éléments différenciants ? Il apparaît, au premier abord, difficile d'en faire un axe majeur dans le développement des pièces, mais les progrès technologiques que connaît le roulement peuvent indirectement bénéficier à l'environnement. "L'évolution des générations va dans le sens de la fiabilité et d'une réduction de la résistance au roulement. Cela réduit, de fait, la production de CO 2", note Pierre Ecorchon.

Un enjeu majeur que NTN prend aussi à cœur. "Pour réduire les émissions, nous travaillons sur le poids du roulement, pour créer des pièces plus légères et plus compactes, indique Carole Berwald. Le marché évolue et nous nous adaptons. Nous utilisons des matériaux spécifiques pour favoriser la durabilité du produit, et avons notamment créé un roulement équipé de billes en céramique, qui permet une meilleure rigidité de montage et une diminution des déformations."

Des évolutions mais pas de révolution, du moins à court terme. Les équipementiers ne craignent pas pour l'avenir du roulement, au moins pour la décennie à venir. "Quand beaucoup d'autres familles se posent des questions sur leur avenir, ce qu'elles vont devenir, le roulement fait partie de celles qui subiront le moins de conséquences, assure Pierre Ecorchon. Son cahier des charges s'adaptera aux nouveaux besoins. Après, est-ce que la montée en gamme des pièces et les nouvelles contraintes feront augmenter ou non le taux de remplacement ? On ne sait pas." Un des principaux défis sera assurément de s'adapter aux besoins spécifiques des VE, qui "ont tendance à l'embonpoint", comme l'image le responsable des gammes produits chez DRiV. Les pièces devront donc s'y adapter.

"Les roulements devront accepter des couples très forts et des charges plus importantes qu'actuellement, mais aussi être plus compacts pour entrer dans l'architecture de ces véhicules", analyse Carole Berwald. Les composants évolueront, tout comme l'électronique, qui prendra une place un peu plus importante, et le roulement avec capteur intégré devrait se répandre de plus en plus. "C'est un produit à enjeu : il faudra être en mesure de proposer le maximum de roulements possible, peu importe la technologie. Si la famille va subsister, la disponibilité des pièces sera au centre des objectifs", conclut Arnaud Pénot.

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