Pour ses 40 ans, la Capail retrouve de l'allant
La vie d'une entreprise n'est jamais un long fleuve tranquille. Celle de la Capail ne fait pas défaut à la règle. Son histoire est ainsi jalonnée de hauts et de bas, de périodes fastes et de moments difficiles, de choix simples et d'autres plus douloureux. Sa création en elle-même résulte d'ailleurs de cette dualité, coup dur et rebond. Rembobinons : au début des années 1980, la réparation s'inquiète de voir émerger une nouvelle concurrence.
La France de l'automobile découvre un modèle de distribution inédit avec le développement des enseignes de centres autos. Avec elles, le commerce se fait plus rude. Les prix pratiqués sont agressifs et les acteurs traditionnels regardent tout cela d'un mauvais œil.
Par la voix de leur syndicat, la Fédération nationale de l'artisanat automobile (FNA), tout ce beau monde tente de convaincre les distributeurs de revoir leur stratégie, au nom du bien commun et d'un certain équilibre commercial. Sans surprise, cette nouvelle concurrence ne s'émeut pas de leur requête. Fin de non-recevoir.
Quand on n'a pas de moyens, on a des idées, dit la formule. Et cela va se confirmer puisque le monde de la réparation, soutenu par son syndicat, va tout de même réussir à s'organiser. La Capail naît en mars 1984 et va lancer un mouvement d'ampleur avec la naissance de plusieurs coopératives jusqu'au milieu des années 1990.
"Ces structures ont vu le jour parce que des réparateurs ont investi, ont mis de l'argent dans ces projets. Ces professionnels étaient alors de véritables pionniers sur le marché", salue Bruno Biard, directeur général de la Capail depuis 2000.
Un douloureux divorce
Pour la structure tourangelle, les débuts sont difficiles. Faute de pouvoir compter sur de nombreux soutiens, elle travaille avec ceux qui veulent bien et s'appuie ainsi sur de nombreux produits exotiques.
Mais parce que son modèle tient la route et a du sens, la coopérative va finir par décoller. La décennie 90 correspond à un premier âge d'or pour la Capail et les autres groupements de réparateurs. Mais, selon le cycle des montagnes russes, des premiers nuages s'amoncellent au début du 21e siècle.
"Toutes ces coopératives reposaient beaucoup sur les hommes, souligne Bruno Biard. Plusieurs dirigeants sont partis et il y a eu alors un déclin important. Lorsque je suis arrivé en 2000, il n'y avait plus que huit structures de ce type en France." Malgré ça, la Capail est toujours restée une référence. Elle a aussi souvent su, mieux que d'autres, slalomer sur un parcours semé d'embûches.
Les dix années passées ont été riches en satisfactions et en déconvenues. Côté pile, la structure a réussi à se développer en reprenant, en 2014, la Capa Ouest (à Saint-Barthélemy-d'Anjou, 49), puis en 2018 la Socamav 86 (Poitiers) et la Capam (Pluneret, 56). Côté face, la Capail a vu son chiffre d'affaires fondre pendant la crise Covid. Cette période a aussi provoqué un divorce douloureux.
Membre depuis 1988 d'Eurogam, groupement fédérant les coopératives françaises du monde de la rechange, la structure d'Indre-et-Loire a décidé d'en sortir en 2022. Au jeu du plus mal loti, la Capail n'est finalement pas la plus touchée par la crise sanitaire. Selon le principe de la “responsabilité collective", la coopérative soutient son groupement et l'ensemble de ses membres. Mais les visions des uns et des autres divergent.
"Encore une fois, tout est une question d'hommes. On a aidé Eurogam, on s'est battu pour le groupement, mais on a aussi constaté qu'il y avait des problèmes dans d'autres coopératives à cause de choix stratégiques qui ne nous semblaient pas pertinents. Quitter Eurogam a été un choix douloureux mais nécessaire."
Les vertus du modèle coopératif
La Capail ne pouvait pas se permettre de se laisser entraîner vers le bas alors qu'elle pesait, en 2022, 70 % du chiffre d'affaires d'Eurogam. Comme dans tout divorce, il a fallu se mettre d'accord sur qui garde quoi. Deux sujets majeurs ont animé les échanges. D'abord le réseau de garages AutoLab, riche d'une trentaine d'ateliers, que la Capail a repris.
Ensuite la plateforme du groupement, outil dans lequel les adhérents avaient investi quelque temps plus tôt. Faute d'entente, la coopérative a choisi d'en monter une nouvelle. Située à Joué-lès-Tours, celle-ci s'étend sur 2 000 m² et rassemble 30 000 références. À l'intérieur, les stocks ont bien changé depuis les débuts.
L'exotisme des premières années s'est largement dilué dans une offre homogène, couvrant tout le spectre de l'après-vente, avec des marques de qualité. C'est d'ailleurs grâce à elles et à ses partenaires que la Capail a pu rebondir aussi rapidement. "Aucun ne nous a lâchés lorsqu'on a quitté Eurogam, se félicite Bruno Biard. On cultive avec eux une vraie proximité, certains sont à nos côtés depuis plus de 25 ans."
A lire aussi : Philippe Paillet (Autolia) : "L'esprit coopératif n'est pas entièrement démodé"
Cette offre est un atout parmi tant d'autres. Avec ses 48 collaborateurs répartis sur ses 5 sites, la Capail fédère aujourd'hui 550 adhérents aux profils variés (agents de marques, membres de groupements, vendeurs de véhicules d'occasion…) mais portés par une ambition commune. La grande force d'une coopérative n'est plus à prouver.
L'universalité règne en maître entre des petits et des grands qui ont le même pouvoir de décision et les mêmes avantages. Les tarifs sont identiques pour tous les "associés-coopérateurs", tandis que l'ensemble des bénéfices est reversé en toute transparence au prorata de l'activité.
Un soutien protéiforme
Pour pérenniser son modèle, la Capail s'est lancée dans plusieurs projets qui dépassent le cadre de la pièce et du commerce. Ce que Bruno Biard résume par "aller plus loin que la simple fourniture de pièces détachées" prend différentes formes. La coopérative aide, par exemple, ses adhérents à trouver du personnel en contactant France Travail ou en participant à la rédaction d'annonces de recrutement.
Elle apporte aussi un soutien actif au quotidien dans le bon équilibre des entreprises qu'elle fédère, en travaillant à l'optimisation des marges et de la rentabilité. Elle organise aussi, notamment avec DAF Conseil, des sessions de formation sur des problématiques techniques et bien d'autres sujets, comme l'administratif ou les RH.
En parallèle, pour ne perdre personne en route, la Capail accompagne aussi ses adhérents dans la reprise et la création de garages. Monter un business plan, rechercher des financements, inciter d'autres membres de la coopérative à "mentorer" de nouveaux chefs d'entreprise, etc. Tout cela contribue à faire de la structure ce qu'elle est.
A lire aussi : La Coopérative des carrossiers de Guyenne et Gascogne recrute
Alors que le chiffre d'affaires de la Capail devrait atteindre 12,5 millions d'euros à fin 2024, contre 12 millions en 2023, Bruno Biard partage son optimisme. "Le modèle de la coopérative a toujours eu beaucoup de sens, mais il résonne énormément aujourd'hui dans l'esprit des garagistes et des clients. Il faut insister sur le fait qu'une coopérative contribue à l'économie locale." Et de conclure : "On est confiants et on y croit."