Mobilités douces : les garages en gardent sous la pédale
"Les clients nous le demandaient depuis longtemps, mais c'est en voyant le nombre de vélos et trottinettes électriques passer devant nos centres que nous avons franchi le pas." Pour Ludovic Dugabelle, directeur marketing de Midas France, le développement de Cycloo était une évidence. Une évidence à laquelle l'enseigne a répondu dès mars 2022 avec l'ouverture à Lille (59) de son premier espace de vente et de réparation dédié aux mobilités douces. Il est vrai que ce marché est en pleine croissance depuis quelques années.
Une tendance accélérée par la crise sanitaire et le déploiement des premières ZFE. "Les ventes de vélos électriques ont augmenté de 28 % en 2021 par rapport à 2020, rappelle Olivier Pasini, directeur général de Siligom. Le client attend de nous une solution globale pour ses souhaits de mobilité." Pour ces mêmes raisons, l'enseigne de pneumaticiens s'est aussi penchée sur le sujet, se lançant dans la distribution de vélos électriques en ce début d'année 2023.
Un concept qui n'est pas adapté à tous
Précurseur dans le domaine, Norauto a testé dès 2020 son offre de services dédiée aux mobilités alternatives, via différents partenariats (notamment avec Teebike et Velco). L'enseigne dispose aujourd'hui d'un riche catalogue de vélos et trottinettes électriques. Mais c'est bien en 2022 que la majeure partie des réseaux de centres autos se sont intéressés aux deux-roues. Autobacs a initié une phase de test dans son point de vente de Rosny-sous-Bois (93), avec un nouvel espace consacré aux vélos, trottinettes et scooters électriques. L'enseigne y associe la vente et une offre de services spécifiques, comme le changement de batterie et les réparations courantes.
Speedy n'est pas en reste avec le déploiement, l'an dernier, de vélos de courtoisie pour ses clients, le temps de l'immobilisation de leur véhicule. Citons aussi Point S, qui a sobrement intitulé son concept Écomobilité. Là encore, le réseau y regroupe produits et services destinés à ces solutions de transports alternatives à deux roues. "L'objectif est d'être le plus grand réseau européen certifié en entretien de véhicules électriques et hybrides d'ici 2026", annonce Lionel Haberlé, directeur marketing et stratégie de Point S.
Si la mobilité douce devient une priorité pour plusieurs enseignes, toutes ne partagent pas les mêmes ambitions dans ce domaine. Chez Midas, Cycloo est un espace intégré dans un centre existant. "Il n'a pas vocation à devenir un réseau secondaire, affirme Ludovic Dugabelle. Par ailleurs, tous les centres ne sont pas concernés, car il faut que le développement ait un sens : c'est le cas en centre-ville d'une agglomération importante, où les gens utilisent beaucoup ces moyens de transport." Les espaces Cycloo seront donc majoritairement liés aux Midas City, le format urbain de garage inauguré par l'enseigne fin 2021. À l'intérieur, deux vélos et trois trottinettes électriques sont exposés dans la partie vente, ainsi que les accessoires liés.
"L'idée n'est pas de multiplier les partenariats"
Tous ces produits ne viennent que d'une marque pour le moment, Wayscral, qui fait partie du groupe Mobivia, maison mère de Midas. L'atelier est situé près de l'accueil, en toute transparence pour le client. Pour étoffer son offre, Midas a déjà signé un partenariat avec le constructeur UrbanGlide afin de devenir réparateur agréé de ses vélos et trottinettes électriques. D'autres accords pourraient suivre, mais l'enseigne entend d'abord prendre ses marques. "Nous allons voir ce que cela représente en termes de flux, temporise Ludovic Dugabelle. L'idée n'est pas de multiplier les partenariats mais qu'ils soient de qualité, avec une relation de confiance et un partage d'expertise."
Également en phase d'apprentissage, le projet de Siligom nécessite aussi l'exposition de modèles dans le centre. L'enseigne de pneumaticiens mise beaucoup sur la vente, et s'est associée dans ce but à la société française Bocyclo pour proposer des vélos électriques à ses clients. Une dizaine de points de vente ont commencé à recevoir ces deux-roues, l'objectif étant d'atteindre la cinquantaine. Tous les sites s'engageant dans cette activité doivent avoir la capacité et l'appétence. Quatre modèles de vélos sont présentés par Siligom : le vélo urbain, le beach cruiser, le cargo compact et le tandem.
Pour se différencier, les cycles distribués chez Siligom sont personnalisables. "Les clients choisissent la forme du cadre et la couleur de tous les éléments : le cadre, mais aussi la selle, les poignées et le pédalier, détaille Olivier Pasini. Ainsi, nous mettons sur le marché des vélos uniques." Les accessoires, comme le casque, sont également assortis aux couleurs choisies. En termes de prix, Siligom ne souhaite pas dépasser le seuil de 3 000 € par vélo. "Un prix raisonnable, qui reste largement dans ceux du marché, compte tenu de la qualité du produit", selon son directeur général. Pour le moment, le réseau ne compte pas proposer de trottinettes électriques, étant peu implanté dans les centres-villes des métropoles. En revanche, des VTT/VTC au look "plus sportif" sont dans les tuyaux.
Un investissement faible pour les centres
Autre atout de cette nouvelle activité : elle ne nécessite pas de financements très importants. Du côté de Midas ou de Siligom, le coût matériel des installations avoisine les 5 000 €, hors travaux. Intégrer les espaces dédiés dans des centres existants permet de limiter les frais. "L'adhérent Siligom intéressé doit implanter au moins deux vélos dans le centre, ainsi que quelques accessoires et une gondole de présentation", indique Olivier Pasini. Ludovic Dugabelle appuie : "L'investissement le plus important est humain."
Midas forme en effet ses collaborateurs destinés à opérer dans les espaces Cycloo, à la fois via l'organisme de formation interne de Mobivia et des organismes extérieurs. Ouvert 6/7 jours et 10 h/ jour, le centre de Lille ne peut en effet se contenter d'un seul salarié dédié aux mobilités douces. Outre le référent, trois techniciens ont été formés pendant trois journées théoriques. "C'est important, car entretenir un vélo électrique et une voiture est différent", justifie Ludovic Dugabelle. Chez Siligom, la stratégie diffère. "Avec Bocyclo, nous fournissons tout l'argumentaire et les informations liées au produit à nos adhérents, explique Olivier Pasini. De plus, les vélos sont livrés montés, il n'y a donc pas de manutention particulière au déballage."
Plutôt vente ou après-vente ?
C'est l'une des principales différences entre les deux réseaux : si l'un se concentre sur la vente, l'autre veut proposer une offre après-vente poussée. Ainsi, sans avoir accentué sa communication sur ces nouvelles prestations, le centre pilote de Midas assure environ quatre réparations par semaine. "Notre activité principale restera la réparation et l'entretien. Nous sommes un prestataire de service", martèle Ludovic Dugabelle.
À l'inverse, Siligom vise la distribution avec ses vélos personnalisables, et n'entend pas revoir ses produits de sitôt. "Le cadre en aluminium est garanti à vie, les systèmes de motorisation et de freinage sont haut de gamme… Nous voulons proposer des vélos fiables et ne pas décevoir le client", insiste le directeur général. Si un défaut ou problème devait survenir, le réseau prendrait tout de même en charge le deux-roues, avec une réparation assurée par l'atelier de Bocyclo situé à Valence (26).
Allant plus loin que la vente ou la réparation, Norauto a développé en 2022 un service de location de vélos de fonction à destination des entreprises et de leurs collaborateurs. Une pratique bien plus développée en Allemagne qu'en France, pour laquelle le réseau estime le potentiel de déploiement de 300 000 à 400 000 vélos de fonction à horizon 2024-2025, pour un marché entre 800 millions et 1 milliard d'euros. Alors que le marché de l'après-vente automobile s'annonce incertain avec l'électrification du parc, le deux-roues électrique pourrait bien s'affirmer comme un relais de croissance à part entière pour les réseaux de maintenance.