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Assurances

Le Crédit Mutuel bouleverse les relations assureurs-assurés-réparateurs

Publié le 28 janvier 2025
Par Nicolas Girault
6 min de lecture
En ouvrant sa première "Station mobilités" à Mulhouse (68), le Crédit Mutuel lance un service inédit dans le monde de l'assurance. Ce lieu unique en son genre offre aux assurés la possibilité de déposer leur véhicule sinistré à toute heure et de repartir avec un modèle de courtoisie.
Station mobilités Crédit Mutuel, inauguration
Léopold Schmutz, du Crédit Mutuel, présente l'atelier de réparation de bris de glace de la Station mobilités aux invités lors de la cérémonie d'inauguration du site. ©J2R/NG

La première "Station mobilités" a démarré ses activités à Mulhouse (68), en septembre 2024. Mais le Crédit Mutuel n'a inauguré cette nouvelle filiale que le 27 janvier 2025 en présence d'élus locaux et de partenaires. Ce lieu unique en son genre dans le monde de l'assurance est destiné aux assurés des onze caisses locales du Crédit Mutuel et de sa filiale CIC, dans un rayon de 15 kilomètres. Elle leur offre la possibilité de déposer leur voiture sinistrée à toute heure et de repartir avec un véhicule de courtoisie. Un parcours entièrement digitalisé leur permet ainsi de maintenir leur mobilité, en attendant la remise en état de leur voiture. L'assurance prend ensuite en charge toute la gestion des dossiers de sinistre, orientant les chantiers de réparation vers des carrossiers agréés.

Daniel Baal, président du Crédit Mutuel

Daniel Baal, président du Crédit Mutuel. ©J2R/NG

"Nous avons voulu trouver l'idéal pour l'assuré : l'assureur s'occupe de tout, en simplifiant le parcours lié au sinistre automobile. Station mobilités est avant tout un projet collectif mené de concert avec les Assurances du Crédit Mutuel, Euro-Information et CCS. Il a nécessité plus de deux ans de travail pour proposer un service unique en France pour nos assurés automobiles en cas de dommage sur leur véhicule", explique Daniel Baal. Le président du Crédit Mutuel précise : "Avec Station mobilités, nous comptons disrupter le marché de la réparation automobile tout en soutenant l’économie locale".

Déjà 350 utilisateurs

Cette initiative vise aussi à mieux maîtriser les coûts et accélérer la réparation. "Nous espérons capter ainsi des flux de véhicule pour atteindre de la rentabilité, affirme Thierry Silberzahn, responsable d'activité service technique assurance de biens. Mais nous recherchons en priorité un équilibre économique". Tandis que pour les assurés, le service est entièrement gratuit. Éventuellement, ils déboursent seulement la franchise liée à leur contrat. Deux parcours sont prévus pour eux. Après une prise de rendez-vous en ligne, ils peuvent d'abord apporter eux-mêmes leur véhicule roulant à la Station mobilité. Mais si celui-ci n'est pas roulant, ils peuvent s'y faire amener par un dépanneur.

Flotte de la Station Mobilité

Les Citroën C3 sont nombreuses parmi les véhicules de prêt de la Station Mobilité. Mais cette flotte comprend aussi des monospaces et véhicules haut de gamme, pour s'adapter aux besoins des assurés. ©J2R/NG

Les automobilistes repartent ensuite avec un véhicule équivalent au leur. La majorité de la flotte de remplacement est composée de citadines courantes, de catégorie B. Néanmoins, les propriétaires de véhicules électriques ou équipés d'une boîte automatique repartent avec un modèle équivalent. Tandis que des voitures à sept places ou haut de gamme sont également disponibles.

Environ 350 assurés ont déjà recouru aux services de ce premier site implanté dans la périphérie de la cité alsacienne. L'assureur affirme y avoir investi plusieurs millions d'euros – dont environ un million pour l'environnement digital – mais sans en préciser le montant exact. Il s'étend donc sur 9 000 m2, avec un bâtiment de 1 300 m2. Son parking accueille 120 véhicules de courtoisie. Les voitures y accèdent et en sortent en passant par deux sas équipés de huit mats supportant 32 appareils photo. Ceux-ci scannent l'état extérieur des véhicules de remplacement à leur départ et à leur restitution.

Internalisation du vitrage

Le bâtiment abrite un espace d'accueil traditionnel, ainsi que des bornes digitales et des casiers permettant de délivrer des clefs de véhicules à toute heure. Un vaste hall est réservé à l'expertise de sinistre. Dans un bureau adjacent, des postes de travail sont réservés à un ou plusieurs experts automobiles. Un couloir de lavage a également été installé pour nettoyer les véhicules de remplacement.

Entrée de la Station mobilités Crédit Mutuel

Les véhicules entrant et sortant de la Station mobilités passent par deux sas, équipés d'appareils photos pour contrôler l'état des véhicules. Tandis qu'une borne permet aux dépanneurs de donner les informations sur les voitures non roulantes qu'ils apportent. ©J2R/NG

Mais surtout, le site comprend aussi un atelier de réparation de vitrage, seule activité de réparation internalisée par l'assurance. Celui-ci dispose de quatre postes de travail, avec un pont élévateur pour les opérations de géométrie. Un autre est doté d'un banc de recalibrage des Adas de marque Autel. Tandis que l'ensemble des outils et produits de réparation et de remplacement de vitrage sont fournis par le vosgien VBSA.

Cette première Station mobilités emploie quatre salariés. Deux d'entre eux sont des réparateurs de vitrage automobile. Tandis que leurs collègues sont dédiés au nettoyage extérieur et intérieur des véhicules de prêt. Ils travailleront ainsi avec des spécialistes du cabinet d'expertise auto Alliance Expert. "À terme cette activité va être plafonnée par le parking et peut-être aussi demain par les délais", pense Thierry Silberzahn. Mais pour l'instant, leur objectif est de traiter 2 000 véhicules sinistrés et 1 000 bris de glaces par an.

L'internalisation de l'activité vitrage est loin d'être anodine, dans le contexte actuel de conflit latent entre assureurs et spécialistes non agréés. D'ailleurs, l'une des idées de départ de l'ensemble du projet était de créer une conciergerie dédiée au bris de glace, souffle un participant à l'inauguration.

Le Crédit Mutuel avait alors expérimenté un dispositif de ce genre sur deux parkings, à Paris et Strasbourg. Aujourd'hui, à sa mise œuvre, Station mobilités a étendu son service à tous les types de sinistres de carrosserie et dépasse l'activité de conciergerie.

Prise en charge plus rapide

Les véhicules sinistrés sont expertisés sur place. Les experts définissent une méthodologie de réparation sur place et son chiffrage, enregistré sur la plateforme numérique partagée avec les réparateurs. "Puis, les dossiers de sinistres y sont placés dans une «bourse» sur laquelle les réparateurs les sélectionnent ensuite, suivant le principe de «premier arrivé, premier servi» et les différents tarifs négociés avec chacun d'entre eux", explique Léopold Schmutz, responsable des partenariats automobiles.

Station mobilités de Mulhouse

La Station mobilités de Mulhouse a été installée dans des bâtiments existants. La prochaine devrait sortir de terre, en étant spécialement conçue pour les activités assurancielles. ©Station mobilités

D'après lui, le débat contradictoire expert-réparateur obligatoire reste néanmoins préservé. "Le débat reste ouvert, même après l'arrivée du véhicule dans l'atelier, notamment si le carrossier détecte un problème que l'expert n'a pas repéré." L'assureur insiste sur le fait que les dossiers doivent rester économiquement intéressants, pour que les réparateurs les traitent le plus vite possible.

En effet, ce fonctionnement vise à accélérer la prise en charge des véhicules. Les premiers retours d'expérience indiquent ainsi que les chantiers seraient pris en charge sous 15 jours en moyenne dans la Station mobilités… Contre 50 jours sur le marché de la réparation-collision. Leur durée d'immobilisation moyenne est d'environ cinq jours. Ces travaux sont réalisés par 12 réparateurs agréés, sur les 29 implantés dans le secteur.

"Initialement, nous voulions travailler avec huit carrossiers, attachés au site. Nous sommes tous allés leur rendre visite avant d'installer ce dispositif, raconte l'un des cadres du Crédit Mutuel. Certains sont réticents, car cela casse leurs relations avec les clients. Mais nous n'imposons rien et continuons à travailler avec eux, car notre modèle reste hybride. D'autres y ont d'ailleurs vu une opportunité d'augmenter leurs volumes de réparation. En se débarrassant de tout une partie de leur relation avec les clients, ils ont embauché des techniciens plutôt que des administratifs".

Un modèle appelé à s'étendre

Il précise que le profil de ces réparateurs reste diversifié. Il s'agit d'ateliers de tailles variables, depuis la concession jusqu'à de "petits" réparateurs indépendants. Certains ont même réservé une zone spécifique dans leur atelier, dédiée à ce nouveau flux.

Ce concept de Station mobilités est voué à s'étendre d'abord à toute l'Alsace, puis à l'ensemble du territoire national, avec une trentaine de centres. L'ouverture d'un deuxième site à Strasbourg (67), en 2026, est ainsi déjà annoncée. "Ce premier site constitue un test grandeur nature de ce service innovant. Le prochain, dans un bâtiment neuf, sera un pilote industriel plus petit, définissant un modèle duplicable partout", indique Léopold Schmutz. Il permettra ainsi d'étendre ce dispositif à l'ensemble du territoire national dans la prochaine décennie.

Plusieurs membres du Crédit mutuel indiquent que ce type de point service intéresserait leurs homologues d'autres assurances. Ils n'excluent donc pas qu'à l'avenir les activités de leur filiale Station mobilités s'ouvrent à d'autres assureurs extérieurs au groupe. Si la majorité d'entre eux parvenait ainsi à reprendre la main aussi étroitement sur la gestion d'une partie de "leurs" sinistres, cela changerait le paradigme des réparateurs. À ce jeu, les grands ateliers conserveraient néanmoins toujours davantage de poids pour s'adapter et négocier avec ces assureurs.

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