Sites e-commerce et marketplaces, les nouveaux alliƩs des MRA
Multiplicité des références, attractivité des prix, disponibilité des pièces⦠les promesses des marketplaces et des plateformes digitales sont toujours plus nombreuses. Autant d'atouts qui peuvent expliquer l'intérêt grandissant des réparateurs pour ce type de sourcing, particulièrement dans le contexte actuel d'inflation et de pénuries qui perturbent le secteur après-vente. Les différents acteurs interrogés mettent d'ailleurs en avant leur bonne santé. C'est le cas notamment de Mister-Auto.
Profondeur de gamme
La filiale du groupe Stellantis, qui affiche un catalogue de 1,5 million de références, annonce une croissance à 2 chiffres de ses ventes à professionnels, qui représentent aujourd'hui 20 % de son chiffre d'affaires. Une performance pour cette offre, lancée en 2016, avec des services spécifiques comme la livraison express gratuite en 24h dès 149 euros d'achats. "Dans ce contexte de pénurie, nous avons eu beaucoup de commandes sur le long tail [grand nombre de références qui sont peu vendues mais qui représentent une part importante du CA de l'e-commerçant, ndlr], c'est-à -dire sur toutes les pièces non disponibles chez le fournisseur principal des MRA", indique David Boccalini, directeur customer experience & business development chez Mister-Auto. Le "dépannage" reste donc la porte d'entrée des plateformes web sur le marché. Et pour cause : en quelques clics, le réparateur visualise immédiatement la disponibilité et le prix de la pièce qu'il recherche.
C'est d'ailleurs en suivant ce principe que Vroomly a démarré son activité marketplace en 2020. "L'idée de départ était de dire à nos garages partenaires : vous avez de bonnes relations avec votre fournisseur principal, de bons prix, etc. Continuez de travailler avec eux et en complément, vous pourrez opter pour Vroomly Parts, la plateforme où vous êtes sûrs de trouver la pièce qui vous manque. Pour assurer une large gamme de produits à votre disposition, nous avons donc travaillé sur notre gamme de choix, en agrégeant des grossistes, des distributeurs, des plateformes, pour représenter 1,5 million de références, en étant exhaustif sur la pièce mécanique, mais en ajoutant aussi le pneu, bientÓt la pièce de réemploi ou encore la carrosserie l'année prochaine", détaille Alexis Frerejean, CEO et fondateur de Vroomly.
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C'est la mĆŖme stratĆ©gie qu'a suivieĀ Jean-Vincent Schaffnit, directeur gĆ©nĆ©ral de 07ZR. Si sa plateforme s'Ć©tait Ć ses dĆ©buts orientĆ©eĀ vers la vente en ligne de pneumatiques, elle s'est ouverte aux autres piĆØces de rechange depuis maintenant sixĀ ans. "Avec 90Ā millions de rĆ©fĆ©rences en stock, le rĆ©parateur peut forcĆ©ment proposer une alternative Ć son client, mĆŖme en temps de pĆ©nurie. Et puis, au fil du temps, les comportements Ć©voluent⦠Le manque de disponibilitĆ© des piĆØces a rendu plus rĆ©gulier le dĆ©pannage sur notre site, et les clients se sont prĆŖtĆ©s au jeu pour d'autres piĆØces. Preuve en estĀ : les volumes d'affaires ont augmentĆ© de 12Ā % cette annĆ©e. Et c'est le discours commercial que nous mettons dĆ©sormais en avantĀ : nous sommes lĆ pour le dĆ©pannage, mais pas seulementāÆ! Nous permettons aussi au rĆ©parateur de conserver ses marges, notamment en pĆ©riode d'inflation où ils sont nombreux Ć les rĆ©duire pour ne pas imputer l'entiĆØretĆ© des hausses de tarifs aux clients."
L'exhaustivitĆ© de l'offre, c'est aussi l āatout de Partakus (groupe Kadensis), place de marchĆ© lancĆ©eĀ en janvier 2020 en France, Espagne et Italie. "Nous souhaitons que notre offre couvre l'ensemble des besoins du rĆ©parateur, pas seulement le 20/80 mais aussi leĀ long tail. L'idĆ©eĀ est de proposer une offre Ć 360°, avec de la piĆØce IAM, des lubrifiants, des pneumatiques, de la piĆØce de rĆ©emploi ou remanufacturĆ©e. En outre, nous rĆ©duisons le temps passĆ© Ć la recherche de piĆØces en digitalisant leĀ process. En moyenne, le rĆ©parateur passe une vingtaine de minutes Ć contacter ses fournisseurs pour connaĆ®tre les prix et les dĆ©lais. Chez nous, en 2Ā min, il peut voir plusieurs offres diffĆ©rentes et fait son choix en fonction de ses critĆØres", dĆ©tailleĀ LaurentĀ Gambotti, directeur gĆ©nĆ©ral de Kadensis.
Prix et services
Pour les acteurs duĀ e-commerce, l'objectif est donc simpleĀ : mettre en avant la transparence de leur offre avec des prix souvent plus attractifs que ceux des distributeurs traditionnels. Du cĆ“tĆ© des services, et notamment des dĆ©lais de livraison āĀ souvent le point faible desĀ pure playersĀ ā, les plateformes tentent de s'aligner sur les standards du marchĆ©. Mais ce service a un prix⦠"LaĀ marketplaceĀ permet Ć un garagiste de choisir une rĆ©fĆ©rence par prix ou par dĆ©lai de livraison. Ainsi, nous faisons coexister le H+4 et le J+1. L'idĆ©eĀ est simpleĀ : c'est le juste prix pour le juste service. Si vous ĆŖtes moins pressĆ©, vous pouvez choisir de bĆ©nĆ©ficier d'un service standard et ainsi obtenir un profit supĆ©rieur, en achetant mieux", prĆ©cise Jean-Vincent Schaffnit.
Les plateformes digitales se dirigent de plus en plus vers une stratégie de « buy and sell », en facturant directement les pièces au réparateur, afin d'améliorer leur niveau de service.
Mais une livraison plus longue implique forcément une autre organisation pour l'atelier, comme le rappelle Alexis Frerejean : "Pour la livraison de nos pièces, nous proposons des H+2 et H+4, à des prix compétitifs, sur environ 85 % du territoire. Mais anticiper et faire les achats en amont permet d'économiser jusqu'à 20-30 % sur le prix d'achat." Un fonctionnement qui fait son chemin auprès de nombreux réparateurs, puisque la plateforme est devenue le distributeur principal de 15 % de ses garages partenaires.
à l'instar de Marion Facquez, gérante de l'Atelier Motors à Noisy-le-Grand (93), qui a fait entrer Vroomly Parts dans ses habitudes quotidiennes. "Désormais, pour chaque véhicule, je compare les prix entre mon distributeur local et la plateforme. Dans 80 % des cas, Vroomly est moins cher. C'est un véritable atout, non pas pour gonfler nos marges, mais pour rester compétitifs vis-à -vis de nos clients. En général, la livraison s'effectue en 24h et cela me suffit, puisque nous prévenons le client de l'immobilisation de son véhicule en fonction des délais de livraison. Bien évidemment, pour les urgences, rien ne peut remplacer notre distributeur local qui peut nous apporter la pièce parfois dans l'heure ou en quelques heures. Mais cela reste relativement exceptionnel."
Fluidifier la gestion des retours
Principal frein des plateformes du point de vue des réparateurs : la logistique. Hormis Mister-Auto, qui peut s'appuyer sur la vaste plateforme de Stellantis à Vesoul (70), d'où partent la majorité de ses pièces, la plupart des pure players ont fait le choix de s'adosser à des distributeurs. Une stratégie qui leur permet de répondre à des demandes en H+4 (voire H+2) dans certains cas, en bénéficiant de leur maillage local.
Aniel Marketplace, spécialisé dans la carrosserie, affiche un double fonctionnement : une vente en propre pour certains produits avec une logistique interne (29 000 références et 750 commandes par jour) et une marketplace (77 millions d'offres et environ 300 commandes par jour) constituée de 161 vendeurs avec leur logistique propre.
Si l'appui de distributeurs locaux assure une compétitivité en termes de délais de livraison, un autre point d'achoppement subsiste : la gestion des retours⦠Souvent mal maîtrisée, cette dernière est suivie de près par les plateformes qui misent sur l'accompagnement.
Pour ce qui est de sa marketplace, Aniel met en avant son rÓle de modérateur : "La demande de retour s'effectue sur la marketplace, puis elle est traitée directement par notre vendeur partenaire, comme dans une commande physique. Notre but n'est pas de contraindre le vendeur partenaire qui a ses propres conditions de vente et de retour. Toutefois, nous conservons un rÓle de conseil et s'il y a un litige quelconque entre un réparateur et un fournisseur, nous intervenons entre les deux pour temporiser et trouver une solution. Nous ne dirons jamais à un client carrossier qui serait en litige avec un fournisseur de se débrouiller seul, ce n'est pas notre modèle."
En s'appuyant sur une vingtaine de points de vente en France, Vroomly Parts garantit une livraison en H+4 sur environ 85 % du territoire.
D'autres vont même encore plus loin, à l'instar de Partakus qui a décidé d'attaquer le marché français en optant pour la stratégie du "buy and sell" (voir encadré p.42) et ainsi d'assurer un accompagnement complet sur les retours et les garanties. Un choix également fait par Vroomly, qui facture ses pièces et a mis en place un pré-tri pour mieux gérer les retours. La plateforme gère intégralement les retours au fil de l'eau pour le compte de ses clients et de ses fournisseurs, dans le but de simplifier la procédure de retour et d'optimiser leur trésorerie.
MĆŖme son de cloche pour 07ZR, qui a entamĆ© la dĆ©marche depuis quelque temps dĆ©jĆ . "Nous avons vu les limites de laĀ marketplace « simpleĀ Ā» qui met en relation clients et fournisseurs. Aujourd'hui, 100Ā % des piĆØces vendues sont facturĆ©es par le site et quand il y a un litige ou une livraison qui gĆ©nĆØre un retour, nous le gĆ©rons. Ce modĆØle existe Ć©galement sur le pneumatique pour environ 50Ā % des produits. ĆĀ partir du 1erĀ janvier 2023, l'intĆ©gralitĆ© des produits vendus sur le site sera facturĆ©eĀ par nos soins", annonce Jean-Vincent Schaffnit.
L'humain au cÅur des process
Dans l'objectif d'amĆ©liorer le taux de satisfaction de leurs clients, les plateformes digitales se dĆ©tachent peu Ć peu de leur unique rĆ“le d'intermĆ©diation pour prendre entiĆØrement part au processus d'achat et de vente de piĆØces. Une stratĆ©gie qui remet une fois de plus l'humain au cÅur desĀ process. L'ensemble des acteurs met d'ailleurs en avant cette notion d'accompagnement incontournable, qui peut prendre des formes diffĆ©rentes, avec toutefois une constante communeĀ : des Ć©quipes formĆ©es et dĆ©diĆ©es aux clients, qui tiennent ce rĆ“le de proximitĆ© que reprĆ©sente aussi le distributeur local.
Chez Vroomly par exemple, qui compte 80 collaborateurs, la moitié d'entre eux est dédiée aux ventes et aux services. "Nous ne faisons jamais appel à une plateforme externe. Nous avons même lancé un service de magasinier, comme chez les distributeurs, disponible via une ligne téléphonique dédiée avec du personnel formé sur la technique et la mécanique, qui aide le réparateur à trouver la bonne pièce en cas de besoin", assure Alexis Frerejean.
Pour Stéphane Colet, directeur du développement d'Aniel Market place, "le digital sans physique ne peut tout simplement pas fonctionner." C'est pourquoi la marketplace dispose d'une équipe composée notamment d'account managers, qui conseillent les vendeurs partenaires au quotidien. Elle a aussi mis en place une solution qui permet au réparateur qui ne trouverait pas une pièce de contacter une personne d'Aniel, qui va aller chercher la pièce au-delà de sa zone de chalandise. "Plus nous nous digitalisons, plus nous embauchons du personnel. Et pourtant, plus de 70 % des commandes sont passées en toute autonomie sur la plateforme. Cela ne nous empêche pas de faire grandir notre équipe avec des commerciaux, mais aussi notre call center qui assiste les clients sur les aspects techniques ou pour passer une commande."
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En apportant ce niveau de service renforcé, les plateformes digitales semblent donc lever les derniers freins à leur utilisation par les MRA, et représentent une véritable alternative pour l'approvisionnement des pièces, qui devrait encore se renforcer dans les années à venir. C'est en tout cas le pari des acteurs qui rappellent que la disponibilité et le prix restent aujourd'hui les critères déterminants. "Après les pénuries, l'inflation des matières premières, c'est désormais le coût de l'énergie qui flambe. Les réparateurs, et encore plus les carrossiers, ont tout intérêt à être vigilants sur tous les autres postes en dehors de l'énergie", souligne Stéphane Colet.
Et Laurent Gambotti de conclure : "Le contexte sanitaire avec la crise du Covid-19 nous a aidés. Avec les réductions de personnel et la mise au chÓmage partiel, la solution digitale avait plus de sens. Le secteur s'est peut-être rendu compte à ce moment-là qu'un nouveau canal s'était imposé."