Phares : pourquoi les réparations sont si coûteuses
Le dernier Mondial de l'Auto a mis en lumière une tendance forte : les systèmes d'éclairage des véhicules, autrefois fonctionnels, deviennent de véritables signatures lumineuses, intégrant des technologies avancées comme les LED ou les phares à matrice. Mais cette évolution technologique n'est pas sans conséquence sur les coûts de ces pièces de carrosserie.
Dans sa dernière étude, SRA estime, en effet, que le coût moyen des optiques de phare a grimpé de 70 % depuis 2019 tandis que celui des feux arrière a bondi de 52 %. Pour les feux avant, l'inflation est également notable : +65 % !
Data scientist pour l'association d'assureurs, Nardjesse Bensmina note que cette tendance haussière est particulièrement sensible sur les modèles récents, âgés de moins de quatre ou cinq ans. Ainsi, le coût moyen des optiques pour les véhicules âgés de moins de 2 ans s'élève à 1 094 € contre 590 € pour les modèles âgés de 10 à 14 ans. Résultat : la famille des optiques présente aujourd'hui la charge financière la plus importante dans les réparations des sinistres.
Des optiques toujours plus coûteuses
Plusieurs facteurs peuvent justifier, selon SRA, cette progression des tarifs. Tout d'abord, elle s'inscrit dans un contexte globalement d'augmentation du prix des pièces de carrosserie. L'association rappelle, en effet, que son panier moyen, qui permet de suivre l'évolution tarifaire de plus de 12 000 références de 271 modèles, enregistre des augmentations annuelles comprises entre 6 et 9 %.
Autre paramètre à prendre en compte, les évolutions technologiques dans le secteur de l'éclairage qui ont fortement contribué à cet enchérissement. "Dans les années 2010, nous avons assisté à l'essor de la technologie LED qui présente plusieurs atouts – une faible consommation énergétique et une durabilité prolongée – tout en offrant de nouvelles possibilités de signatures lumineuses distinctives. Aujourd'hui, le taux d'équipement en phares à LED est d'environ 20 %", rappelle Bruno Deng, chargé d’études techniques pour SRA.
Des réparations limitées et une empreinte carbone élevée
Malgré leur sophistication, ces optiques sont particulièrement vulnérables en cas de sinistre. En outre, leur réparabilité est limitée en raison du développement d'éléments monobloc sans solution de réparation.
En 2023, 91 % des optiques endommagés ont ainsi dû être remplacés, faute de pouvoir les réparer. "Ces nouvelles technologies d'éclairage ont également un impact sur la main d'œuvre car elles peuvent nécessiter une reprogrammation, des temps d'intervention plus longs, etc.", souligne Rodolphe Pouvreau, directeur de SRA.
Parmi les freins à la réparabilité de ces pièces, Nicolas Hamelin, ingénieur carrosserie/peinture de Cesvi France, pointe également du doigt le manque des compétences dans les ateliers, les désaccords entre experts et réparateurs ou encore l'indisponibilité de solutions de réparation chez les constructeurs.
Outre le coût économique, l’impact écologique des optiques endommagés soulève également des préoccupations majeures. Chaque remplacement d'un phare LED génère en moyenne 45 kg de CO2, ce qui représente 13 500 tonnes de CO2 pour les 300 000 optiques remplacés l'an dernier. Ce constat met en lumière l'urgence de développer des solutions plus durables.
Quelles solutions de réparation pour les optiques ?
Face à cette situation, l'association d'assureurs entend promouvoir de nouvelles solutions pour mieux maîtriser les coûts liées à la réparation de ces optiques. C'est la voie qu'a notamment investie Cesvi France, qui propose des formations spécifiques sur la réparation des pattes de fixation ou des glaces en polycarbonate.
L'organisme s'attache, en outre, à référencer les kits de réparation fournis par les constructeurs. Ce listing, régulièrement mis à jour, couvre aujourd'hui 250 modèles et 20 constructeurs. "Pour compléter cette offre, nous avons également noué un partenariat pour proposer des kits imprimés en 3D", ajoute Nicolas Hamelin.
Ce n'est pas tout : SRA entend aussi mettre en avant l'offre de pièces reconditionnées ou de réemploi qui tend à se développer chaque année. Aujourd'hui, seuls 5 % des optiques remplacés sont issus du réemploi. Dans ce domaine, Back2Car, marque dédiée à l'économie circulaire d'Alliance Automotive Group (AAG), s'efforce notamment de renforcer.
"Les optiques de phares sont une famille en forte progression chez Back2Car. Mais ces pièces ne sont pas toujours dans un état permettant leur réutilisation pour répondre aux attentes de qualité des réparateurs. Sur cette gamme, nous avions ainsi 20 % de rebut à l'issue des étapes de contrôle qualité. C'est pourquoi nous avons lancé la gamme Reman afin de proposer des produits parfaitement reconditionnés", explique Luc Fournier, directeur de l'activité pièces de réemploi d'AAG. Parmi ses projets, le groupe entend notamment déployer, dès l'an prochain, des phares avec des pattes de fixation réparées.
Une conception plus favorable à la réparation
Au-delà de ces nouvelles solutions de réparation, SRA entend préconiser, avec cette étude, une conception plus réfléchie des optiques, en intégrant des matériaux plus résistants et des technologies favorisant leur réparabilité.
"Il faut aussi se s'interroger sur l'utilisation des éléments lumineux et définir un meilleur équilibre entre technologie, sécurité et confort", conclut Rodolphe Pouvreau, qui estime qu'une une collaboration renforcée pourrait aider la filière à relever ces défis tout en répondant aux attentes croissantes des consommateurs.