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Equipementiers

Le turbo, moteur de croissance pour l'aftermarket

Publié le 5 mars 2025
Par Florent Le Marquis
7 min de lecture
Avec plus de 90 % des véhicules neufs équipés d'un turbocompresseur, le marché du turbo continue de croître, porté par le vieillissement du parc roulant et l'essor des technologies de remanufacturing. Face à la multiplication des acteurs et des références, les équipementiers rivalisent d'innovations pour répondre aux besoins des distributeurs et des réparateurs.
La concurrence accrue et la complexité des produits obligent les acteurs de l'aftermarket à se démarquer. ©AdobeStock
La concurrence accrue et la complexité des produits obligent les acteurs de l'aftermarket à se démarquer. ©AdobeStock

Plus de 90 % des véhicules neufs sont désormais équipés d'un turbocompresseur en France et en Europe. Il faut dire que le downsizing des moteurs a rendu cet organe indispensable. Une aubaine pour l'après-vente, qui en tire aujourd'hui de nombreux bénéfices. Certains de ses acteurs, du moins.

Ainsi, des équipementiers comme Garrett ou bilstein group annoncent une croissance à deux chiffres en 2024 sur le marché français du turbo. "Il est non seulement porté par le nombre croissant de véhicules équipés d'un turbo d'origine, mais aussi et surtout par le vieillissement du parc", résume Arnaud Pénot, directeur marketing de bilstein group France, qui s'est lancé sur ce marché en 2021 en rachetant le spécialiste Motair.

Un marché en hausse de 5 %

Plus le parc est vieux, plus l'aftermarket en profite. CQFD. Et les effets vont continuer de se ressentir. "Tous les véhicules équipés récemment ne sont pas encore arrivés sur le marché de l'après-vente. Cette transition progressive contribue à notre croissance", se réjouit Guillaume ­Denormandie, directeur produits et marketing de MS Motorservice.

Selon plusieurs fournisseurs, cette hausse du marché pourrait être supérieure à 5 % pendant encore quelques années. "Est-ce que le rajeunissement du parc sera pour 2030 ? Ou 2035 ? Pas avant, en tout cas. L'inversion de la courbe n'est pas pour tout de suite, estime Arnaud Pénot. Dans les cinq prochaines années, nous allons continuer à changer de plus en plus de turbos. En revanche, le marché pourrait changer de structure." En effet, bilstein group estime que le turbocompresseur neuf pourrait gagner de plus en plus de terrain.

Mais pour l'instant, c'est bel et bien le remanufacturé qui tient toujours la corde. "Les turbos reconditionnés restent très populaires, en particulier dans les régions où les réglementations environnementales sont strictes et où les consommateurs sont soucieux du coût. Ils représentent une option attrayante qui maintient les normes de qualité et de performance", étaye Noureddine Saidi, directeur produits après-vente chez BorgWarner.

BorgWarner continue de miser sur le turbo remanufacturé, qui reste selon lui très populaire. ©Borgwarner

BorgWarner continue de miser sur le turbo remanufacturé, qui reste selon lui très populaire. ©Borgwarner

Trop de concurrence ?

La France fait justement partie de ces marchés où les produits rénovés restent populaires. "Le turbo remanufacturé y représente plus de 70 % des ventes. C'est un segment incontournable", lance Éric Fraysse, président de la division après-vente de Garrett. La gamme reman' de l'équipementier compte aujourd'hui 220 références, et se veut d'une qualité équivalente aux pièces neuves, avec une garantie de 18 mois. Comment ? "Grâce à l'utilisation de composants originaux et de processus identiques à ceux de l'équipement d'origine", répond le dirigeant.

Le tarif d'un turbo remanufacturé est généralement 30 % inférieur à celui d'un produit neuf. La gamme Turbo by Intec de MS Motorservice ne déroge pas à cette décote. Elle s'enrichit de 70 à 80 nouveautés chaque année pour couvrir un maximum de besoins. Le fournisseur propose actuellement 700 produits en Turbo by Intec. "Dès qu'il y a une offre rénovée disponible sur le marché, nous la proposons, affirme Guillaume Denormandie. La notion de disponibilité est importante, donc nous nous engageons à stocker. Mais il y a aussi forcément un effet prix en raison du contexte économique."

Vege France essaye de vendre un turbo à chaque fois qu'il vend un moteur, pour rester compétitif sur ce marché aux acteurs de plus en plus nombreux. ©Vege

Vege France essaye de vendre un turbo à chaque fois qu'il vend un moteur, pour rester compétitif sur ce marché aux acteurs de plus en plus nombreux. ©Vege

Ce qui explique que la pièce remanufacturée, moins chère, reste toujours plus prisée. Cet intérêt croissant a favorisé l'arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché. "De plus en plus d'acteurs s'engouffrent sur ce marché, notamment sur les top ventes", observe Guillaume Denormandie, ajoutant : "Il y a une grosse bataille commerciale sur les 150 premières références du marché. De grandes maisons se sont lancées dessus avec les principaux turbos. Il y a aussi des moins sérieux…" Cette multiplicité de références et d'acteurs complexifie la lisibilité du marché. "L'offre est telle qu'il est difficile de s'y retrouver, déplore Éric Coquet, directeur général de Vege FranceLa majorité des équipementiers proposent désormais leur gamme de turbocompresseurs, et notre part du gâteau se réduit. Nous ne connaissons donc pas de croissance sur ce marché qui est, pour nous, extrêmement tendu et compliqué."

 

Allier prix et qualité

Pour les distributeurs et leurs clients garagistes, l'enjeu réside dans leur capacité à trouver les produits adaptés aux besoins de leurs clients, en termes de prix et surtout de qualité. "Remanufacturer ou produire un turbo, c'est une vraie expertise, insiste Arnaud Pénot. Il peut y avoir une difficulté à trouver la bonne source d'approvisionnement. Mais grâce aux bases de données, on a une faculté à rapidement identifier le bon turbo et pouvoir vérifier sa disponibilité."

Ces aides à l'identification sont d'autant plus importantes que les équipementiers déplorent toujours la présence de copies sur le marché. Les acteurs installés mettent en avant les différences que leurs gammes présentent. C'est le cas de Garrett, qui martèle que ses turbos offrent "jusqu'à 40 % de performances en plus par rapport à une copie, mais aussi 28 % de CO2 en moins, 4 % d'économie de carburant et une durabilité bien supérieure". Pour les fabricants, l'enjeu est de s'assurer de la qualité et de la technicité de leurs produits, d'autant que la place grandissante de l'électronique dans les véhicules n'est pas sans conséquences. "Plus il y en a, plus ça complique les choses, notamment en termes de paramétrage. Le turbo s'améliore donc d'un point de vue technique au fil des années, ce qui fait augmenter son prix moyen", analyse Guillaume Denormandie.

Près des trois quarts des turbos sur le marché de l'après-vente sont issus du remanufacturing. ©Adobestock

Près des trois quarts des turbos sur le marché de l'après-vente sont issus du remanufacturing. ©AdobeStock

Face à ces évolutions techniques, MS Motorservice propose des formations pour accompagner les réparateurs. "Ces avancées technologiques permettent aux start-up de se spécialiser dans des domaines de niche, tels que les turbos électriques ou ceux optimisés pour les carburants alternatifs", complète Noureddine Saidi. Encore plus d'acteurs, donc.

Se démarquer pour exister

Mais la qualité et la technicité du produit ne suffisent pas. Selon Éric Coquet, les fournisseurs aux catalogues diversifiés jouissent d'un avantage : "Les historiques sortent un peu du lot, car ils peuvent valoriser d'autres familles de produits. Ils peuvent faire fléchir de nombreux distributeurs en les forçant à prendre leurs turbos chez eux, sous peine de ne pas les fournir sur d'autres pièces exclusives qu'ils proposent."

Une méthode que Vege France ne peut pas employer, étant spécialiste moteurs, boîtes de vitesses et turbos. "Il y a aussi ceux qui ne respectent pas la stratégie commerciale et vendent à tout le monde. Nous, nous avons toujours respecté le schéma en vendant au distributeur et pas directement au garagiste. Alors que l'on voit parfois sur Internet des prix bas directement à destination de celui-ci. C'est compliqué de se démarquer", pointe le directeur général. Nonobstant, Vege s'y attache, avec des garanties 100 % pour accompagner le distributeur auprès de son garagiste dans les différents cas de figure. "Que la garantie soit acceptée ou refusée, on trouve des solutions. Ce qui n'est pas forcément le cas des pure players et des start-up", avance Éric Coquet.

Les turbos continuent de se perfectionner d'un point de vue technique. Ce qui accroît le nombre de références. ©Adobestock

Les turbos continuent de se perfectionner d'un point de vue technique. Ce qui accroît le nombre de références. ©AdobeStock

Les équipementiers se démarquent aussi par leur réseau de distribution et la disponibilité de leurs gammes. MS Motorservice, qui présente quelque 7 000 références de turbos, affirme détenir le plus large stock de France. En 2024, le groupe a mis l'accent sur un autre point : son activité de rénovation internalisée. Le fournisseur dispose en effet d'un atelier de remise à neuf en France, sur lequel il mise beaucoup.

"Cela entre dans notre logique de service et d'économie circulaire, indique Guillaume Denormandie. Quand nos clients cherchent un turbo, on leur propose différentes solutions, et notamment de faire un devis pour rénover leur pièce dans notre atelier. Cela nous aide à nous démarquer grâce à une proximité et un taux de réactivité important." Dans l'atelier, certifié ISO 9011 : 2015, les organes sont remis à neuf selon les spécifications des équipementiers d'origine et peuvent être équipés des dernières générations de composants, pour de meilleures performances.

Des gammes plus resserrées

Avec des immatriculations de voitures neuves au plus bas et un vieillissement du parc roulant qui s'accélère, nul doute que les ventes de turbocompresseurs devraient poursuivre leur essor. D'autant que leur valeur va encore croître avec l'évolution technologique des dernières générations de véhicules. Les gammes à forts volumes vont continuer de se réduire pour laisser place à des lignes plus resserrées, mais plus nombreuses. "Le turbo est au cœur des technologies de demain pour répondre aux exigences croissantes en termes de performance et d'émissions", ajoute Éric Fraysse.

Notons d'ailleurs que Garrett s'est associé à plusieurs constructeurs pour développer de nouveaux turbocompresseurs : le e-Turbo avec Mercedes pour réduire les émissions de CO2, et le turbo VNT essence avec Peugeot et Volkswagen pour résister à des températures très élevées. Pas question de ralentir sur l'innovation.

Le bras de fer entre garages indépendants et réseaux constructeurs

Quand l'âge moyen du parc roulant était de huit ans, la pièce de casse qu'est le turbocompresseur tenait souvent la durée de vie entière du véhicule. Maintenant que cet âge dépasse les douze ans, le turbo est généralement remplacé une fois. Une intervention à forte valeur ajoutée, qui est aujourd'hui bataillée entre les garages indépendants et les concessionnaires.

"Les deux jouent un rôle complémentaire, estime Éric Fraysse chez Garrett. Les constructeurs cherchent à fidéliser leurs clients mais, au fil du temps, une part significative de la demande se tourne vers les garages indépendants et ce, quel que soit le niveau de technicité des turbos à remplacer."

Les garagistes pourraient doubler le nombre de turbocompresseurs qu'ils changent chaque année, entre six et huit, selon Arnaud Pénot. "Les constructeurs détiennent le marché sur les véhicules qui ont jusqu'à 7-8 ans. Le garagiste réussit à titiller le constructeur plutôt sur d'autres pièces, observe le directeur marketing de bilstein group France. Nous avons cet enjeu de progresser, de donner ce réflexe à l'automobiliste, car l'IAM a laissé passer trop d'opportunités."

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