Olivier van Ruymbeke (Amerigo Group) : "Le marché de la rechange va évoluer mais pas baisser"
Quel bilan tirez-vous de vos six années de présidence ?
Olivier van Ruymbeke : Automotor est une magnifique société à l'activité un peu méconnue : nous exportons dans le monde entier des pièces de rechange que nous achetons à des fournisseurs majoritairement européens, constructeurs ou équipementiers.
Depuis 2016, nous avons accru notre chiffre d'affaires de 50 %. Surtout, nous avons entrepris un virage dans la digitalisation et avons créé un groupement : Amerigo International.
Nous avons étendu nos accords fournisseurs de façon importante et avons fait de nos clients de vrais partenaires. Le tout avec une équipe stable, et qui le restera après mon départ, car nous avons permis à l'entreprise de plus s'institutionnaliser. L'arrivée de trois nouveaux investisseurs en avril 2022 [Trocadero Capital Partners, Bpifrance et AfricInvest Europe, ndlr] illustre la solidité et l'ambition d'Amerigo Group dans son ensemble.
Quelle est votre plus grande fierté au cours de ces années ?
Sans doute d'avoir très bien passé la crise sanitaire, en gardant l'entrepôt ouvert en permanence. Cette période a soudé les équipes et renforcé les liens avec nos clients et fournisseurs. Nous avons conforté nos positions et conquis de nouveaux clients, car nous avons continué à livrer dans une période où peu le faisaient. La moitié de notre croissance des dernières années vient de ce gain de clients. À l'international, une grande part de votre fonds de commerce est liée aux relations de confiance entre vous et l'importateur, qui travaille souvent à très long terme. Ce dernier veut être sûr de son fournisseur et en change donc peu. Étant loin, vous devez avoir une certaine intimité avec vos clients. Nous voyagions beaucoup avant le Covid, et nous avons pu maintenir ces liens grâce aux outils numériques. Nous sommes vite revenus sur les salons, et Amerigo International nous permet de nous réunir chaque année pour entretenir cette intimité.
Quel regard portez-vous sur les marchés à l'export ?
Ils se caractérisent par la variabilité. Lorsque vous travaillez en Europe, les chiffres d'affaires sont relativement stables, il n'y a qu'une monnaie, le système fait que vos actions sont presque intégralement garanties. Les marchés émergents sont moins policés. Il peut y avoir de grandes variations, de 10 à 30 % d'un mois sur l'autre. Les monnaies influent fortement sur le business, ce qui rend l'univers incertain. L'aspect réglementaire importe également beaucoup : un marché très fructueux peut se fermer brutalement, car le pays décide qu'il ne veut plus importer tel ou tel produit. Enfin, les conditions de paiement sont incertaines, et les garanties sont essentielles à votre force. Il faut être audacieux et prudent à la fois, savoir accompagner un client en difficulté, mais dans la limite du raisonnable pour ne pas se mettre en danger. C'est ce qui a fait la force d'Automotor.
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Après votre départ, quelles seront les ambitions d'Amerigo International ?
Continuer de grandir. Amerigo International a été créée avec plusieurs distributeurs et importateurs avant de démarrer son activité en 2019. Le but de cette entité est de négocier des accords avec les fournisseurs qui livrent directement les membres Amerigo International.
Nous sommes rapidement passés d'une vingtaine de membres à plus de soixante : la moitié d'actionnaires, et l'autre d'adhérents. Nous avons conclu plus de 30 accords fournisseurs et couvrons une vingtaine de marchés, en Europe mais aussi en dehors : Algérie, Égypte, Chili, Argentine, Corée du Sud ou encore Singapour.
Notre couverture géographique n'est pas parfaite, car le Covid a frappé en 2020, peu de temps après le lancement. Mais Amerigo International se développe, avec l'ambition d'apporter des fournisseurs mondiaux à des distributeurs de taille moyenne. Et notre plateforme digitale E-Reliable leur permet de traiter simplement l'ensemble de leurs relations, où qu'ils soient.
Au 1er janvier 2023, vous rejoindrez le comité stratégique d'Amerigo Group. Quel sera votre rôle ?
Je resterai actionnaire minoritaire de la société, car je suis attaché à ce que j'ai dirigé ces dernières années. Je n'aurai plus de rôle opérationnel mais plutôt celui de conseiller, quand l'équipe de direction considérera que mes conseils peuvent les aider. Je continuerai à être proche du secteur automobile et économique en général, comme consultant si besoin. Hormis cela, je serai bel et bien à la retraite. Il faut savoir passer le flambeau. J'ai une grande passion pour l'Italie, je pense passer la plupart de mon temps dans ma maison en Toscane. Je ne suis pas un "accro" qui ne peut vivre que par le travail.
Comment percevez-vous l'évolution du marché de la rechange automobile ?
Quand je suis arrivé sur ce secteur, chez Autodistribution en 1999, tout le monde prédisait la perte de parts de marché des indépendants face aux constructeurs, mieux armés en connaissances technologiques. Or, c'est exactement l'inverse qui s'est produit, notamment parce que le parc a vieilli, du fait de la fiabilité grandissante des voitures.
La fidélité des clients envers les réseaux concessionnaires étant de quatre à cinq ans maximum, la période de vie pour le marché indépendant a par conséquent augmenté, d'autant que le marché indépendant s'est professionnalisé et doté d'outils performants pour accompagner l'évolution technique des voitures. Concernant les marchés émergents, on trouve souvent chez un même distributeur des pièces constructeurs, équipementiers et MDD. Je pense que l'on va vers une généralisation progressive de ce système.
Comment s'adaptera-t-il à l'électrification du parc, selon vous ?
Il y aura une grande phase de transition. Il faudra utiliser cette période pour non seulement profiter du parc thermique qui perdurera, mais aussi pour entreprendre les évolutions nécessaires pour, demain, réparer les véhicules électriques.
Le distributeur ou le réseau de distribution devra aussi apporter les services, logiciels et informations techniques liés à ces véhicules.
Enfin, puisque le prix de la voiture électrique augmente, celui des opérations de maintenance suivra. Le marché de la rechange va donc changer mais, à mon avis, il ne va pas baisser.
Depuis deux ans que vous siégez au CA de la Feda, quelles actions avez-vous menées ?
J'ai notamment participé à tous les débats sur les ZFE, pour faire évoluer les pouvoirs publics sur ce sujet qui risque de handicaper grandement les mobilités. J'ai aussi toujours été un défenseur du partage des données techniques, afin que le marché indépendant continue d'y avoir accès pour pouvoir réparer les véhicules. Mes liens avec la Feda remontent à plus de vingt ans, quand j'étais à la tête d'Autodistribution. À l'époque, nous avons notamment trouvé un accord dans la lutte Golda-TecCom, pour la gérance des relations électroniques entre les distributeurs et les fournisseurs. Le Golda est devenu distributeur exclusif de la solution TecCom en France. Dans les années 2000, nous avons aussi rapproché la Feda de l'ANFA, et commencé à faire entrer des acteurs comme Mobivia. N'étant plus en activité, je quitterai mes fonctions au 1er janvier 2023, mais Automotor restera bien sûr membre de la Feda.
Bio : Olivier van Ruymbeke a un parcours particulier dans le monde de la pièce automobile. Il a passé dix ans chez PSA, notamment comme directeur de l'après-vente mondiale de Peugeot. En 1999, il rejoint Autodistribution, où il reste sept ans comme directeur général puis président du directoire. Après une expérience de sept ans au Brésil, dans le groupe SHC, deuxième distributeur automobile du pays, il revient en France. Sa vision internationale acquise le mène chez Automotor en 2016.